Histoire : Witold Pilecki, ce héros polonais qui a infiltré le camp d’Auschwitz

Volontaire pour une opération de résistance polonaise, cet officier s’est délibérément fait déporter à Auschwitz pour mettre au jour les activités exactes du camp de la mort. Véritable héros de guerre, le nom de Witold Pilecki est presque inconnu et n’apparaît pas dans les livres. Voici son histoire.
Scott BarbourGetty Images
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À l’aube de la Seconde guerre mondiale, alors que la Pologne est envahie par l’Allemagne nazie, les polonais décident de ne pas se laisser abattre. Repliés en France, là où ils montent une armée de 80 000 hommes, ils désirent créer une opération de résistance. Cette idée, l’officier Witold Pilecki la partage. Resté d’abord en Pologne pour se battre, il décide ensuite de rejoindre Varsovie pour s’y cacher avec son commandant. Là-bas, ils créent une armée secrète polonaise.

Rapidement, l’existence d’un camp à Auschwitz remonte à leurs oreilles. Considéré dans un premier temps comme une grande prison dans laquelle des prisonniers polonais travaillent d’arrache-pied, personne ne sait exactement ce qui s’y passe. De quoi titiller la curiosité de Witold Pilecki qui propose d’infiltrer les lieux pour en savoir plus. Le plan est d’abord jugé trop risqué par ses supérieurs qui finissent néanmoins par le laisser faire.

L’officier prend alors l’identité d’un résistant nommé Tomasz Serafiński, dont il retrouve les papiers dans l’une de ses planques. C’est ainsi qu’un jour de septembre 1940, cet ambitieux infiltré sort délibérément dans la rue et se faire arrêter par la police nazie lors d’une rafle. Après avoir passé deux jours dans un wagon à bestiaux, le voilà à Auschwitz. Son immatriculation : 4859.

Immatriculation : 4859

À son arrivée dans le camp, le spectacle qui s’offre à lui le déconcerte totalement. Pour autant, personne ne se doute de sa véritable identité. Après avoir appris l’existence des chambres à gaz et des fours crématoires mais surtout la cible que représentent les juifs, il délivre rapidement un premier rapport en mars 1941. Il les confie à l'oral à de rares prisonniers libérés, ou à des civils et contremaîtres qui peuvent pénétrer dans le camp. Ces complices doivent apprendre par cœur les phrases de Witold Pilecki et retenir un mot de passe qu’ils énonceront à la résistance polonaise qui transmettra ces informations à Londres.

Universal History Archive/Universal Images Group/Getty Images

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Entre temps, l’officier s’organise. Il crée ainsi des cellules de cinq hommes, chaque groupe ignorant l’existence de l’autre. Ce réseau de prisonniers permet alors d’apporter un soutien moral et matériel aux détenus, à travers le vol de nourritures et de médicaments, mais aussi de préparer des plans en cas d’attaque extérieure sur Auschwitz.

À plusieurs reprises, Witold Pilecki, échappe à la mort. En août 1942, il attrape le typhus, considéré comme un ticket d’entrée pour les chambres à gaz. Grâce à ses camarades, il y échappe. Mais, du côté des SS, la rumeur de l’existence d’un réseau de prisonniers est prise au sérieux : les membres du groupe sont recherchés puis tués. Régulièrement cité, Pilecki n’est jamais dénoncé bien que certains de ses camarades sont fusillés sous ses yeux.

Évasion

Tout au long de son infiltration, l’officier croit en une intervention des forces alliées. Elle n’arrivera pas, du moins pas cette année-là. Celles-ci ne se sentent pas assez fortes pour attaquer et décident donc de ne pas intervenir. L’infiltré estime alors qu’il est temps pour lui de s’enfuir. La nuit de Pâques, entre le 26 et le 27 avril 1943, il s’évade avec deux de ses camarades à partir d’une boulangerie du camp, placée à l’extérieur de la clôture, dans laquelle ils travaillent.

Désormais libre, Witold Pilecki peut remplir un second rapport qui ne sera pas pris au sérieux face au nombre de mort qu’il décrit. La réalité du camp d’Auschwitz paraît alors bien trop sordide pour être vraie. Sa mission terminée, l’officier est promu capitaine de cavalerie et retourne à Varsovie pour participer à sa libération en intégrant les services secrets et préparer une résistance en vue d’une possible occupation soviétique de la Pologne. Quelques années plus tard, en 1947, il est condamné à mort pour espionnage par les soviétiques.

Bien que son nom n’apparaisse pas dans les livres d’Histoire, Witold Pilecki a considérablement aidé les Alliés pour mettre au jour les atrocités commises au sein du camp d’Auschwitz. Même si sa volonté d’assister à un raid et à une révolte n’a pas pu se réaliser, il a le mérite d’avoir informé le monde extérieur des agissements de l’Allemagne nazie à l’encontre des personnes juives. En 2010, l’un des combattants les plus courageux de la Seconde guerre mondiale a été nommé citoyen d’honneur de la ville d’Auschwitz, en plus de voir son nom attribué à une zone résidentielle de la ville. Une reconnaissance tardive mais nécessaire pour celui qui a risqué sa vie, toujours, au nom de la liberté.