Nîmes : un commerçant interdit l'accès à sa supérette aux femmes voilées en placardant une affiche
Une affiche sur une vitrine d'un magasin Vival à Nîmes interdisait l'entrée aux femmes voilées. Le groupe Casino, propriétaire de la marque condamne cette initiative personnelle qui va à l'encontre des valeurs de l'enseigne et a fait retirer l'affiche. Ce vendredi matin, la vitrine avait été caillassée. Le parquet a ouvert une enquête pour refus illicite de vente et discrimination. Plusieurs plaintes seraient en cours d'être déposées, le conseil français du culte musulman (CFCM) a déjà transmis sa plainte au procureur. La Licra du Gard entend également se constituer partie civile.
"À compter de ce jour, toute personne voilée ne sera pas autorisée à rentrer dans le magasin". Cette affiche qui a été apposée jeudi 29 octobre au soir sur la vitrine d'un magasin Vival à Nîmes a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux, alors qu'un nouvel attentat à Nice venait de frapper la France.
"Le directeur lui-même a laissé ce message et dit ouvertement qu'il en assumerait les conséquences", a déclaré dans un message adressé à la rédaction de Midi Libre, Ilyes El-bir. Ce Nîmois affirme haut et fort : "Nous musulmans nous ne sommes pas des terroristes, nous musulmans n'acceptons pas tous ces drames. Nous sommes aussi Français et cet acte de racisme est inadmissible."
Plusieurs autres personnes faisaient part de leur intention de porter plainte et d'organiser une manifestation devant le magasin.
Contacté, le directeur du Vival nîmois, restait injoignable ce vendredi matin.
Le groupe Casino, propriétaire de la marque, a réagi jeudi soir sur Twitter : "Nous venons de prendre connaissance de cette affiche, nous la condamnons avec la plus grande fermeté. Il s'agit d'une initiative personnelle qui va à l'encontre des valeurs de l'enseigne. Nous avons fait le nécessaire pour tout faire retirer."
@Groupe_Casino Bonsoir Il ne suffit pas seulement de faire retirer cette affiche ! Mais sanctionner le responsable à l'origine de cet acte islamophobe ! C'est INADMISSIBLE ! #Nimes #vival #casino https://t.co/cfyP2KPII0
— ام سليمان (@Oum_OnVerra) October 29, 2020
Ce matin, le magasin nîmois avait été caillassé et la vitrine était totalement dégradée. Ce vendredi, la justice nîmoise indiquait qu'une enquête avait été ouverte sur les menaces reçues par le commerçant sur les réseaux sociaux. Les auteurs des messages seraient en passe d'être identifiés. À ce stade, aucune information n'a filtré sur la possible qualification juridique du message apposé sur la devanture du magasin. Les investigations ont été confiées à la Sûreté départementale.
Le parquet ouvre une enquête pour discrimination et refus de vente
Ce vendredi, le parquet de Nîmes par la voix du procureur de la République a indiqué qu'une enquête était ouverte pour refus illicite de vente et discrimination.
Des investigations avaient par ailleurs démarré sur les menaces dont le commerçant a été l'objet et manifestement les dégradations perpétrées sur le magasin. Le dossier est confié aux policiers de la Sûreté départementale du Gard.
Dépôt de plainte officialisé
Ce vendredi après-midi, Me Khadija Aoudia a confirmé avoir déposé plainte auprès du procureur de la République pour discrimination en raison de "de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée".
L'avocate pénaliste dénonce aussi dans sa plainte le refus de vente matérialisé par l'interdiction d'entrée aux personnes voilées. Me Aoudia a aussi visé dans sa plainte une violation des dispositions de la convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), elle estime que ces agissements sont contraires à l'article 9 de cette convention. "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui".
Plainte annoncée par Me Samir Hamroun, avocat d'Avignon
Ce lundi 2 novembre, Me Samir Hamroun, avocat pénaliste à Avignon annonçait son intention de déposer plainte dans ce dossier pour des clientes qui ont considéré que l'interdiction était constitutif d'une infraction pénale.
Abdallah Zekri monte au créneau et annonce un dépôt de plainte
Ce vendredi matin Abdallah Zekri,de l'observatoire de lutte contre l'islamophobie indiquait qu'il allait saisir la préfecture du Gard car il ne cachait pas sa crainte d'éventuels débordements et appels à manifester aux abords du commerce comme cela a pu être dit sur certains réseaux sociaux.
"Ce n'est pas aux gens de se faire justice eux-mêmes face à ce message dont le contenu est discriminant. C'est à la justice de faire son travail et de superviser une enquête. Pour ma part, la structure que je représente entend déposer une plainte pénale dans les meilleurs délais entre les mains du procureur de la République de Nîmes".
Abdallah Zekri ajoutait par ailleurs comprendre l'émotion suscitée par les attentats terribles de ces derniers jours et qu'il avait condamné fermement ces assassinats. "Néanmoins, on ne peut permettre que des gens fassent l'amalgame entre terroristes et musulmans et soient ainsi stigmatisés. Je demande à nouveau aux personnes qui se sentent concernées de ne pas se laisser déborder et ne pas créer de troubles mais à saisir la justice comme nous allons le faire."