Christiane TaubiraLa Sorbonne condamne des propos homophobes et transphobes tenus en amphi par un professeur de droit

Par Nicolas Scheffer le 01/10/2020
sorbonne

Un professeur de droit a tenu des propos ouvertement transphobes et a comparé le mariage pour tous à une union zoophile. L'université condamne du bout des lèvres ses propos et annonce saisir la référente aux discriminations.

Ce sont des propos d'une homophobie incroyable qui ont été prononcés au sein même d'une des plus prestigieuse université de France. Devant des dizaines d'étudiants, Aram Mardirossian, professeur de droit de l'université Panthéon-Sorbonne, a tenu un discours transphobe et a comparé le Mariage pour tous à union zoophile. Il poursuit en se disant fondamentalement opposé à la loi Taubira votée en 2013.

"Quel est le fondement ? Le fondement, ça a été de dire qu'un homme et une femme qui peuvent se marier, c'est discriminant, alors que de dire que deux hommes ou deux femmes ne puissent pas faire de même. Sur un plan juridique, ça a été l'argument principal". Il enfonce le clou. "Demain, après demain, il va y avoir quelqu'un, c'est obligé, (...) qui va aller devant un tribunal et va dire 'je suis discriminé, j'ai une jument, je l'adore. Je ne peux pas l'épouser, c'est un scandale' (...) ça va venir, c'est obligé", dit-il sans pouvoir être coupé.

Des positions outrancières

Dans une autre vidéo, publiée sur les réseaux sociaux, on l'entend s'en prendre également aux personnes trans. "La semaine dernière ou il y a quinze jours, la Cour de Cassation a mis un petit frein. C'était quelqu'un qui était une femme, enfin je ne sais plus. C'était un homme... J'ai oublié si c'était d'abord un homme, une femme... Ah si, c'était un homme qui a engrossé sa femme (sic) et entre temps, il a changé de sexe (sic)... Un truc complètement délirant. Des portes sont ouvertes, il n'y a plus de limites. (...) C'est l'homme tout puissant", lâche-t-il à ses étudiants.

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Aram Mardirossian est connu pour ses positions réactionnaires. Il y a à peine un mois dans l'hebdomadaire d'extrême droite Valeurs actuelles, il écrivait "Depuis un demi-siècle, cette République et ses "valeurs" démolissent pan après pan la res publica, l'édifice millénaire que représente l'Etat et in fine détruisent la France". Dans un autre texte, il écrit "Les éternels naïfs déplorent à juste titre le récent accroissement des actes antisémites en France. On récolte ici les fruits de décennies d'idéologie anti-raciste qui a largement muté en islamo-gauchisme. Néanmoins, s'il y a une religion à abattre aujourd'hui, ce n'est ni le judaïsme ni l'islam mais le christianisme". À chaque fois, l'hebdomadaire met en évidence son appartenance à l'université comme gage de respectabilité.

Malaise à l'université

Du bout des lèvres, l'université a condamné les propos tenus en amphi par ce professeur. "Les principes de liberté d’expression et d’indépendance des professeurs d’université, aussi fondamentaux qu’ils soient, ne sauraient abriter des propos de nature discriminatoire. L’administrateur provisoire de l’université l’a rappelé dès ce matin à l’intéressé. La référente égalité femmes-hommes, harcèlement et non-discrimination de l’université, Anne-Marie Leroyer, a été saisie de cet incident. Comme les autres, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a une vocation universelle. Elle est un lieu qui accueille et respecte chacun, sans distinction selon ses origines, sa religion, ses opinions ou son orientation sexuelle", écrit-elle dans un communiqué. Aucune sanction directe n'a été décidée à l'encontre du professeur qui profite de ses cours pour insulter l'orientation sexuelle et le genre des personnes LGBT+.

Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, Frédéric Potier voit lui dans ce communiqué une “condamnation très claire” de l'université . “La haine anti-LGBT n’a pas sa place à la Sorbonne”, a-t-il écrit.

 

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De tels propos ne font qu'encourager l'homophobie ambiante au sein de l'université. Dans une récente étude, le Caélif (le collectif d'associations d'étudiants LGBT+ en Île-de-France) met en évidence qu'un étudiant sur quatre a été témoin de LGBTphobie dans un établissement français. Surtout, 85% des personnes victimes d'agression ne les rapportent pas à l'administration. L'étude fait état d'un climat délétère ou perçu comme tel au sein de l'enseignement supérieur. L'indépendance et la liberté d'expression servent régulièrement de paravent aux professeurs pour tenir des propos stigmatisants qui sont rarement poursuivis par les universités.

Un besoin de formations aux LGBTphobies

Loïc, étudiant à la Sorbonne témoigne à TÊTU : "ce n'est pas un cas isolé, plein de professeurs de droit utilisent des rhétoriques homophobes et transphobes dans leurs cours, notamment au sein du master du droit de la famille". L'association Queer Sorbonne envisage de déposer plainte mais demande surtout à l'université de mettre en place d'urgence des formations sur les actes LGBTphobes à destination des professeurs.

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Crédit photo : Capture d'écran YouTube / Institut Thomas More