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Pomper, turbiner : l'avenir des énergies vertes

EDF investit 100 millions d'euros dans la vieille centrale hydroélectrique de Revin dans les Ardennes pour permettre le stockage de l'énergie et accompagner le déploiement de l'éolien et du solaire.

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Publié le 11 avril 2014 à 15h39, modifié le 11 avril 2014 à 16h01

Temps de Lecture 4 min.

Les ingénieurs l'appellent « la caverne ». On y entre par un tunnel creusé dans le schiste, à flanc de massif, au cœur de la forêt ardennaise. Tels les moteurs d'un paquebot, les quatre groupes turbine-pompe de la salle des machines grondent de toute la puissance des 100 m3 d'eau par seconde – un tiers du débit de la Seine à Paris – qui se déversent, par des conduites forcées, sur chacune des roues géantes entraînant un alternateur. Il en sort, annuellement, de quoi alimenter en électricité une ville de la taille de Reims (180 000 habitants).

La station de transfert d'énergie par pompage (STEP) de Revin, dans les Ardennes, est alimentée par deux réservoirs de 7 millions de m3 d'eau, séparés par un dénivelé de 230 mètres. L'eau du bassin inférieur est pompée aux heures de faible consommation d'électricité vers le bassin supérieur, pour être relâchée aux heures de pointe vers le bassin inférieur, en actionnant des turbines qui ont produit, en 2013, près de 850 mégawatt-heures d'électricité

Mise en service en 1976, la centrale hydroélectrique de Revin est l'une des plus anciennes stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) exploitées par EDF. Elle est aussi, avec une capacité de 0,8 gigawatt (GW) – presque autant qu'un réacteur nucléaire standard –, la troisième en puissance, après celles de Grand'Maison (1,8 GW), dans les Alpes, et de Montézic (0,92 GW), dans le Massif central. Elle est surtout la première à avoir été équipée d'un système réversible, les mêmes machines fonctionnant alternativement comme pompes et comme turbines.

« La centrale va avoir 40 ans. Elle va être entièrement rénovée et nous espérons bien repartir pour quarante années supplémentaires », annonce le directeur du site, Fabrice Amalric. Cela, au prix d'un investissement de 100 millions d'euros sur la période 2014-2019, consacrés notamment au remplacement des quatre turbines-pompes. Un « grand carénage » prévu ensuite pour les autres STEP et comparable, toutes proportions gardées, à celui programmé par EDF pour prolonger la durée de vie de son parc nucléaire.

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Car, même si l'époque de la construction des grands barrages hydroélectriques est révolue, du moins en France, le pompage-turbinage suscite un regain d'intérêt, en raison de l'essor des énergies renouvelables intermittentes – éolien et solaire –, qui nécessitent des moyens de stockage à grande échelle. « Les STEP sont aujourd'hui la seule solution de stockage mature dont le développement peut accompagner celui de ces filières », estime Jean-François Astolfi, directeur de la division production et ingénierie hydraulique. Cela, de façon d'autant plus vertueuse que l'hydroélectricité est elle-même une énergie renouvelable, qui n'émet pas de CO2 et contribue donc à la lutte contre le réchauffement climatique.

Le principe de ces ouvrages est simple. L'eau d'un bassin inférieur est pompée aux heures de faible consommation d'électricité vers un bassin supérieur, pour être relâchée aux heures de pointe en actionnant des turbines. Associant deux réservoirs de 7 millions de m3 d'eau chacun avec un dénivelé de 230 mètres, la centrale de Revin, activée entre dix et quinze fois par jour, peut ainsi injecter du courant à la demande sur le réseau à très haute tension, en atteignant son plein régime en deux minutes seulement.

Plusieurs centaines d'installations de ce type sont en service dans le monde, principalement aux Etats-Unis – celle de Bath County, en Virginie, développe 3 GW, l'équivalent de deux EPR nucléaires –, en Chine et au Japon. En Europe, qui totalise une capacité de 50 GW, la France se classe au troisième rang derrière l'Italie et l'Allemagne, avec une capacité cumulée d'un peu plus de 5 GW.

Dans la salle des machines, installée dans une galerie souterraine de 115 mètres de long, 100 m3 d'eau par seconde se déversent, par des conduites forcées, sur chacun des quatre groupes turbine-pompe

EDF a depuis longtemps dans ses cartons plusieurs projets de STEP nouvelles, comme à Redenat (Corrèze) ou à Orlu (Ariège). L'une et l'autre, d'une puissance d'environ 1 GW, se grefferaient à un barrage préexistant. « La difficulté est de trouver des sites, observe Jean-François Astolfi. On ne va pas construire une station de pompage-turbinage dans le parc naturel du Mercantour ou de la Vanoise ! Il faut prendre en compte les différents usages de l'eau, l'acceptation par les habitants, les zones classées, le tourisme, les conditions de raccordement au réseau… » Voilà pourquoi l'électricien imagine plutôt « d'utiliser des barrages-réservoirs déjà en place, d'augmenter les performances des installations existantes, ou d'aménager des STEP de plus petite taille, couplées à des fermes éoliennes ou solaires ».

ÎLE ARTIFICIELLE

A l'étranger, d'autres pistes sont explorées, comme des stations de bord de mer alimentées par l'océan. Difficile à concevoir, pour des raisons de préservation du littoral, sur les côtes de la Manche ou de la Bretagne, cette solution a été mise en œuvre au Japon, sur l'île d'Okinawa, et en Espagne, sur celle d'El Hierro, dans l'archipel des Canaries : dans quelques mois, ses 11 000 habitants tireront leur électricité d'un parc éolien raccordé à une STEP marine. Le Maroc et plusieurs pays du bassin méditerranéen, où l'eau douce est rare, se penchent eux aussi sur cette solution alternative.

Autre option étudiée par l'Allemagne, des stations souterraines exploitant, par exemple, d'anciens puits miniers « ennoyés ». La Belgique, de son côté, projette de créer une île artificielle en forme d'anneau, qui serait tour à tour rempli d'eau de mer et vidangé, ce système de vases communicants permettant d'emmagasiner puis de restituer les électrons produits par les champs éoliens de la mer du Nord.

L'Agence internationale de l'énergie, dans un rapport publié le 19 mars, notre que les STEP représentent aujourd'hui 99% des capacités de stockage d'électricité dans le monde, les batteries et les dispositifs à hydrogène ou à air comprimé ne jouant encore qu'un rôle marginal. Elle estime que, pour accompagner le déploiement des énergies renouvelables, 310 GW supplémentaires devraient être installés, à l'horizon 2050, aux Etats-Unis, en Europe, en Chine et en Inde. Ce qui quadruplerait le parc actuel. Le pompage-turbinage a encore de beaux jours devant lui.

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