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Le 16/08/2017 devant le collège Jean-Claude IZZO à Marseille (France). Portrait de Bernard RAVET, proviseur retraité depuis 2015. Il a été principal pendant quinze ans dans des collèges du centre-ville (dont le collège Jean-Claude Izzo) et des quartiers Nord de Marseille. Il est l'auteur du livre "Principal de collège ou imam de la république ? " (éditions KERO).

Pour Bernard Ravet, président de la commission éducation de la Licra, il est urgent de réviser notre législation sur les associations loi 1901 qui accueillent des mineurs et de mettre en place un contrôle par un corps d'inspecteurs de la jeunesse et des sports spécialisés.

GRÉGOIRE BERNARDI POUR L’EXPRESS

L'exécution de Samuel Paty résonne en moi comme une blessure personnelle. Samuel aurait pu être un de mes profs, de ces profs qui ont le courage de mettre en oeuvre les programmes et d'amener les élèves sur les sentiers éclairés des Lumières. Tout a été dit. Tous les hommages ont été rendus, toute la classe politique s'est exprimée, de la plus sincère à la plus hypocrite. Que dire de plus si ce n'est de vous faire partager ma révolte.

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Fallait-il en arriver là ? L'exécution d'un hussard noir d'une République qui, à force de tolérer l'intolérable, engendre l'intolérable. Que de beaux tweets compassionnels et incantatoires. Je me sens plein de révolte. La révolte du lanceur d'alerte qui a l'impression que les choses ne vont pas assez vite et que l'on reste au niveau du dire.

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Certes, depuis 2015, les lignes ont bougé et les dirigeants ont fait ce qu'ils pouvaient pour que l'on sorte de l'omerta. Les mentalités ont évolué et le discours plus affirmé sur la laïcité du ministre de l'Education actuel a permis à la principale du collège du Bois-d'Aulne, à Conflans, de ne pas mettre la poussière sous le tapis. Mais, depuis la parution des Territoires perdus de la République, en 2002, et le rapport Obin, en 2004, sur les signes religieux à l'école, en passant par les nombreuses publications de ces dernières années, la situation s'est encore dégradée.

J'exhorte la classe politique à frapper fort

Mon cri d'alarme au troisième anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo est toujours d'actualité, et ma révolte a encore grandi. Que faire quand un enfant de 5 ans refuse de donner la main à sa maîtresse parce qu'elle est une femme, ou quand un collégien de cinquième affirme que la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes ? Que faire quand un jeune homme de 18 ans applique "sa justice" et exécute un enseignant qui n'a pas cédé à l'autocensure et qui a exercé sa liberté pédagogique pour la transmission des valeurs de la République, dont la laïcité, la liberté d'expression et le droit au blasphème ?

Il y a quinze ans, certaines de mes profs s'étaient fait "caillasser" à coups de canettes dans la rue menant au collège, en se faisant traiter de "pute" ou de "salope", parce qu'elles portaient une jupe. Aujourd'hui, on décapite un professeur parce qu'il a mis en oeuvre les programmes de l'école de la République. J'exhorte la classe politique à frapper fort avec autant de courage que dans le passé, quand avait été rédigé et voté le cadre juridique de la loi de 1905 s'accompagnant de mesures radicales comme la fermeture des congrégations.

Aujourd'hui, cette loi nous permet d'exercer une police des cultes qui pourrait s'appuyer sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Certains éléments de l'exécution de Samuel Paty montrent l'importance des réseaux sociaux et on a du mal à comprendre pourquoi la loi Avia, contre les contenus haineux sur Internet, a été retoquée par le Conseil constitutionnel. Plus grave encore. Certains détails montrent l'interaction entre le religieux et la vie de la cité : l'imam remplace le délégué des parents d'élève.

Le sursaut ne doit pas s'arrêter à un hommage de la Nation

La France a signé la convention de Genève, mais la République protège-t-elle tous ses enfants ? Quand on a vu les vidéos de l'imam de Brest ou des petites filles de 4 ans sortir voilées d'écoles coraniques liées à des mosquées salafistes ou tabligh, et quand on a analysé les propos sexistes, haineux et antisémites de certains de ces "catéchismes", nous pouvons affirmer que nous sommes bien face à un endoctrinement précoce, indigne de notre République.

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Il est urgent de réviser notre législation sur les associations loi 1901 qui accueillent des mineurs (agrément, origine des finances, liens avec les mouvements religieux) et de mettre en place un contrôle par un corps d'inspecteurs de la jeunesse et des sports spécialisés.

Ce combat pour la laïcité passe par l'éducation des parents, qui pose la problématique du maillage des zones abandonnées par la République en proposant une offre laïque d'éducation populaire et par le développement de l'accompagnement social des familles par le renforcement des services publics. Ce sursaut, après la mort au combat de Samuel Paty, ne doit pas s'arrêter à un hommage de la Nation. Il faut qu'il entraîne une prise de conscience des familles musulmanes qui ne sont pas convaincues que leur religion doit rester dans la sphère du privé et que leurs enfants trouveront le progrès social grâce à l'école de la République. C'est le problème de tous : chaque individu peut apporter sa pierre à l'édifice dans un engagement personnel, pour lutter dans le milieu associatif qui défend les valeurs de la République (laïcité, combat contre le racisme et l'antisémitisme). Chacun doit aussi exercer son pouvoir de citoyen pour faire en sorte que les élus de la République prennent des décisions courageuses et ambitieuses pour notre jeunesse.

* Bernard Ravet a été le principal, de 1999 à 2015, de trois des collèges les plus difficiles de Marseille. Il est l'auteur de Principal de collège ou imam de la République ? (Ed. Kero) et préside la commission éducation de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).

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