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A Casablanca, dernier tour de skate avant le couvre-feu

Les sports urbains gagnent le Maroc. La fédération nationale, créée en 2017, fait de plus en plus d’adeptes alors que le skateboard sera au programme des Jeux olympiques de Tokyo en 2021.

Par  (Casablanca, envoyée spéciale)

Publié le 25 octobre 2020 à 18h00, modifié le 25 octobre 2020 à 19h05

Temps de Lecture 4 min.

Younès dans l’un des deux bowls du skatepark Nevada de Casablanca, le 24 octobre.

Tout ce qui roule à deux pattes semble s’être donné rendez-vous dans le centre-ville de Casablanca, samedi 24 octobre. Casquettes, bonnets et sweets à capuche malgré 30 °C, les fans de la glisse urbaine « rident » au skatepark Nevada. Skateboards, surfskates, trottinettes, rollers et même vélos bicross se croisent avant de réattaquer les courbes des deux bowls tagués. Ça tacle et ça grince de tous les côtés. Avec ses façades aux gigantesques graffs multicolores, ses palmiers et le look hip-hop des « streeteux », la place Rachidi a gagné un petit air de Californie au cœur des quartiers Liberté et Gauthier. Jouxtant l’immense parc de la Ligue arabe et la majestueuse cathédrale du Sacré-Cœur, le spot de 4 000 m2 a été ouvert au public début 2019 après plusieurs années de travaux.

En ce premier jour de vacances scolaires et alors que la capitale économique du Maroc s’apprête à avancer son couvre-feu à 20 heures, Covid-19 oblige, c’est l’affluence. Après une exceptionnelle tempête de sable qui a obscurci et empoussiéré la Ville Blanche suivie de deux jours de pluie, des dizaines de Casablancais profitent d’un regain d’été.

Au skatepark Nevada de Casablanca, deux ados travaillent leur « regular », la position de leurs pieds sur la planche, avant de s’élancer sur une petite pente école, le 24 octobre.

Courbes des pools

Visiblement il n’y a pas d’âge pour faire chauffer le bitume sur sa tawa – la planche en arabe dialectal. Un petit d’à peine 3 ans, dont les boucles noires disparaissent sous un casque, se concentre en haut d’une rampe de trois mètres de long, agrippé à sa trottinette. Il va bientôt s’élancer sous le regard attentif de son père. A trois mètres de là, un quinquagénaire à tee-shirt griffé file sur son skate, saute, « catche » et « replaque », bras en balancier, pas peu fier d’avoir réussi son « ollie » après quatre essais. Les filles ne sont pas en reste. Des gamines de 4 ans, jogging flashy et casquette assortie, se coursent en baissant la tête pour prendre de la vitesse sur leur patinette tandis que deux jeunes « rideuses » repositionnent leurs pieds en « regular » sur la planche avant de la lâcher la rampe. De 3 à 53 ans, la glisse urbaine est une affaire sérieuse.

« Ollie » réussi pour ce skatteur du skatepark Nevada, à Casablanca, le 24 octobre.

Pendant que les « rideurs » s’élancent en tous sens dans les courbes et sur le mobilier urbain, Taha, qui tient un stand de prêt d’équipement, dispose tout son matériel à côté de son parasol orange : « Je suis là du mercredi au samedi et il y a de plus en plus de jeunes. Ici l’ambiance est cool. La place a été fermée longtemps mais ça valait le coup ! »

Younès, 41 ans, total look hipster et short baggy, roule avec son fils Fayçal, « 5 ans et demi », précise le garçonnet en rajustant sa casquette le plus sérieusement du monde. Prof à ses heures, Younès est un mordu depuis vingt-deux ans. Aujourd’hui il a encadré un groupe de débutantes.

Saad, 13 ans, coudières et genouillères ajustées, qui commence à maîtriser son slalom arrière après trois mois de roller, fait la fierté de son papa : « On vient souvent ici. Saad s’entraîne et s’amuse. C’est vraiment un endroit sympa, c’est fun et c’est mieux que la rue pour apprendre. » Les jeunes font d’ordinaire leurs figures sur les trottoirs et les escaliers de Casablanca sous le regard incrédule des passants. « On est parfois mal vus quand on déboule avec sa tawa », s’amuse Ahmid, qui vient à Nevada « travailler ses sliders ».

Au skatepark Nevada, à Casablanca, le 24 octobre.

Car le skateboard est une discipline récente au Maroc. Jaouad Aouatif, pratiquant passionné, crée en 2010 l’Association Rabat des sports urbains, qui rassemble rapidement plusieurs dizaines d’adhérents. A force de sillonner le pays, faisant toujours plus d’adeptes, il parvient à organiser en février 2017 avec le soutien du ministère de la jeunesse et des sports la première édition du Festival des sports urbains et extrêmes, attirant des rideurs de France, d’Italie et d’Espagne dans la capitale économique marocaine. La création de la Fédération royale marocaine des sports urbains (FRMSU) voit le jour dans la foulée pour encadrer le skate mais aussi le roller, le foot freestyle, le parkour (acrobatie urbaine) et la trottinette. A titre de comparaison, la France, qui détient l’un des plus beaux palmarès mondiaux dans ces disciplines, a ouvert une commission skateboard à la Fédération nationale de roller en 1997 et une de trottinette en 2014. En 2017, ils étaient 2 163 skateurs parmi ses 69 000 licenciés.

Bientôt les JO

L’aventure est donc plutôt bien partie pour le Maroc puisque la FRMSU rassemble désormais une vingtaine d’associations dans tout le pays, et a noué plusieurs partenariats pour proposer des ateliers gratuits, comme au skatepark Nevada ou à celui d’Aïn Diab sur la Corniche, tout près de la plage Lalla Meryem. En quatre ans, ce sont près d’une dizaine de skateparks de bonne dimension qui ont été installés à Rabat, Casablanca, Tanger, Agadir ou Taghazout.

L’un des deux grands bowls du skatepark Nevada, à Casablanca, le 24 octobre.

Et la discipline a de quoi motiver les jeunes Marocains, car le skateboard fera son entrée aux côtés de l’escalade, du surf et du breakdance comme « sports additionnels » aux prochains Jeux olympiques d’été de Tokyo en 2021, reportés en raison de la crise sanitaire mondiale. Avant de devenir « sports officiels » disputés dans la cour des grands aux Jeux olympiques de 2024 à Paris.

En attendant, le Maroc, grâce à l’engagement de sa toute jeune fédération, continue « de faire pousser ses champions » comme le jeune Tarik Nsais, qui a remporté la première place d’une compétition panafricaine organisée en août par la FRMSU. Avec l’aide du Comité olympique marocain pour l’accompagner au niveau financier, logistique et technique à former une sélection nationale des sports urbains, le royaume compte bien attirer des sponsors et les étoiles montantes de la discipline qui vivent parfois en France ou aux Etats-Unis, à l’instar d’Anass Ziadi, triple champion du monde de skateboard et 18e au rang mondial en 2017, de Nassim Lachhab, double vainqueur de la Coupe d’Ottawa, ou les talentueux Mehdi Anys, Mohamed Fizadi ou Yassine Boundouq.

De quoi faire rêver le petit Fayçal, qui s’élance à nouveau dans le bowl comme un pro pour une session en duo avec son papa.

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