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Une percée sur l'acné

Nos boutons et comédons pourraient être causés, en partie, par une déficience dans l’expression de la protéine GATA6, comme le relève une étude parue dans «Nature Communications». De quoi réfléchir à de nouvelles pistes thérapeutiques

Image d'illustration.  — © Getty Images
Image d'illustration.  — © Getty Images

Comédons, microkystes, pustules, papules… Qu’elle se présente sous la forme de points noirs, de points blancs ou de boutons rouges, l’acné est l’une des pathologies dermatologiques les plus répandues. On estime que près de 650 millions de personnes seraient frappées, à l’échelle mondiale, par cette maladie inflammatoire chronique de la peau.

Loin de ne concerner que les adolescents – qui sont entre 70 et 90% à connaître ces désagréments – l’acné semble de plus en plus affecter les adultes. Elle persisterait ainsi dans 10 à 40% des cas au-delà de 25 ans, en particulier chez les femmes. 3% des hommes et 5% des femmes âgés entre 40 et 49 ans souffriraient en outre de cette pathologie, selon une étude transversale publiée en 2013.

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Malgré un consensus sur certains facteurs contribuant au développement de l’acné – à savoir une hypersécrétion de sébum sous l’influence des hormones androgènes, des anomalies de kératinisation (lorsque les couches profondes de l’épiderme se transforment en couche cornée) conduisant à l’occlusion du follicule pileux, et une colonisation excessive de la peau par Propionibacterium acnes, une bactérie qui favorise l’inflammation et la comédogenèse , les mécanismes physiopathologiques précis liés à cette maladie restent encore, en partie, un mystère. C’est ce que souligne une étude parue ce 20 octobre dans la revue Nature Communications, qui révèle par ailleurs le rôle potentiel joué par une protéine appelée GATA6 dans l’apparition de cette affection, levant ainsi un pan du voile.

Protéine aux rôles multiples

En utilisant notamment des échantillons de tissus humains collectés lors d’opérations chirurgicales, des modèles cellulaires 2D et 3D, ainsi que des explants de follicules pileux cultivés ex vivo, les chercheurs sont ainsi parvenus à démontrer que l’expression de GATA6 était nettement diminuée chez les patients présentant de l’acné, possiblement en raison de changements hormonaux au niveau des glandes sébacées.

Nous pourrions imaginer le développement de molécules qui cibleraient plus spécifiquement GATA6 au niveau de la peau

Bénédicte Oulès, dermatologue et chercheuse à l’Institut Cochin

«GATA6 possède plusieurs fonctions, décrit Bénédicte Oulès, chercheuse au laboratoire de biologie cutanée de l’Institut Cochin à Paris et coauteure de l’étude. Nous pensons que GATA6 permet de prévenir l’hyperkératinisation responsable de la formation du comédon, en contrôlant la prolifération et la différenciation des kératinocytes [les cellules constitutives de la couche superficielle de la peau, ndlr] au niveau de la partie supérieure du follicule pilo-sébacé. De la même manière, en jouant sur la prolifération et la différenciation des glandes sébacées, GATA6 limite la production de lipides par ces dernières. Enfin, nous avons observé une action anti-inflammatoire de GATA6.»

Selon les scientifiques, l’expression de GATA6 peut être augmentée par les rétinoïdes, dérivés de la vitamine A déjà utilisés dans le traitement de l’acné, avec toutefois un bémol. «L’isotrétinoïne est un excellent traitement mais dont l’utilisation est limitée par le risque d’effets secondaires, notamment la tératogénicité [des anomalies ou des déformations fœtales, ndlr], ajoute Bénédicte Oulès, qui est aussi dermatologue à l’Hôpital Cochin. Sur la base de notre travail, nous pourrions donc imaginer le développement de molécules qui cibleraient plus spécifiquement GATA6 au niveau de la peau afin de limiter les effets secondaires.»

Phase transitoire

En parallèle à une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques propres à l’acné, la recherche scientifique se penche aussi régulièrement sur les facteurs pouvant représenter des sources d’aggravation de cette maladie, comme le tabac, le stress, l’usage d’anabolisants ou de contraceptifs hormonaux à base d’androgènes, ou encore une alimentation riche en produits à index glycémiques élevés et en produits laitiers, comme cela a notamment été suggéré dans une étude parue en juillet dans Jama Dermatology.

«Les associations entre la consommation de certains aliments et l’acné sont encore très faibles, tempère le professeur Wolf-Henning Boehncke, médecin-chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève. C’est la raison pour laquelle nous ne proposerons jamais à nos patients de changer leurs habitudes de nutrition sur cette base, les données étant encore très lacunaires. Il ne faut par ailleurs pas oublier que l’acné est une phase transitoire, même si elle est parfois plus longue chez certaines personnes.»