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#BalanceTaBulle: 62 dessinatrices harcelées ou agressées sexuellement témoignent

Extrait d'un des 62 témoignages de l'anthologie #BalanceTaBulle dirigée par Diane Noomin.
Extrait d'un des 62 témoignages de l'anthologie #BalanceTaBulle dirigée par Diane Noomin. Rachel Ang

INTERVIEW - L'artiste américaine Diane Noomin raconte la genèse de cette puissante anthologie, qui est aussi une belle vitrine des talents féminins de la BD.

Publiée aux éditions Massot, l'anthologie BD #BalanceTaBulle rassemble des témoignages de dessinatrices de bandes dessinées victimes de violences sexuelles. Alors que la campagne présidentielle américaine se poursuit, avec un Donald Trump pris plusieurs fois en flagrant délit de misogynie, l'ouvrage met en images les dérives de nos sociétés patriarcales. Une démarche qui complète celle engagée chez nous en 2015 par le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme et sa plateforme Paye ta bulle.

La couverture de l'anthologie. Massot Éditions

Dans #BalanceTaBulle, 62 dessinatrices, la plupart anglophones et méconnues en France (à quelques exceptions près telles qu'Aline Kominsky-Crumb et Emil Ferris), livrent leurs expériences de harcèlement ou d'agression sexuelle, voire de viol, dans des styles et des tonalités variés. La figure de la BD indépendante américaine Diane Noomin, qui a collecté ces précieux témoignages, a accepté de répondre aux questions du Figaro.

Diane Noomin et son alter ego dessiné. Diane Noomin

LE FIGARO. - Dans la préface du livre, vous expliquez que le souvenir d'une agression sexuelle vous est revenu pendant #MeToo. Plutôt que de raconter cette expérience personnelle en détail, pourquoi avez-vous souhaité donner à d'autres femmes la possibilité de raconter leurs propres expériences?

Diane NOOMIN. - En fait, les souvenirs d'agression sexuelle me sont revenus lorsque j'ai vu gros titres sur gros titres sur des hommes célèbres qui étaient accusés d'être des prédateurs sexuels. Les enregistrements audio de Trump de l'émission TV «Access Hollywood» ont été un moment décisif. J'ai senti que je devais faire quelque chose en réponse et j'ai décidé de créer et d'éditer un livre sur les agressions sexuelles commises par des hommes ordinaires sur des femmes ordinaires.

Au départ, j'allais faire une histoire sur mes propres expériences, mais il me semblait plus important d'aller «les choper par la chatte», comme disait Trump dans l'émission de Billy Bush. J'avais accumulé de la colère jusqu'à un point critique. Mes armes étaient le dessin et l'édition, que je pratiquais depuis de nombreuses années.

Il est intéressant de noter qu'à l'exception d'une femme, chaque artiste que j'ai contactée avait une histoire de violence sexuelle ou de harcèlement à raconter. Je n'ai pas eu de mal à convaincre les dessinatrices de raconter leurs histoires.

L'introduction dessinée de Diane Noomin. Diane Noomin

Parmi les 62 histoires, laquelle vous a le plus frappée?

Je ne peux pas répondre à cela. J'ai été submergé par une vague d'émotions lorsque les œuvres m'ont été envoyées. J'ai commencé à regarder les hommes et les femmes que je voyais dans la rue et à me demander si «ce type» était un violeur ou si «cette femme» allait être agressée. J'étais heureuse que les 62 artistes aient 62 façons différentes de raconter leurs histoires. Certaines étaient plus émouvantes et horribles et d'autres troublantes ou même drôles.

Le titre original du livre, Drawing Power, renverse le statut de victime des femmes. Pourquoi était-ce important pour vous?

Parce que révéler des expériences et des secrets «sales» ou humiliants replace la faute là où elle devrait être, du côté des prédateurs sexuels.

Les fleurs de la mauvaise foi. Maria Stoian

En plus d'être une œuvre militante, #BalanceTaBulle prouve la formidable vitalité de la bande dessinée féminine et sa grande diversité en termes de graphisme et de narration. Était-ce un objectif secondaire de cette anthologie?

