Sur l’emploi du temps du diplôme universitaire d’ingénierie culturelle de l’Institut catholique de Paris (ICP), le nom d’Alice Coffin est bien inscrit pour la rentrée 2020-2021. L’élue Europe Ecologie-Les Verts (EELV) au Conseil de Paris et militante féministe lesbienne devait y donner tous les jeudis, de 16 heures à 19 heures, un cours d’écriture journalistique. Un cours de « Médias et pouvoirs » ainsi que d’« Esthétique » étaient aussi planifiés dans deux masters différents. Pour un total de cinquante-huit heures. Ces cours n’auront jamais lieu.
Le 4 septembre, alors qu’Alice Coffin se rend à la réunion de rentrée de l’ICP, elle reçoit un texto de son directeur de master. Son contrat n’est pas renouvelé, sa nouvelle activité de militante irait à l’encontre des valeurs de l’université, dénuées de militantisme. Devant les locaux de la « Catho », il l’attend, pour lui dire qu’elle ne pourra plus enseigner. Professeure depuis huit ans à l’ICP, la militante perd un contrat sur lequel elle avait été jusqu’ici systématiquement reconduite.
« Cet été, j’ai été insultée de toute part, gravement cyberharcelée, mise sous protection policière mais le seul truc qui m’ait vraiment atteinte, c’est la perte de cet emploi-là », explique celle qui vient d’être remise sous protection à la suite d’une nouvelle vague de menaces plus concrètes encore essuyée depuis ce week-end. Pourquoi la « Catho » s’est-elle séparée d’une enseignante que ses collègues ont décrite comme investie et appréciée ? Argument avancé par l’établissement : un militantisme trop visible. Ce qui au regard du droit du travail pourrait être discriminatoire.
Interpellé sur Twitter
La « Catho » n’a jamais ignoré l’engagement d’Alice Coffin. Sur les plaquettes de la faculté, elle était même présentée en tant que telle : « Alice Coffin est spécialisée dans le traitement médiatique des questions féministes et LGBT, elle est membre de plusieurs collectifs féministes tels que la Barbe et a cofondé en 2013 l’association des journalistes LGBT. (…) Elle publiera en octobre 2020 Le Génie lesbien aux éditions Grasset, ouvrage qui décrypte les structures médiatiques et politiques françaises au regard des enjeux minoritaires. »
En 2018, l’institut est interpellé sur Twitter sur le paradoxe que représenterait la présence en son sein d’une enseignante « qui crache sur l’Eglise, soutient les Femen et leurs actions proavortement, trouvez-vous cela normal ? », écrit un internaute. En interne, la doyenne de l’époque estime ce Tweet « fielleux » : « Travailler sur les questions du genre ou militer pour faire progresser la situation des LGBT n’équivaut pas nécessairement à lutter contre l’Eglise », répond-elle. Un autre professeur la soutient à son tour : « Les étudiants du DU ne m’ont jamais fait part d’aucune remarque déplacée anti-Eglise ou prosélyte LGBT : [Alice Coffin] fait cours de journalisme à titre professionnel. »
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