► Que révèle ce rapport ?

L’historien Tobias Hof, de l’Institut Leibniz d’histoire contemporaine, confirme qu’Alfred Bauer a joué un rôle « plus important » sous le régime nazi que ce qui était connu. D’après ses recherches, le fondateur de la Berlinale a « contribué de manière non négligeable au fonctionnement de l’industrie du film » entre 1942 et 1945, et « à la stabilisation et à la légitimation » du régime nazi pendant les trois années qu’il a passées à l’Intendance des films du Reich (RFI), « l’institution centrale de contrôle de la production de films allemands ».

→ EXPLICATION. La Berlinale confrontée au passé de son fondateur

Alfred Bauer y était l’un des deux conseillers de l’intendant en chef. Les documents confirment qu’il était « non seulement un important fonctionnaire » de cette organisation mais qu’il « a aussi mené son travail de manière engagée », résume Tobias Hof, sans pouvoir toutefois évaluer la marge de manœuvre qu’Alfred Bauer aurait eu dans son travail.

► Qu’apprend-on sur son parcours d’après-guerre ?

Le rapport révèle qu’Alfred Bauer a « multiplié les fausses déclarations et demi-vérités » lors de son procès en dénazification, qui s’est tenu de 1945 à 1947. Il a notamment minimisé l’importance de son adhésion, dès 1933, à des organisations nazies telles que les SA et le parti NSDAP. Alfred Bauer aurait aussi « tiré avantage des conditions parfois chaotiques de l’après-guerre à Berlin » pour se faire passer comme « un opposant convaincu et actif du régime nazi ».

Si ce type de stratégie était répandue à l’époque, Tobias Hof la qualifie dans ce cas d’«audacieuse » et révélatrice d’un « opportunisme sans scrupule ». Elle lui aurait permis de rebondir après avoir été condamné à deux ans d’interdiction d’exercice de son métier. En 1950, Alfred Bauer proposa au maire de Berlin, Ernst Reuter, de créer un festival de film et lança la première édition un an plus tard.

► Quelle conséquence peut avoir cette étude ?

En début d’année, la direction de la Berlinale avait annoncé suspendre la remise de son prix Alfred-Bauer. Aujourd’hui, elle estime que ces révélations « consternantes » « changent la vision des années fondatrices » du festival. Elle constate aussi « les lacunes dans la recherche historique de l’industrie cinématographique ».

Pour Andreas Wirsching, directeur de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich, « le secteur de la culture durant la Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre a en effet été moins étudié que l’économie ou la politique ». « Si les grands noms et les grands films ont fait l’objet de recherche historique, les personnalités de second plan comme Alfred Bauer ont suscité peu d’intérêt », commente-t-il. Cette étude pourrait donc ouvrir de nouvelles perspectives de recherche. C’est en tout cas le souhait des chercheurs qui l’ont menée.