« Ce monde est menacé » : la plus grande expédition jamais menée au pôle Nord sonne l’alarme

Le brise-glace « Polarstern » a effectué un périple d’un an en Arctique. Il y a constaté la fonte de la banquise : « Nous avons trouvé (en été) de la glace fondue, mince, friable. »

Curieux réveillon : le brise-glace allemand "Polarstern", le 1er janvier 2020, dans la nuit absolue de l’océan Arctique.

Curieux réveillon : le brise-glace allemand "Polarstern", le 1er janvier 2020, dans la nuit absolue de l’océan Arctique. LUKAS PIOTROWSKI / AFP

« Nous avons repoussé les limites de ce que nous pouvons faire en matière de recherche dans l’Arctique. » Après 389 jours en mer – un peu plus d’un an – le brise-glace « Polarstern » a retrouvé lundi 12 octobre son port d’attache, dans le nord de l’Allemagne, étape finale de la plus grande expédition jamais menée au pôle Nord.

« L’expédition marque une étape historique dans la recherche au pôle Nord », a souligné son chef, Markus Rex, lors d’une conférence de presse à Bremerhaven. Selon ce climatologue et physicien, le périple dans le Grand Nord a surtout permis de constater l’ampleur du réchauffement climatique en Arctique et la menace qui plane sur la banquise, menacée de « disparaître » en été. Markus Rex a alerté :

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« Ce monde est menacé. Si le changement climatique se poursuit comme cela, alors dans quelques décennies, nous aurons un Arctique libéré des glaces durant l’été. »

« Nous devons tout faire pour préserver […] la banquise dans l’Arctique pour les générations futures et nous devons tenter de saisir la petite chance que nous avons encore de le faire », a-t-il ajouté, décrivant une région « fascinante et d’une exceptionnelle beauté ».

Un pôle Nord plus chaud en hiver

Toute l’expédition a pu constater cette évolution lors des sorties sur la banquise pour y effectuer des mesures ou des prélèvements.

« Directement au pôle Nord, nous avons trouvé [en été] de la glace fondue, mince, friable », a témoigné Markus Rex, évoquant aussi « des surfaces d’eau liquide à perte de vue, jusqu’à la ligne d’horizon ».

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Un diagnostic confirmé par des observations satellites aux Etats-Unis qui ont révélé que la banquise d’été avait fondu jusqu’à la deuxième superficie la plus petite jamais enregistrée, après 2012.

En hiver, où ils ont affronté la nuit absolue pendant plusieurs mois et eu la visite d’une soixantaine d’ours polaires, les scientifiques ont également mesuré des températures beaucoup plus chaudes qu’il y a quelques décennies.

3 400 km en zigzag

Plusieurs centaines d’experts et scientifiques de 20 pays différents ont séjourné en se relayant sur le navire durant cette mission impulsée par l’institut allemand Alfred-Wegener et baptisée Mosaic. Le « Polarstern » (étoile polaire, en allemand) s’est laissé glisser avec les glaces selon la dérive polaire, ce courant océanique qui s’écoule d’est en ouest dans l’océan Arctique.

Chamboulée par la pandémie, la mission a été sauvée in extremis au printemps : une nouvelle équipe a pu prendre le relais avec deux mois de retard après s’être soumise à une quarantaine très stricte.

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Le « Polarstern » a parcouru au total 3 400 kilomètres en zigzag, soit une distance à vol d’oiseaux de 1 923 kilomètres, se retrouvant à un moment donné à 1 500 kilomètres de distance de la zone de peuplement la plus proche.

Pour mener à bien les recherches, un camp a été établi, amarré à un morceau de banquise et composé de quatre stations scientifiques dans un rayon allant jusqu’à 40 kilomètres autour du bateau.

Les experts ont récolté plus de 150 térabits de données ainsi que de nombreux échantillons de glace et d’eau.

Prédire le climat

Ils promettent de livrer des informations précieuses pour comprendre « les processus complexes » en jeu au pôle Nord qui conduisent à un réchauffement climatique plus accéléré encore dans cette région que dans le reste du monde.

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Pendant un an, ils ont ainsi pu observer plus d’une centaine de paramètres. Cela a permis « une percée dans la compréhension du système climatique de l’Arctique », selon Markus Rex.

La mission, partie de Tromsø, en Norvège, le 20 septembre 2019, et dotée d’un budget de 140 millions d’euros, a étudié à la fois l’atmosphère, l’océan, la banquise et l’écosystème pour recueillir des données évaluant l’impact du changement climatique.

L’analyse complète jusqu’à leur diffusion dans des publications scientifiques devrait prendre un ou deux ans.

L’objectif est de mettre au point des modèles de prédiction du climat pour déterminer à quoi ressembleront les vagues de canicule, les pluies diluviennes ou les tempêtes dans vingt, cinquante ou cent ans.

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