Enfants «influenceurs» : la loi encadrant leur travail définitivement adoptée

Ce texte vise principalement à encadrer les horaires et les revenus des mineurs de moins de seize ans dont les vidéos sont parfois visionnées des millions de fois.

 Les plateformes de partage de vidéos seront incitées à adopter des chartes visant à améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants de moins de 16 ans. (ILLUSTRATION)
Les plateformes de partage de vidéos seront incitées à adopter des chartes visant à améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants de moins de 16 ans. (ILLUSTRATION) LP/Delphine Goldsztejn

    Qu'ils soient sur Instagram, YouTube ou Tik Tok, les enfants « influenceurs » vont désormais être encadrés. Mardi, le Parlement a définitivement adopté par un ultime vote unanime de l'Assemblée, une proposition de loi LREM pour encadrer les vidéos mettant en scène sur internet ces enfants.

    Le texte, salué sur tous les bancs du Palais Bourbon, a été voté par 69 voix. Il va faire de la France une pionnière sur ce sujet, selon son auteur, le député LREM Bruno Studer. « Le travail des enfants est interdit en France sauf dérogation, y compris sur internet », a fait valoir l'élu du Bas-Rhin qui préside la commission des Affaires culturelles.

    Saluant un texte « précis et équilibré », le secrétaire d'Etat à l'Enfance et aux Familles Adrien Taquet a rappelé que « depuis 2017 le gouvernement s'est attaché à maintes reprises à mieux réguler l'espace numérique pour que chacun y soit mieux protégé ». Il s'agit principalement d'encadrer les horaires et les revenus des mineurs de moins de seize ans dont l'image est diffusée sur les plateformes vidéos et parfois visionnée des millions de fois.

    Des revenus jusqu'à 150 000 euros

    L'ampleur du phénomène de ces enfants « youtubeurs » est difficile à quantifier, mais Bruno Studer évoque « plusieurs dizaines de cas » et des revenus, jusqu'à 150 000 euros par mois, « qui permettent à certains parents » de cesser « toute activité ». Ces revenus publicitaires proviennent soit de la publicité, soit de partenariats avec des marques.

    En France, les jeunes Gabin et Lili, par exemple, se filment régulièrement en train de tester des aliments ou en train de relever des défis populaires sur YouTube. Ces vidéos ont pu réunir jusqu'à 7 millions de vues. D'autres jeunes influenceuses, partagent leurs astuces beauté et mode, comme La Fille du Web ou Une Ptite Jajoux, qui sont suivies par plusieurs centaines de milliers d'abonnés.

    Dans les cas où la relation de travail est avérée, le texte prévoit d'étendre un dispositif déjà existant qui encadre le travail des enfants du spectacle et des enfants mannequins. Et si les autorisations administratives et agréments ne sont pas respectés, un juge des référés pourra être saisi. Les rémunérations perçues par les enfants seront, comme pour les enfants du spectacle, placées à la Caisse des Dépôts et consignations, jusqu'à leur majorité.

    Un « droit à l'oubli » pour les enfants

    Pour les « zones grises d'internet », où la relation de travail n'est pas clairement établie, le texte prévoit une déclaration à partir d'un double seuil : de temps consacré par l'enfant aux vidéos et de revenus engrangés. Le texte instaure en outre un « droit à l'oubli » : sur demande des enfants concernés, les plateformes de vidéos se verront obligées de retirer les contenus.

    Les plateformes de partage de vidéos seront incitées à adopter des chartes visant à améliorer la lutte contre l'exploitation commerciale illégale de l'image d'enfants de moins de 16 ans. Elles devront aussi favoriser l'information des utilisateurs sur la législation en vigueur, et signaler les éléments qui portent atteinte à la dignité, à l'intégrité physique ou morale des enfants.

    Le tout en lien avec des associations de protection de l'enfance, mais aussi avec l'autorité régulatrice qu'est le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), qui devra promouvoir la signature de ces chartes auprès des plateformes mais aussi publier un « bilan » de leur application et leur effectivité.

    La proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par l'Assemblée en février, puis le Sénat l'avait votée en juin avec quelques ajouts, conservés par les députés. Parmi les quelques bémols émis, Muriel Ressiguier (LFI) a regretté des mesures « pas assez contraignantes pour les plateformes ». Marie-George Buffet (PCF) a évoqué une proposition de loi « très positive même si elle ne pourra suffire face aux multiples problématiques du numérique » pour les enfants et adolescents.