Jean-Paul Fitoussi est économiste. Dans “Comme on nous parle. L’emprise de la novlangue sur nos sociétés”, il explique comment la perte des mots mine la démocratie et prépare potentiellement le terrain à un nouveau totalitarisme.
Marianne : Votre livre s’ouvre par une association assez cocasse. George Orwell est cité en exergue et votre titre est emprunté de la chanson Foule sentimentale écrite par Alain Souchon. Avez-vous voulu signifier par là que la société de consommation tend aujourd’hui vers une forme de totalitarisme ?
Jean-Paul Fitoussi : Le « comme on nous parle » de la chanson d’Alain Souchon souligne combien nous sommes pris pour des « demeurés ». La consommation n’est pas le seul domaine où l’on nous parle de cette façon. Le phénomène n’est pas nouveau. Il s’est aggravé au fil du temps, avant même le confinement, lequel n’a fait que le révéler encore un peu plus. J’ai alors été très frappé par le discours de ces grands professeurs de médecine dont on attendait un avis indépendant et qui ne faisaient qu’employer les mots de la novlangue. J’ai aussi été marqué par l’énergie déployée par nos dirigeants pour masquer à la population qu’ils n’avaient pas les moyens de la soulager.
Cela revient-il à dire que les logiques du privé l’emportent aujourd’hui sur l’exigence de la démocratie ?