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Interview

Stérilet défectueux : «On leur dit "ce que vous vivez n’existe pas"»

Pour Sabrina Debusquat, spécialiste de la santé des femmes, les patientes remettent de plus en plus en question les effets secondaires liés à la contraception. Mais elles ne sont pas prises au sérieux et les problèmes se répètent.
par Philippine Kauffmann, photo Nolwenn Brod. VU
publié le 12 octobre 2020 à 19h11

Sabrina Debusquat est journaliste indépendante, spécialiste de la santé des femmes. Elle a écrit J'arrête la pilule (2017, éditions LLL) et est à l'origine du manifeste Marre de souffrir pour notre contraception, signé par près de 28 000 personnes. Elle estime que les stérilets défectueux illustrent une problématique plus globale relative à la contraception.

Que pensez-vous de cette affaire de stérilets défectueux ?

Je trouve le manque d'information des patientes scandaleux. Il n'est pas normal que l'ARS ou l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne demande pas à tous les gynécologues d'informer leurs patientes. Certaines femmes n'ont aucun souci avec l'IVG, mais d'autres le vivent comme un drame [les stérilets défectueux pouvant entraîner des grossesses non désirées, ndlr].

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De plus en plus de femmes semblent se tourner vers les stérilets comme moyen de contraception…

C'est le cas : plusieurs études montrent que depuis les années 2000, l'utilisation de la pilule a baissé [en 2010, 45 % des Françaises utilisaient la pilule comme moyen de contraception, contre 40,5 % en 2013, et 36,5 % en 2016 selon une étude de Santé publique France]. Elle est remplacée par les DIU [dispositifs intra-utérins, l'autre appellation des stérilets] au cuivre ou hormonaux. Les femmes sont de plus en plus demandeuses, particulièrement les jeunes puisqu'on n'a pas besoin d'y penser et qu'il est très efficace. Celui au cuivre est en vogue pour les femmes qui ne veulent plus d'hormones. Il y a aussi une évolution des mœurs : dans les années 80, la rumeur disait qu'ils rendaient les femmes stériles. Depuis, le médecin militant féministe Martin Winckler et d'autres ont démontré que c'était faux. Le corps médical commence à comprendre que ça ne sert à rien de priver les jeunes femmes de l'accès au stérilet.

Plusieurs victimes de ces stérilets défectueux regrettent la façon dont elles ont été accueillies par les professionnels de santé. Est-ce un problème récurrent ?

Il y a pour moi plusieurs problèmes dans le traitement des femmes en gynécologie. Certains sont volontaires, d'autres non. Mais les femmes sont toujours celles qui en payent le prix. Pour commencer, les gynécologues souffrent d'un manque d'effectif, ils sont débordés. Ils ont donc de moins en moins le temps de s'informer ou de recontacter les patientes lorsque c'est nécessaire. Il y a aussi un manque d'écoute des femmes. Je reçois de nombreux témoignages de négation de leur parole sur les effets indésirables. On leur dit souvent : «Ce que vous vivez n'existe pas.» Mais le rôle d'un médecin est aussi de faire de l'empirique ! Pour finir, les gynécologues sont assez peu formés sur la contraception alors que c'est une grande partie de leur travail quotidien.

Des solutions existent-elles ?

L’an dernier, j’ai lancé une pétition qui appelle à une concertation nationale sur la contraception pour poser ces sujets sur la table et réfléchir à d’autres méthodes. De plus en plus de femmes ne supportent plus de souffrir des effets secondaires de la contraception, qui est médicalisée depuis les années 60. En tant que femmes, nous sommes donc dépendantes du monde médical dans ce domaine et il y a systématiquement un risque d’effets indésirables.

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