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Interview

Patients Covid hospitalisés : «On craint que le tri concerne encore plus les personnes handicapées»

Le handicap au quotidiendossier
Alors que le premier confinement a pu être source de grandes difficultés, le président du Collectif handicaps va surveiller les conditions dans lesquelles se déroule cette nouvelle période d’isolement.
par Elsa Maudet
publié le 3 novembre 2020 à 9h57

Ce deuxième confinement se veut plus souple, y compris pour les personnes handicapées. Ouverture des établissements et services médico-sociaux, dérogations pour les autorisations de sortie… Le secrétariat d’Etat en charge du sujet a mis en ligne une foire aux questions sur les mesures destinées spécifiquement aux personnes en situation de handicap.

Tirant des leçons des problèmes rencontrés au printemps dernier, Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps, revient sur les points qui feront l'objet d'une vigilance particulière cette fois.

Comment appréhendez-vous ce nouveau confinement ?

Le premier a laissé des traces et a été très compliqué pour un certain nombre de personnes handicapées et leurs familles. Cette période va être différente. On a appris du premier confinement. Le secrétariat d'Etat aux Personnes handicapées prend des mesures de manière plus rapide, les personnes handicapées sont peut-être davantage prises en compte, notamment sur les dérogations au port du masque pour les enfants ou les dérogations pour les autorisations de sortie. Pour certains types de handicaps, par exemple l'autisme, le fait de rester enfermé toute la journée dans un appartement, de ne pas pouvoir sortir, a eu des conséquences préjudiciables.

Notre crainte la plus forte concerne l'accès aux soins. On sait que dans dix, quinze jours, on va avoir un pic par rapport au nombre de contaminations et qu'on arrive à saturation. Les médecins disent qu'il pourrait y avoir un tri. On peut craindre que ce tri se fasse encore plus au détriment des personnes handicapées. Au premier confinement, c'est un des grands sujets qu'on avait pointés. Sophie Cluzel [la secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, ndlr] avait annoncé que, dans chaque Samu, il devait y avoir un référent handicap, pour permettre d'éviter les tris et de mieux orienter la personne. Il n'y en a pas partout.

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En quoi les référents handicap peuvent-ils changer la donne ?

Malheureusement, les tris, il y en aura, pour les personnes handicapées et pour tout le monde. Mais les référents handicap peuvent comprendre la situation réelle de la personne, la gravité, faire passer un message, orienter vers des hôpitaux. Ce n'est pas parce qu'on est handicapé qu'on est particulièrement vulnérable au Covid.

L’obligation de télétravailler dès que c’est possible est-elle une bonne chose pour les travailleurs handicapés ?

Comme toujours, il y a de tout. Pour certaines personnes handicapées, le télétravail n'est pas plus compliqué qu'autre chose. C'est même plus simple, ils n'ont pas de problème de transport. Mais si le télétravail peut engendrer de l'isolement pour tout le monde, c'est particulièrement le cas pour un certain nombre de travailleurs handicapés. Nos craintes – c'est ce qu'on a vu au premier confinement –, c'est notamment pour les personnes aveugles, qui peuvent avoir des difficultés pour accéder par exemple à des documents internes partagés en ligne. Ou pour les personnes sourdes avec les visioconférences, si on ne s'occupe pas de la traduction ou de bien parler devant la caméra quand elles savent lire sur les lèvres.

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La crise ne fait que commencer et on n’a pas encore de chiffres concernant l’emploi des travailleurs handicapés, mais on peut imaginer que ça ne sera pas très bon…

On est très inquiets. Ça vaut pour toute l'économie mais on sait très bien que les personnes handicapées vont avoir du mal à accéder à un emploi maintenant. Et il va certainement y avoir des licenciements pour inaptitude d'un certain nombre de travailleurs handicapés. Le risque, à mon avis, c'est qu'on considère trop que «personne handicapée» égale «personne vulnérable au Covid» et donc qu'il faut s'en débarrasser. La situation était déjà très compliquée et va l'être encore plus.

Le gouvernement a créé, en octobre, une prime de 4 000 euros par embauche de travailleur handicapé. Pensez-vous que cela peut aider à limiter la casse ?

Tout ce qui est un moyen d’aider à l’embauche des travailleurs handicapés est évidemment nécessaire. Après, je ne suis pas sûr que 4 000 euros pour un CDI, ce soit un élément déclencheur, donc je ne suis pas sûr que ce soit très efficace.

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