États-Unis : les salles de cinéma au bord de la faillite

États-Unis : les salles de cinéma au bord de la faillite
B Rosen / CC BY-ND 2.0

AMC, Regal… Les plus grandes chaînes de cinéma américaines tirent la sonnette d’alarme. Confrontées à des pertes financières sans précédent à cause de la crise sanitaire, certaines salles risquent la faillite.

C’est l’une des conséquences économiques majeures de la pandémie mondiale. Dans un bilan financier publié le mardi 13 octobre, AMC, l’une des plus grandes chaînes de salles de cinéma des États-Unis, évoque un risque de faillite imminente. En l’absence de « sources de liquidités supplémentaires  » ou d’une « augmentation du taux de fréquentation  » de ses enceintes, l’entreprise s’attend à ce que ses réserves soient « largement épuisées » d’ici la fin de l’année. Vente d’actifs, négociations avec les propriétaires du groupe, nouveaux emprunts… Pour survivre, AMC évoque plusieurs options, mais aussi un « risque important que ces sources potentielles de liquidités ne se concrétisent pas ».

Appel à l’aide

Il faut dire que la situation sanitaire de l’autre côté de l’Atlantique est encore très délicate à gérer pour les cinémas. Selon le média en ligne Gizmodo, au vendredi 9 octobre, si « 494 des 598 salles d’AMC » étaient ouvertes, la majorité d’entre elles n’accueillaient que « 20 à 40 % » de leur public – restrictions obligent. D’autant que les salles qui se trouvent dans des États où le virus circule encore activement, comme la Californie ou New York, doivent pour l’instant rester complètement fermées, alors que s’y trouvent les marchés les plus rentables pour l’entreprise. Au total, la fréquentation globale des salles d’AMC n’atteindrait que 15 % des chiffres de l’année précédente à la même période.

Mais au-delà du cas AMC, c’est bien la situation de toute l’industrie qui préoccupe les principaux acteurs du secteur. Début octobre, la deuxième chaîne de salles de cinéma au monde Cineworld et sa filiale Regal Entertainement annonçaient la fermeture temporaire de toutes leurs salles aux États-Unis. Face à cette hécatombe, plus de 70 réalisateurs et producteurs (dont Martin Scorsese, Clint Eastwood ou encore James Cameron) réclamaient il y a quelques semaines un important soutien financier de la part de l’administration américaine. Dans sa lettre dûment adressée aux chefs de file du Sénat et de la Chambre des représentants, le collectif estime même que 69 % des « petites et moyennes salles de cinéma seront contraintes de déposer le bilan ou de fermer définitivement » sans cette aide fédérale.

« Les cinémas ont besoin de grands films, et ils ont besoin que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités »
John Fithian, président de l’Association nationale des propriétaires de cinémas aux États-Unis

« Les cinémas se trouvent dans une situation critique, s’inquiète dans un communiqué John Fithian, le président de l’Association nationale des propriétaires de salles de spectacle, co-signataire de cette lettre. Ils ont agi de manière responsable en fermant avant même que les États ne l’ordonnent, et en rouvrant avec des protocoles de sécurité stricts. Ils ont désormais besoin de la réouverture de quelques derniers grands marchés, comme celui de New York. Ils ont besoin de grands films, et ils ont besoin que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités en apportant une aide aux salles et aux autres industries qui ne peuvent pas fonctionner normalement pendant une pandémie.  »

Sorties repoussées

Et pour cause : tous les blockbusters hollywoodiens initialement prévus pour la fin de l’année sont peu à peu en train d’être repoussés par leurs studios respectifs. James Bond, Dune, West Side Story, Black WidowQuasiment aucun film à gros budget n’envisage pour l’instant de sortir avant le printemps 2021. Refroidis par les résultats en demi-teinte de Tenet au box-office mondial (qu’on annonçait pourtant comme le « grand sauveur » de 2020), les géants restent frileux à l’idée de sortir de tels mastodontes sans pouvoir compenser les énormes frais marketing de leurs lancements.

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Un cinéma AMC à Plainville (Connecticut) aux Etats-Unis. © AMC Theaters / Wikimédia (CC)

Faut-il pour autant enterrer définitivement les salles américaines ? Certains ne comptent en tout cas plus vraiment sur elles : après avoir annoncé la sortie sur sa plateforme Disney+ du prochain film des studios Pixar, Soul, la firme aux grandes oreilles a décidé de réorganiser en profondeur ses activités « médias » et « divertissement », ces deux branches fusionnant en une seule division désormais chargée de la distribution du contenu, de la vente de publicités et de Disney+. Pour Bob Chapek, le nouveau boss de Disney, l’enjeu est de « faire pencher la balance du côté de la diffusion en continu » et « d’accélérer l’activité “direct to consumer” ». Patty Jenkins, la réalisatrice de Wonder Woman 1984 (dont la sortie à Noël est pour l’instant maintenue) juge quant à elle ce mouvement « irréversible » et craint que l’expérience des salles obscures à grande échelle puisse « être perdue pour toujours ».

Côté français, les salles souffrent elles aussi de l’absence de ces blockbusters américains, qui agissent généralement comme des « locomotives » pour l’ensemble du secteur. Selon le Centre national du cinéma (CNC), la fréquentation des salles dans l’Hexagone a ainsi diminué de 63,1 % entre juillet et septembre 2020, même si les entrées pour les films français reculent moins fortement (-13,8 %) que celles des films américains (-88 %). Car avec des pertes pour l’année 2020 évaluées à 750 millions d’euros, les exploitants se replient logiquement sur les irrésistibles sorties tricolores. Adieu les cons, L’Origine du monde, Aline ou encore Kaamelott : les trois derniers mois de l’année devraient être riches en productions locales. À condition, évidemment, que de nouvelles restrictions n’empêchent pas leur distribution.

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