« Le génie des arbres » : leçon de sagesse pour le futur

Ce documentaire fascinant sur les mystères des arbres et leur rôle crucial pour la vie sur Terre est rediffusé dans le cadre du festival Pariscience (du 23 au 28 octobre 2020), dont Usbek & Rica est partenaire.

«  Nos meilleurs alliés pour préserver la vie sur Terre. » Dès l’introduction, Emmanuelle Nobécourt résume les enjeux entourant l’avenir des arbres. Dans le documentaire Le génie des arbres (Hauteville productions, 2020), qu’elle a réalisé et co-écrit avec Caroline Hocquard, elle invite à une plongée fascinante dans les secrets de ces champions de la survie, clés de voûte de la biosphère depuis des millions d’années. Les découvertes récentes, décortiquées au cours du film, bouleversent ce qu’on pensait savoir de ces voisins silencieux et livrent plusieurs leçons essentielles : les arbres recèlent un monde à part entière qu’il reste à découvrir, ils ont beaucoup à nous apprendre et notre destin est lié au leur.

D’abord diffusé sur France 5 en mai 2020, Le génie des arbres fait partie de la sélection du festival international du film scientifique Pariscience, programmé du 23 au 28 octobre 2020 et dont Usbek & Rica est partenaire. Situation sanitaire oblige, celui-ci sera cette année accessible à distance uniquement – et gratuitement – via la plateforme www.pariscience.tv qui sera disponible durant la durée du festival.

Les arbres ne sont pas programmés pour mourir : leurs cellules souches se renouvellent sans cesse et des bourgeons sont toujours susceptibles de repartir

Sélectionné parmi « dix des meilleurs films documentaires scientifiques internationaux produits par et/ou pour la télévision », Le génie des arbres a d’abord la vertu de vulgariser le mode de fonctionnement essentiel, omniprésent mais finalement très peu connu de ces végétaux géants. Ainsi découvre-t-on comment fonctionne vraiment la photosynthèse, comment les arbres « dansent » et se contractent sans muscles ou comment un séquoia peut acheminer chaque jour, sans moteur, 3 000 litres d’eau le long d’un tronc haut comme un immeuble de 30 étages.

Pins de Bristlecone vieux de 5 000 ans, oliviers du Monténégro âgés de 2 000 ans, cyprès mexicains de 3 000 ans, le film est l’occasion d’admirer des êtres millénaires du monde entier. Car les arbres ne sont, contrairement à nous, pas programmés pour mourir : leurs cellules souches se renouvellent sans cesse et des bourgeons sont toujours susceptibles de repartir. C’est l’un des nombreux atouts du monde végétal qui, à l’inverse des animaux, ne peut pas fuir le danger ni se déplacer pour se nourrir. Condamné à s’enraciner, l’arbre est d’autant plus ingénieux qu’il doit affronter tous les aléas sans échappatoire possible.

Peut-on aller jusqu’à parler d’intelligence des plantes ? C’est la ligne controversée – mais excitante – défendue dans le documentaire à travers les prises de paroles de plusieurs chercheurs, comme le biologiste italien Stefano Mancuso. « L’intelligence, c’est la capacité à résoudre des problèmes », définit ce chercheur. En la matière, on reste stupéfait par une expérience démontrant la capacité d’une racine à trouver son chemin dans un labyrinthe plus efficacement qu’un rat.

« Les arbres sont plus sensibles que les animaux », avance même Stefano Mancuso. De fait, les chercheurs ont découvert qu’un signal électrique parcourait l’arbre dans tout son tronc lorsqu’on ne faisait qu’effleurer ses feuilles avec la main. Communication rapide entre individus pour alerter de la présence de dangereux herbivores, mémoire sur plusieurs mois permettant d’identifier différents types de vents, « sens de la rectitude », autrement dit proprioception permettant de pousser droit même sans lumière ni gravité… Les hypothèses et découvertes sur les facultés des arbres pourraient, dans les années à venir, changer radicalement le regard que nous portons sur eux.

Moins il y a d’arbres, moins les nuages réfléchissent la lumière du soleil, plus le réchauffement est accentué, et plus les sécheresses et feux se multiplient, réduisant encore le nombre d’arbres…

Un changement de comportement serait, de fait, salvateur. Le documentaire évoque ainsi le rôle décisif que joueront les arbres dans les périls écologiques que nous affrontons. Les arbres sont indispensables pour stocker du CO2 et limiter le réchauffement climatique, et constituent de véritables villes abritant une vaste gamme d’espèces qu’il faudrait préserver face à l’effondrement de la biodiversité. 25 à 30 % du CO2 émis par les combustibles fossiles sont réabsorbés par les forêts, rappelle le film, qui s’alarme que la déforestation détruise pourtant 13 millions d’hectares de forêts chaque année. Soit « dix terrains de football toutes les 15 secondes », principalement à cause de l’agriculture intensive.

Parmi les nombreux mécanismes écosystémiques liés aux arbres que décrit le documentaire, l’un d’entre eux illustre particulièrement à quel point l’équilibre de la biosphère dépend de liens d’interdépendance complexes, et comment la destruction de l’environnement peut avoir des effets imprévus et engendrer des effets délétères en cascade. Certains gaz émis par les arbres (ceux, par exemple, qui nous font apprécier l’odeur d’une forêt de pins) interagissent avec d’autres molécules dans l’air et forment des gouttelettes qui rendent les nuages plus brillants, ce qui leur confère un pouvoir refroidissant en réfléchissant la lumière du soleil, explique à l’écran Catherine Scott, climatologue à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, qui a découvert ce processus. Ainsi, moins il y a d’arbres, moins les nuages réfléchissent la lumière du soleil, plus le réchauffement est accentué, plus les sécheresses et feux se multiplient, réduisant encore le nombre d’arbres…

Les 90 minutes du documentaire ne suffisent pas à explorer l’ensemble des leçons que les arbres auraient à nous enseigner. Les incroyables réseaux racinaires souterrains, les échanges de nutriments et d’informations entre arbres, champignons symbiotiques et bactéries rappellent que la coopération, peut-être plus que la compétition, permet la survie et le développement, et que nous pourrions nous en inspirer, suggèrent les chercheurs du film, à l’instar d’autres penseurs de l’anthropocène, comme les auteurs de L’Entraide, l’autre loi de la jungle (Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, Les liens qui libèrent, 2017).

Terminant, comme il est d’usage, sur une note d’espoir, le film évoque le projet de scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Zurich, en Suisse, qui ont calculé que planter 1 200 milliards d’arbres pourrait permettre d’absorber deux tiers de nos émissions actuelles de carbone. « De loin la solution la plus efficace face au réchauffement climatique », assurent-ils. En attendant, Le génie des arbres a le mérite d’appeler à la contemplation et à s’inspirer de la vie de ces « aînés ». Et aussi d’inviter chacun à se poser les mêmes questions que la biologiste Janine Benyus, les yeux dans la cime des arbres : « Comment faites-vous pour vivre aussi élégamment sur cette planète ? Comment pourrions-nous faire comme vous ? ».

La 16e édition de Pariscience, le festival international du film scientifique, dont Usbek & Rica est partenaire, aura lieu du 23 au 28 octobre 2020. Découvrez ici la programmation.

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