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Coronavirus : "Je pourrais mourir de mon cancer à cause d’un défaut de soin lié au Covid"

par Mathilde Wattecamps ,
Coronavirus : "Je pourrais mourir de mon cancer à cause d’un défaut de soin lié au Covid"© Angiola Harry Unsplash
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Rosa est atteinte d’un cancer du sein triple négatif, incurable depuis huit ans. Elle témoigne sur notre site de sa révolte face à la situation actuelle pour les malades comme elle, après les propos de Macron sur la déprogrammation d’opérations. Une invitation à réfléchir à agir vite pour plus de solidarité.

Mise à jour du 12 février 2021: Rosa nous a finalement quité.e.s, emportée par le cancer. Ci-dessous, les tweets d'annonce de son décès, partagés par son conjoint. Nous ne l'oublierons pas.

Rosa est malade et se bat pour rester en vie depuis 8 ans. Elle a été choquée par les annonces d'Emmanuel Macron concernant les mesures dans les hôpitaux face à la deuxième vague de la Covid-19, qui consistent notamment à "déprogrammer des opérations du cœur ou du cancer – parfois les mêmes qui avaient dû être décalées au printemps."
Elle témoigne de sa situation et de sa révolte devant la tournure que prend la pandémie.

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La révolte face à l’immobilisme


"Je me bats chaque jour pour rester en vie et depuis que la Covid est arrivée en France et dans le monde c’est de plus en plus dur pour les personnes atteintes de maladie chronique". Rosa va droit aux faits : la pandémie est profondément injuste pour les personnes porteuses de maladies chroniques : "Je suis en attente d’un essai clinique, et les ressources du centre de recherche ont été toutes affectées au covid lors de la première vague." Avec la seconde qui arrive, les craintes sont fortes, tout comme la colère. Ces injustices sont aggravées par une situation qui aurait pu être évitée.
"Dans un pays qui a un système de santé exceptionnel, qui a une protection sociale qui reste parmi les plus abouties, je n’imaginais pas que je mourrais peut-être d’un défaut de soin !" souligne Rosa. En effet, le président l’a dit, des opérations, des dépistages vont devoir être suspendus et reportés. En France, 1000 personnes par jour apprennent qu’elles ont un cancer ; il risque d’y avoir retard de dépistage.
"Ce qui est désolant c’est que tout cela aurait pu être évité : autant la première vague était incroyable et on n’avait jamais vécu cela auparavant, cette pandémie accélérée par les mouvements de population mondiaux, autant la deuxième vague était prévisible !"
Rosa met en garde : "Ce qui va se passer pour les malades du cancer pendant la deuxième vague, on l’a déjà vécu lors de la première : des soins suspendus. D’un point de vue technique, on peut le comprendre". C’est encore le cas aujourd’hui avec le déclenchement des plans blancs : "Moi personnellement ça me révolte parce que je lutte chaque jour pour rester en vie, et je ne pensais me retrouver dans une situation où je mourrai de défaut de soin à cause de l’incurie du gouvernement, qui annonce cette mesure avec une désinvolture indécente !"
Rosa a de la chance : ses soins n’ont pas été interrompus, elle qui suit des essais cliniques. Cependant, elle n’imaginait un jour craindre de ne pas être prise en charge.

Comment en est-on arrivé là ? La situation délétère des hôpitaux est mise en exergue par des acteurs sociaux et des mobilisations depuis un an. Cette situation, elle provient d'une dizaine d’années de politiques de fermeture de lit, et de non-prise en considération du personnel soignant. "On est quand même un des pays de l’OCDE où les infirmier.e.s sont les moins bien payé.e.s !" enrage Rosa.
Ludivine Bantig, historienne, documente cela : "On sait que 100.000 lits d'hôpitaux ont été fermés en 20 ans, dont 3.400 l'an passé. Depuis mars, il n'y a eu nulle part d'ouverture immédiate de lits, malgré les promesses. Aucune ouverture en particulier en Île-de-France, particulièrement touchée."
Or, ces choix ont des conséquences très concrètes : Rosa sait par exemple que si elle attrape le coronavirus, elle ne passera pas la porte de l’hôpital en raison de son seuil élevé de comorbidité, car en situation de crise sanitaire, les médecins doivent faire des choix.

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“On est entré dans le monde du ‘chacun pour soi, chacun pour sa peau’ “

Les jours de Rosa sont comptés, elle le dit elle-même. Pourtant, elle ne se sent pas soutenue, ni par les associations, ni par le pouvoir politique, ni simplement par ses concitoyens.
"On est dans une société qui ne parle pas du cancer, on est invisibles, on nous demande de rester chez nous !" Les discours de certain.e.s qui se moquent bien des confinements et des gestes barrières, se sentant protégé.e.s par leur propre condition physique ? "Le fait de dire ' ça ne me concerne pas' c’est particulièrement inhumain : vous avez tous un père une mère un proche que vous pouvez mettre en danger ! Je suis frappée par le fait que la solidarité, on ne l’a pas vue, la fraternité on ne l’a pas vue , l’humanité on ne l’a pas vue , on est entré dans le monde du chacun pour soi chacun sa peau !"
Ce manque de solidarité s’exprime aussi par celles et ceux qui pensent qu’il suffirait de confiner les personnes fragiles. À cela, Rosa répond : "On n’a pas attendu pour nous auto confiner, nous et nos conjoints ! À cause de cela la seule vie que j’ai actuellement c’est mon travail et mon mari, je n’ai plus de loisirs et de vie qui me permettent de regarder autre chose que mon cancer !"
Elle dénonce une société qui rend invisibles les malades. Même les associations d’aide aux malades semblent déconnectées selon elle.
"Mes jours sont comptés et je ne suis pas la seule , cette problématique a été niée depuis 9 mois par les grandes associations dites représentatives de malades du cancer. Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, a occupé les plateaux télé depuis mars en parlant très peu du cancer. Il y a beaucoup évoqué les personnes âgées, les polémiques médicales tout en déclarant qu’il n’y avait pas de problèmes majeurs pour les patients dits cancéreux…"
Quelles associations peuvent vraiment aider à trouver de la force pour se battre au quotidien ? Peu semblent vraiment s’intéresser au quotidien des malades selon Rosa. "J’en ai découvert deux, qui n’ont pas vocation politique, mais qui apportent du soutien : l'association Belle et Bien, et Rose Up."
Ces deux petites structures apportent du courage, du réconfort, de l’écoute, une représentation. Dont feraient bien de s'inspirer certains pour leurs décisions.

Vidéo par mylene.wascowiski
Vidéo par Sarah Polak
Mathilde Wattecamps
journaliste société
Missions : Mathilde est experte des sujets liés aux droits des femmes et à la santé. Accro à Instagram et Twitter, jamais avare d'un bon …
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