C'était en fait l'objectif principal. Je voulais mettre en valeur, au-delà du sujet de la violence et du harcèlement sexuels, le talent et la diversité des femmes dessinatrices.

Bien qu'elles soient encore largement minoritaires en France, nous avons la chance d'avoir un certain nombre d'auteures de bandes dessinées très appréciées et reconnues (Pénélope Bagieu, Catherine Meurisse, Marion Montaigne...). Est-ce également le cas aux États-Unis?

Il y a beaucoup plus de dessinatrices talentueuses en France et ailleurs que la plupart des gens ne le pensent. Les artistes que vous mentionnez ont du talent et sont acceptées et reconnues pour cela. Quand j'ai commencé à chercher des dessinateurs pour #BalanceTaBulle, j'ai découvert une communauté de dessinatrices internationales en plein essor sur Instagram.

De la difficulté d'en parler autour de soi Lenora Yerkes

Le monde de la bande dessinée, très masculin, est-il particulièrement difficile quand on est une femme?

Honnêtement, je ne pense pas que le monde de la bande dessinée soit si masculin. J'enseigne la bande dessinée à la School of Visual Arts de New York. Dans tous mes cours jusqu'à aujourd'hui, les jeunes filles sont plus nombreuses que les jeunes hommes d'environ 75% !

Pensez-vous que la bande dessinée (et l'art en général) soit un bon moyen de partager des expériences traumatisantes pour les femmes qui seraient enfermées dans le silence?

Je pense que #MeToo a énormément aidé en donnant aux femmes un endroit pour exprimer leur colère et se sentir unies. J'ai le sentiment que les bandes dessinées ont la capacité d'attirer les lecteurs et de les entraîner dans leurs histoires. Ce sont des outils pédagogiques depuis des années.

Une «drôle» de première fois. Aline Kominsky-Crumb

Comment lutter efficacement contre le patriarcat? Quels rôles les artistes peuvent-ils jouer?

Il est très difficile d'apporter un véritable changement dans l'équilibre des pouvoirs de la société, mais je pense que #MeToo a eu un certain effet, au moins ici aux États-Unis. Désormais, la parole des hommes n'est plus toujours considérée comme supérieure à celle des femmes lorsqu'ils sont accusés de violence sexuelle.

La campagne présidentielle américaine bat son plein. Comment expliquez-vous la popularité de Donald Trump, en particulier auprès des femmes qu'il semble mépriser? Qu'attendez-vous de Joe Biden s'il est élu?

Je ne comprends pas l'attrait de Donald Trump pour quiconque sain d'esprit. C'est un personnage méprisable, un escroc, un menteur, un prédateur sexuel et un être humain pathétique. Ne parlons même pas de lui en tant que président... J'espère que Joe Biden et Kamela Harris aideront à contenir la propagation du Covid-19 et rendront le port d'un masque en public obligatoire. Par ailleurs, j'espère que Joe Biden nommera Anita Hill à la Cour suprême.

Sauvée par les monstres. Emil Ferris

À VOIR AUSSI - Quels sont les vrais chiffres des violences faites aux femmes?

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11 commentaires
  • Julien foncé

    le

    Heuuu franchement, la plupart des planches présentées là dessus sont tout de même très très mal dessinées. Quand on pense au talent, et au travail qu’être dessinateur représente, c'est juste manquer du respect le plus élémentaire à la profession.
    Il faut aussi savoir se remettre en question .

  • Alain Le Magnifique

    le

    Sacré coup de crayon......si elles ne sont pas mises en avant c'est sûrement à cause du patriarcat et non pas de leur niveau en dessin.

  • gg88fr

    le

    Et donc toutes ces "dessinatrices" ont plus de 6 ans?
    la pauvreté technique est tellement flagrante , on ne se désigne pas artiste juste parce qu'on est une femme et qu'on a des amis journalistes !

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