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A quoi servent les écologistes en politique ?

A préparer l'avenir, répond Daniel Boy du Cevipof, même si celui d'Europe Ecologie Les Verts risque d'être difficile

Publié le 11 avril 2014 à 11h04, modifié le 11 avril 2014 à 11h04 Temps de Lecture 6 min.

Emmanuelle Cosse, à Paris, le 23 mars 2014.

Il y a près de quarante ans l'apparition de René Dumont à la télévision lors de la campagne présidentielle de 1974 marquait l'entrée en politique de l'écologie. Le score obtenu par le bouillant militant de l'écologie, soutenu par le petit groupe des Amis de la Terre – 1,34 % des suffrages exprimés - n'était pas déshonorant pour un mouvement politique qui, à l'époque, ne disposait ni d'une notoriété assurée, ni du moindre appareil politique. Lors de la dernière élection présidentielle, Eva Joly candidate d'Europe Ecologie Les Verts n'obtenait guère plus que son devancier : 2,28 %. Et pourtant dans cet espace de temps les Verts, rassemblés au sein d'un parti politique depuis 1984, ont été présents à toutes les élections, nationales, locales et  Européennes, avec il est vrai des succès divers. A deux reprises, avec l'équipe gouvernementale dirigée par Lionel Jospin (1997-2002) puis très récemment dans  le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, Les Verts ont partagé le pouvoir avec le Parti socialiste (PS). Mais la cause écologiste a-t-elle progressé pour autant ? La poussée de l'écologie politique s'est-elle traduite par une prise en compte des demandes écologistes dans les politiques publiques ? Bien des militants de l'écologie en doutent.

Certains reprochent aux Verts  une orientation à la gauche de la gauche qui les inciterait à privilégier les enjeux sociétaux (tolérance, refus de l'autorité, lutte contre les discriminations) au détriment de la défense de l'environnement. Des militants associatifs ont le sentiment que le "Grenelle de l'Environnement", organisé par une majorité de droite, avec des associations de défense de l'environnement, a finalement été plus bénéfique pour les politiques d'environnement que les concessions obtenues par les Verts dans leurs accords successifs avec le Parti socialiste. Si c'est bien le cas, à quoi servent donc les écologistes en politique ?   

Pour tenter de répondre à cette question il faut en premier lieu revenir sur le poids politique de l'écologie qui ne peut se résumer au score désastreux de la dernière élection présidentielle.  En réalité, si l'on prend en compte les scores obtenus par les écologistes lors de toutes les élections présidentielles, la moyenne des suffrages exprimés se situe à 3,2 %, la seule exception notable étant celle de la candidature de Noël Mamère en 2002 (5,3 %). A l'évidence l'élection présidentielle n'est pas un bon terrain de lutte électorale pour les écologistes. Sans doute serait-il raisonnable pour eux de considérer la proposition faite par Daniel Cohn-Bendit qui consistait à négocier en amont, avec le parti Socialiste, une absence de candidature écologiste comme premier élément d'un accord électoral et programmatique.

Le meilleur terrain électoral des écologistes est aussi celui qui correspond à un vieux slogan ("penser globalement, agir localement") : celui du local. Les très récentes élections municipales ont en effet confirmé les bonnes performances des candidats écologistes à ce niveau : 9,8 % pour les listes autonomes dans les villes de plus de 9 000 habitants. A ce total il faudrait ajouter des résultats souvent impressionnants dans des villes de plus petite taille sans oublier à l'autre extrême le succès obtenu à Grenoble par Eric Piolle associé au parti de Gauche .
Au niveau régional, en coalition avec le PS, les Verts ont souvent obtenu de bons résultats et sont entrés en nombre dans les Conseils Régionaux dès 1992. Lors de la dernière élection régionale, en 2010 les listes  autonomes d'EELV ont rassemblé  12,5 % des suffrages dans les 21 régions où elles étaient présentes.

