Le Peuple de louange, la communauté religieuse qui a inspiré « The Handmaid’s Tale »

Présent dans 22 villes des États-Unis, du Canada et des Caraïbes, le groupe rassemble environ 1700 membres qui, pour les plus dévoués, s’engagent pour le reste de leur vie.
Dès sa sortie la srie The Handmaids Tale a passionn ses spectateurs.
Sophie Giraud/Hulu

À l’aide de sa femme, un homme décide de violer sa servante pour « l’aider à donner naissance à son bébé ». Cette scène est l’une des plus choquantes de The Handmaid’s Tale, véritable phénomène de la chaîne Hulu. Depuis sa sortie en 2017, la série passionne ses spectateurs. Tirée du livre de Margaret Atwood, publié en1985, il s’agit d’une histoire dystopique qui se déroule dans de futurs États-Unis où les règles de la société sont basées sur l’interprétation des Écritures de l’Ancien Testament. Ce modèle paraît loin de la structure sociale connue par la plupart d’entre nous, pourtant il se rapproche énormément d’une communauté religieuse bien réelle, appelée « Le Peuple de louange ».

Ce groupe est sous le feu des projecteurs alors qu'Amy Coney Barrett, l’une des candidates pressenties pour succéder à Ruth Bader Ginsburg, décédée le 18 septembre dernier, en tant que jugeà la Cour Suprême, est considérée comme proche de ses membres. Son père, ainsi que celui de son mari, étaient des cadres dirigeants de cette collectivité, d’après des révélations du New York Times. Bien qu’un article du journal affirmait en 2017 qu’elle faisait partie du Peuple de louange, cette fervente catholique n’a jamais confirmé ces allégations.

1700 membres

Cette « communauté chrétienne charismatique » voit le jour en 1971 à South Bend, dans l’Indiana. Des étudiants et des professeurs de l’Université catholique de Notre-Dame connaissent alors un « renouveau de l’enthousiasme et de la ferveur chrétienne, ainsi que des dons comme celui de parler plusieurs langues et guérir les autres physiquement », explique le groupe sur son site internet. Le Peuple de louange compte environ 1700 membres répartis dans 22 villes des États-Unis, du Canada et des Caraïbes et déclare être composé de libéraux et de conservateurs, mélangeant également les traditions catholiques romaines et pentecôtistes.

Les adhérents, qui doivent jurer obéissance à la communauté, se voient attribuer un tuteur ou une tutrice doté d’une vaste influence. Ces conseillers peuvent notamment donner leur avis sur les fréquentations amoureuses, le choix de carrière ou encore le lieu de résidence de la personne qu’ils parrainent. Lorsqu’il s’agit d’un homme, il est surnommé « chef » et, pour les femmes, « servante ». Mais ces dénominations ont changé depuis 2018, peu de temps après l’arrivée de The Handmaid’s Tale sur les écrans : « Reconnaissant que le sens de ce terme a radicalement changé dans notre culture ces dernières années, nous n’utilisons plus le terme "servante" », a déclaré le groupe à Reuters, sans attribuer cette modification à la série.

Des écoles privées catholiques

Car, en y regardant d’un peu plus près, les principes de vie appliqués dans la communauté sont très proches de ceux représentés dans The Handmaid’s Tale. Là-dessus, Margaret Atwood a expliqué que les groupes tel que celui du Peuple de louange, sans le mentionner, lui ont servi d’inspiration dans l’écriture de son livre. Lors d’une interview pour le New York Times Book Review en 1986, elle a déclaré : « Il y a maintenant une secte, une secte catholique charismatique, qui appelle les femmes "servantes" ».

Margaret Atwood a expliqué que les groupes tel que celui du Peuple de louange, sans le mentionner, lui ont servi d’inspiration dans l’écriture de son livre.

Rick Eglinton/Toronto Star via Getty Images

La question se pose alors sur la place des femmes dans la collectivité. À ce sujet, le porte-parole du Peuple de louange, Sean Connolly, affirme à Reuters que les femmes ne sont pas considérées comme subordonnées et que beaucoup d’entre elles occupent des postes hiérarchiquement élevés, comme directrices d’écoles ou de ministères. Car, depuis 1981, « en réponse à un appel de Dieu », le groupe a créé les écoles de la Trinité : des établissements chrétiens et privés situés à South Bend, Falls Church, en Virginie, dans l’Indiana et le Minnesota. Ils affirment que la majorité des élèves qui y sont scolarisés ne sont pas membres de Peuple de louange et peuvent développer leurs propres opinions sur divers sujets.

Secte ou pas secte ?

Coral Anika Theill, une ancienne adhérente au groupe, a critiqué la communauté en la qualifiant dans une interview de « culte », tout en affirmant que les femmes se devaient d’y être obéissantes aux hommes, et que ceux qui osaient réfléchir par eux-mêmes était « humiliés, interrogés, couverts de honte et isolés ».

De son côté, Thomas Csordas, un spécialiste de la religion à l’Université de Californie, à San Diego, a déclaré que Le Peuple de louange était « très conservateur » mais qu’il ne le considérait pas comme une secte, ajoutant qu’il avait déjà étudié des groupes chrétiens beaucoup plus autoritaires. Il ne nie cependant pas une corrélation entre l’œuvre de Margaret Atwood et des collectivités religieuses : « Lorsque j’ai lu son livre pour la première fois, j’ai été très secoué par la similitude de la terminologie avec celle qui prévaut dans certaines des communautés d’alliances chrétiennes charismatiques que j’avais étudiées » , écrit-il en 1996 dans un article intitulé « A Handmaid’s Tale », sans faire référence au Peuple de louange.

Certains membres de cette organisation, pour les plus dévoués, s’engagent pour le reste de leur vie à travers ce qu’ils appellent une « alliance ». Bien que peu connu et constitué d’un nombre limité d’adeptes, le groupe a le mérite d’avoir, semble-t-il, réussi à inspirer une artiste de renom telle que Margaret Atwood et participé à la création d’une histoire devenue une véritable référence culturelle.