Une nouvelle artère dans nos bras : l'être humain continue bien d'évoluer

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Une nouvelle artère dans nos bras : l'être humain continue bien d'évoluer

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En temps normal, l'artère médiane disparait au profit des artères radiale et ulnaire.
En temps normal, l'artère médiane disparait au profit des artères radiale et ulnaire.
© Getty - Rika Hayashi

L'artère médiane, qui n'existe à l'origine chez l'homme que sous forme de foetus, est présente chez de plus en plus d'êtres humains selon une étude parue dans le Journal de l'Anatomie. A l'ère moderne, l'homme continue donc d'évoluer.

L’être humain continue-t-il d’évoluer ? Au vu de ce qu’on sait de la sélection naturelle des espèces, il paraît logique d’estimer que l’ère moderne, si elle n’a pas totalement éliminé la théorie échafaudée par Darwin, l’a tout du moins sérieusement ralentie.

Et pourtant, à en croire une récente étude intitulée Augmentation récente de la prévalence de l'artère médiane humaine de l'avant-bras: un changement microévolutionnaire (en anglais), publiée dans le Journal de l’Anatomie par des chercheurs des Universités Flinders et d’Adélaïde (Australie), l’être humain continue bel et bien d’évoluer. Preuve en est d’un vaisseau sanguin placé dans le bras, l’artère médiane, dont la prévalence a considérablement augmenté depuis la fin du XIXe siècle. 

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Cette artère médiane est systématiquement présente chez les fœtus : elle se forme dès les premières semaines et permet d’acheminer le sang vers le bout du bras, afin d’alimenter les mains alors en pleine croissance. Au bout de 8 semaines, elle disparaît cependant au profit des artères radiale et ulnaire, qui se chargent d’alimenter le bras.

Jusqu’ici, l’artère médiane ne subsistait que dans de rares cas chez les adultes. “Depuis le XVIIIe siècle, les anatomistes ont étudié la prévalence de cette artère chez les adultes et nos études montrent qu’il y a une augmentation très nette, précise la docteure Teghan Lucas, une des auteurs de l’étude. La prévalence était de 10 % pour les gens nés au milieu des années 1880, alors qu’elle est de 30 % pour ceux qui sont nés à la fin du XXe siècle, c’est une augmentation significative sur une courte période de temps”. 

Trois artères au lieu de deux 

Nous avons collecté toutes les données publiées dans la littérature anatomique et avons disséqué les cadavres donnés pour la recherche à Adélaïde, poursuit le professeur Maciej Henneberg, également l'un des auteurs de l’étude. Nous avons découvert qu'environ un tiers des Australiens ont l'artère médiane dans leur avant-bras.”

Avec 30 % de la population concernée actuellement, selon les chercheurs, tout le monde devrait être équipé de cette artère supplémentaire d’ici à 2100. Pour la Dr Teghan Lucas, cette augmentation “pourrait résulter de mutations de gènes impliqués dans le développement médian des artères ou de problèmes de santé chez les mères pendant la grossesse”. A en croire les chercheurs, les raisons de cette mutation ne sont pas encore bien définies, mais elles n’en demeurent pas moins avantageuses : cette troisième artère permet ainsi d’améliorer l’apport sanguin global et, à défaut, pourra être utilisée dans le cadre de chirurgies réparatrices sur d’autres parties du corps humain. Elle pourrait néanmoins, à l'inverse, causer des syndromes du canal carpien plus fréquents.

Un dessin du Dr Maciej Henneberg montrant l'emplacement de l'artère médiane.
Un dessin du Dr Maciej Henneberg montrant l'emplacement de l'artère médiane.
- Maciej Henneberg

Une évolution toujours en cours

Pour la Dr. Teghan Lucas, le résultat de cette étude, qui portait sur un échantillon de 78 personnes décédées entre 2015 et 2016, prouve surtout que les humains modernes évoluent bien plus rapidement qu’au cours des 250 dernières années. “Beaucoup de gens pensent que l’être humain a cessé d’évoluer mais notre étude montre que l’être humain continue d’évoluer encore aujourd’hui : c’est ce que nous appelons la micro-évolution des humains modernes”, précise-t-elle :

D’autres variations anatomiques dans le corps humain augmentent également à travers le temps, comme l’absence congénitale de la troisième molaire. [...] Comme nos visages deviennent beaucoup plus courts, nous n'avons pas autant de place pour nos dents. Cela se produit avec le temps parce que nous avons appris à utiliser le feu, nous avons appris à transformer nos aliments : beaucoup de gens naissent simplement sans leurs dents de sagesse. [...] Nous appelons cela des variations anatomiques.

Pourtant, la présence d’une artère de plus en plus fréquente ne vient que confirmer une capacité bien connue du corps humain à s’adapter à son environnement. Ainsi, en 2019, trois chercheurs de l_'Imperial College_ de Londres ont constaté qu’un os du genou, le fabella, était de plus en plus présent chez l’être humain. Alors qu’il était détecté chez seulement 7,6 % des individus au début du XXe siècle, les chercheurs l’ont trouvé chez plus de 31 % de la population un siècle plus tard. La raison ? Probablement l’augmentation de la taille, qui contraint le genou à supporter un poids de plus en plus important.

Le spécialiste en anthropologie biologique et écologie humaine Alain Froment expliquait ainsi dans Science et Vie que le squelette répercute bien souvent le mode de vie de l’être humain : "L'apparition des premiers archers se distingue par des squelettes présentant soudain des coudes plus épais, tandis que les premiers cavaliers se signalent par leurs fémurs".

La Méthode scientifique
57 min

Les artères ne traversant pas les âges, les nouvelles informations à leur sujet ne permettront pas, contrairement aux squelettes, de déduire les modes de vie de l’être humain il y a quelques siècles. Mais pour la docteure Teghan Lucas, lorsque cette variation concernera 50 % de la population, il faudra “cesser de la considérer comme une variante, ce sera une structure humaine normale”.