Écho de presse

Quand Jules Ferry adressait une lettre à tous les instituteurs de France

le 06/10/2021 par Antoine Jourdan
le 01/09/2019 par Antoine Jourdan - modifié le 06/10/2021
Caricature de Jules Ferry « croquant » un curé, Une de La Petite Lune, 1885 - source : Gallica-BnF
Caricature de Jules Ferry « croquant » un curé, Une de La Petite Lune, 1885 - source : Gallica-BnF

Le 17 novembre 1883, quelques mois après avoir rendu l’école gratuite et laïque, Jules Ferry envoie une lettre aux instituteurs pour récapituler leur « mission » au sein de la Troisième République naissante.

Une des structures héritées de l’Ancien régime à laquelle les cadres de la jeune Troisième République ont souhaité s’attaquer au plus vite fut l’église : affirmer l’indépendance de l’État vis-à-vis d’elle − la laïcisation de la République − et diminuer son pouvoir auprès des populations ont fait partie de leurs combats phares.

Entre 1879 et 1883, durant leurs premières années au pouvoir, ils vont ainsi se lancer dans cette longue entreprise, en commençant par l’école.

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C’est Jules Ferry qui mène ce combat. Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à plusieurs reprises entre février 1879 et novembre 1883, il va faire passer deux lois qui prendront son nom dans la mémoire collective. La première, signée le 16 juin 1881, pose la gratuité comme principe de l’école publique et exige des instituteurs l’obtention d’un brevet de capacité. La suivante, celle du 28 mars 1882, rend l’école obligatoire pour les enfants des deux sexes, où ils suivront un enseignement laïque.

Le 17 novembre suivant, au lendemain de la première rentrée scolaire où ces deux lois sont en vigueur, Jules Ferry adresse une lettre à tous les instituteurs de France pour leur donner ses recommandations.

Ceux-ci endossent désormais le rôle de missionnaires laïques, sur lesquels comptent les pouvoirs publics pour transmettre « l’enseignement moral et civique » sur laquelle doit être bâtie cette nouvelle République. Aux enseignants, le ministre souligne à quel point leur rôle est d’une importance primordiale, pour former la génération suivante selon les mœurs des « honnêtes gens ». Celles-ci correspondent à une « forme supérieure » de société, organisée selon des principes que Ferry tient comme universels :

« […] Ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse, c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité. »

Dans la construction de cette société républicaine, les instituteurs ont ainsi pour mission de « poser dans l’âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité » et de « faire pénétrer profondément dans les jeunes générations l’enseignement pratique des bonnes règles et des bons sentiments ».

Par ces mots empreints de lyrisme, cette jeune « République des républicains » ambitionne de transformer la société française en profondeur. C’est une véritable révolution culturelle, fondée sur les « principes hérités de 1789 », que ses cadres souhaitent entreprendre.

L’histoire de cette fin de XIXe siècle et du début du XXe en France est celle de cette transformation sociale majeure qu’ont opéré les républicains au pouvoir au début des années 1880.

Pour en savoir plus :

Éric Fromant, Jules Ferry, cet inconnu, L'Harmattan, 2018