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Les élections cantonales, malgré un mode de scrutin majoritaire à deux tours qui défavorise a priori les petites minoritaires, ne font pas exception à la règle du local. Ainsi aux élections cantonales de 2011, EELV présent dans 1155 cantons y recueille 12,2 % des suffrages exprimés.   

Au-delà du national, c'est ensuite le niveau Européen qui favorise l'expression d'un vote écologiste.  Sans doute parce que l'environnement est un enjeu transnational et que les directives environnementales de Bruxelles, plus ou moins vites transposées dans le droit français, constituent aujourd'hui le socle des politiques publiques d'environnement. C'est lors des élections Européennes de 1989 que les Verts ont obtenu leur premier succès notable : 10,7 %. Cette réussite s'est trouvée confirmée de façon éclatante lors des dernières élections Européennes où les listes d'EELV ont atteint un résultat bien proche de celui du Parti Socialiste, 16,3 % des suffrages exprimés, dans un contexte, il faut le rappeler, d'abstention considérable (58,7 %).

Restent les dernières élections à examiner, à vrai dire les plus décisives  en ce qu'elles viennent  parfaire les résultats de la présidentielle,  c'est à dire les élections législatives. C'est précisément là que se situe l'obstacle pour les écologistes. Comme toute formation politique jeune, ils ne disposent pas de zones de force électorale qui permettraient l'élection d'un nombre important de candidats. Ils sont par conséquent tenus de conclure un accord électoral avec un partenaire, le PS, qui garantit l'exclusivité de candidatures écologistes dans un certain nombre de circonscriptions "réservées". Cette entente électorale s'accompagne d'un accord programmatique au terme duquel un certain nombre de mesures environnementales seront adoptées lorsque les partis coalisés seront au pouvoir.

C'est ce dispositif qui constitue l'outil majeur d'influence sur les politiques d'environnement à venir après l'élection, en cas de victoire. On en voit aujourd'hui les faiblesses. Pour parvenir à ses fins il faut en effet d'abord que le contrat  soit respecté. Formellement cela semble être le cas puisqu'il est bien question d'une Loi de Transition énergétique qui doit venir en discussion au printemps de cette année. Que cette loi vienne en débat près de deux ans après l'élection s'explique par la tenue préalable d'un vaste débat sur la transition énergétique qui s'est déroulé avec une sage lenteur, mais une assez faible visibilité publique en 2013. Hélas, enfin arrivés au but – celui de la discussion parlementaire du projet de loi - , les Verts décident de ne pas poursuivre leur participation au gouvernement parce qu'ils soupçonnent d'infidélité aux valeurs de gauche le nouveau premier ministre choisi par François Hollande, Manuel Valls. Ou peut-être parce que le pacte de responsabilité leur semble, comme le clame la gauche de la gauche "un cadeau fait au patronat ". Ou de crainte que les adhérents de base, plus hostiles que les dirigeants au maintien au pouvoir, ne les contestent violemment. Ou encore pour se distinguer du parti au pouvoir et échapper ainsi à un vote  sanction lors des élections européennes à venir. Soit. La transition énergétique se fera donc - peut-être -  mais sans eux.

A quoi sert alors l'écologie politique ? Peut-être à préparer l'avenir. C'est à dire à travailler à constituer une force politique suffisamment forte pour se passer de ce carcan que constitue un accord électoral avec le PS. La tâche n'est pas facile. Car les résultats des Verts aux élections législatives dans les circonscriptions où ils sont en concurrence avec le  PS, - hors donc des circonscriptions réservées par l'accord – sont très faibles : de l'ordre de 4%. Pas de quoi faire une majorité, en tous cas dans un système majoritaire à deux tours. Il reste l'espoir du passage à un système proportionnel mais encore faudrait-il que celui-ci ne se limite pas à un nombre réduit de sièges qui ne résoudrait nullement le problème des Verts.     

On comprend qu'aujourd'hui bien des défenseurs de l'environnement n'aient guère envie d'attendre que l'écologie politique, enfin devenue une force politique majeure,  assure réellement la prise en compte des enjeux environnementaux. Pour ceux-là l'écologie politique n'a pas réalisé ses promesses.

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