Tribune. Qu’il ait suivi son instinct primitif ou quelque diabolique plan stratégique, Donald Trump n’a cessé, depuis qu’il a déboulé sur la scène politique, de saper – dénigrer, décrier, humilier, rabaisser, maltraiter, insulter et prendre en traître – les institutions américaines. Il s’est fait les dents en tirant à vue sur l’institution présidentielle avec ses insinuations selon lesquelles Barack Obama n’était pas éligible parce qu’il n’était pas né aux Etats-Unis. (L’accusation si souvent répétée lui ayant apporté l’attention nationale qu’il cherchait, il a ensuite trouvé commode de l’abandonner : « Le Président Barack Obama est né aux Etats-Unis. Point ».)
La peur de la « conspiration »
En presque quatre ans à la Maison Blanche, le président Trump a réussi à saboter le département de la justice, le département d’Etat, le FBI, le département de la défense et le président du comité des chefs d’état-major des armées, le Conseil national de sécurité, le service postal et même l’OTAN, sans parler des différentes agences de santé qui ont dû réfuter ses déclarations à l’emporte-pièce sur les remèdes contre le coronavirus (comme quand il a publiquement envisagé la possibilité d’injecter de l’eau de Javel dans le corps humain pour lutter contre l’infection au coronavirus). Le fait d’avoir complètement tort ne l’a jamais inhibé : « Bah », s’est-il exclamé.
Au regard de la sécurité nationale à long terme, cependant, ce sont les dix-sept organes de la communauté du renseignement des Etats-Unis que Trump a le plus affaiblis. Dès le début, il s’est méfié des maîtres espions et il a manifesté une constante hostilité à leur égard ; dans son esprit tordu, ils représentaient le « deep state », cette conspiration qu’il imagine exister au sein même de l’appareil d’Etat et qui serait déterminée à contrecarrer sa politique (notamment sa volonté de remettre en cause l’accord de Paris sur le climat et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou l’accord avec l’Iran sur le nucléaire signé par Obama).
Mépris pour les services d’espionnage
Alors que les dix-sept agences de renseignement de Washington étaient convaincues que la Russie avait interféré dans l’élection de 2016, Trump a pris leurs conclusions comme une insulte personnelle, visant à empoisonner sa victoire électorale. « Personne ne sait si c’est la Russie qui a piraté le Comité national démocrate [le Democratic National Committee (DNC), la plus haute instance du Parti démocrate], a-t-il déclaré lors du premier débat avec Hillary Clinton en 2016. Ça pourrait aussi bien être un type de 180 kg qui a agi depuis son lit. OK ? » Quand les patrons de la CIA et du FBI, accompagnés de James Clapper, le directeur du renseignement national et chef putatif de toute la communauté du renseignement américain, se sont rendus à la Trump Tower à New York, en janvier 2017, pour briefer le président élu, ils l’ont informé que le président russe, Vladimir Poutine, avait personnellement ordonné la campagne visant à favoriser son élection. Réaction de Trump : un Tweet diffusé peu après la réunion, dans lequel il exprimait son mépris pour les services d’espionnage et leurs chefs, qu’il comparait à des nazis.
Il vous reste 63.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.