Le conseil municipal d’Angers s’est opposé lundi 26 octobre à la cession de la grande mosquée, encore en construction, au Royaume du Maroc. En septembre dernier, l’Association des musulmans d’Angers (AMA), propriétaire du terrain depuis 2011, avait trouvé cette solution de cession à titre gracieux au ministère des Habous et des affaires islamiques du Royaume du Maroc pour pouvoir financer la fin des travaux.

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L’opposition du conseil municipal s’est notamment basée sur le motif que la construction du lieu de culte n’est pas achevée. Le contrat de vente du terrain, stipule en effet qu’une revente ne peut pas se faire avant la fin des travaux, sauf autorisation expresse de l’aménageur.

« Après avoir entendu les différentes parties, après avoir sollicité des avis extérieurs et après avoir pris le temps de la réflexion, le conseil municipal ne souhaite pas qu’un accord soit donné par l’aménageur sur cette cession qui ne respecte pas le cadre légal du contrat initial », indique la délibération du conseil municipal. Celle-ci rappelle que le conseil est « attaché au libre exercice des cultes, et respectueux du souhait de la communauté musulmane de disposer d’un lieu de culte digne permettant aux croyants de pratiquer leur religion ».

Crispation devant les risques d’ingérence étrangère

Derrière cette clause légale se profile une autre raison : « La cession de la future mosquée à un pays étranger ne correspond pas à la neutralité souhaitée pour la réalisation et le fonctionnement futur d’un tel équipement ».

Didier Leschi (1), président de l’Institut européen en sciences des religions, note pourtant que le recours à des fonds étrangers pour construire des mosquées de grandes tailles est récurrent en France. Il cite par exemple les cas de Saint-Étienne, Mantes ou encore Évry. Pour lui, cette réaction de la municipalité d’Angers est le signe d’une plus grande attention des villes aux initiatives des associations cultuelles musulmanes.

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L’AMA, qui n’a pu être jointe, se montre elle-même divisée sur le sujet. Un collectif d’opposition au projet, mené par d’anciens membres et dirigeants de l’association, a même été créé et a manifesté le vendredi 23 octobre après la prière. Parmi les manifestants, Salah Chaffoui, qui fut le premier président de l’AMA, en septembre 1980, et en a été exclu en 2013. Il a déclaré à Ouest-France, le 23 octobre,que ce projet de cession était « la plus grande trahison qu’on ait connue. » Pour lui, « la communauté musulmane d’Angers, c’est 14 nationalités différentes. Notre patrimoine est angevin et il doit le rester. »

Besoins de financement

Le projet de cession de l’AMA avait pour but de collecter 4,5 millions d’euros pour achever les travaux, s’ajoutant aux 2,5 millions déjà dépensés. Un budget supplémentaire nécessaire, selon l’AMA, ce que conteste le collectif d’opposants, pour qui un million serait déjà suffisant. En construction depuis 2014 dans le quartier des Hauts-de-Saint-Aubin, dans le nord de la ville, la grande mosquée d’Angers doit atteindre une capacité de 2 500 fidèles.

Pour Didier Leschi, ces interruptions et retards dans la construction de grandes mosquées sont révélateurs. Il ne s’agit pas tant d’une relative pauvreté des communautés locales que d’une disproportion de ces projets. « Les fidèles donnent mais ces projets architecturaux dépassent leur capacité de financement, analyse-t-il. Ce qu’on a appelé des « mosquées cathédrales » a aussi pour but de marquer le paysage, dans une sorte de course à la reconnaissance avec les autres religions. » Selon lui, le besoin des communautés musulmanes se situe davantage dans la construction de plus de petites « mosquées de proximité ».

(1) Misère(s) de l’islam de France, Le Cerf, 176 p., 15,40 €.