L'« escalier ténèbres » de Victor Hugo : épisode • 2/4 du podcast Le Noir est une couleur

Dessin portant l'inscription "Ma destinée" et la signature de Victor Hugo. Papier et encre. ©Getty - Werner Forman/Universal Images
Dessin portant l'inscription "Ma destinée" et la signature de Victor Hugo. Papier et encre. ©Getty - Werner Forman/Universal Images
Dessin portant l'inscription "Ma destinée" et la signature de Victor Hugo. Papier et encre. ©Getty - Werner Forman/Universal Images
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Si Victor Hugo fut un immense écrivain, il fut aussi un dessinateur et un peintre de talent. Hugo trempait aussi bien sa plume que le pinceau dans l'encre noire, pour peindre et raconter le monde tel qu'il lui apparaissait : violemment contrasté, en clair-obscur.

Avec

Pour cette émission nous accueillons Annie Le Brun, écrivain, poète, critique littéraire et commissaire d'expositions, auteure notamment de Les arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo (Gallimard, 2012).

Avec elle c'est en quelque sorte la face cachée de Victor Hugo qui nous est dévoilée. Annie Le Brun repère en effet chez l'auteur de Les Rayons et les ombres une prévalence du noir, aussi bien dans l'écriture que dans le dessin. On le sait généralement moins, mais Victor Hugo a assidûment pratiqué le dessin et l'aquarelle, illustrant même quelquefois ses propres oeuvres littéraires.

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Ce travail-là autour des dessins m'a amenée à voir qu'il n'y a pas du tout de différence entre ce qu'il fait advenir quand il écrit et ce qu'il fait advenir quand il dessine. (Annie Le Brun)

Outre l'intérêt plastique que semble avoir cette couleur aux yeux du Hugo dessinateur, le noir a aussi, pour l'écrivain, une forte valeur métaphorique. 

Pour lui, la pensée est indissociablement liée au noir, au sens des ténèbres, à ce sentiment presque existentiel. Il n'existe qu'à travers cette conscience des ténèbres. Il y a cette phrase tout à fait saisissante dans William Shakespeare : « Celui qui médite vit dans l'obscurité ; celui qui ne médite pas vit dans l'aveuglement. Nous n'avons que le choix du noir. » (Annie Le Brun)

Le noir est ainsi la couleur de l'intériorité, dont les tréfonds sont nimbés de ténèbres, ou celle de la mort, apparue soudainement au jeune Victor Hugo qui assiste, à 9 ans , à l'exécution d'un condamné à mort en Espagne. C'est encore les ombres de la guerre qui charrie son lot de morts, l'obscurité du deuil quand, avec le décès tragique de Léopoldine, le jour se fait nuit, ou bien la noirceur morale d'Han d'Islande, de Claude Frollo et de sa créature, Quasimodo.

Il a vu une guerre enfant avec tout ce qu'il pouvait y avoir de terrifiant pour lui. Et puis, très tôt, dans le fond, il a été hanté par la folie. (Annie Le Brun)

Mais si la plus obscure des couleurs est omniprésente dans l'oeuvre de Hugo c'est, bien souvent, en relation avec son contraire. A côté des ombres, l'oeuvre hugolienne a aussi ses rayons. Le contraste permet ainsi à Hugo de raconter l'Histoire et les hommes, leurs peines et leurs joies, leurs abîmes moraux comme leurs actes sublimes.

Ce qu'il y a de fascinant chez lui, c'est que autant il a cette conscience-là, tellement intense, des ténèbres qui nous habitent, autant c'est un plongeur qui va jusqu'au fond et qui a toujours cette énergie qui fait qu'il remonte [...]. Et c'est pour ça que cette idée d'arc-en-ciel du noir, qui m'était venue comme ça, je me suis dit que ce n'était pas si fou que ça en avait l'air au départ, parce que c'est comme si l'arc-en-ciel était un immense cercle dont la moitié est dans l'obscurité et qui, à chaque fois, permet d'aller dans les profondeurs de la vie où peut se trouver la plus forte énergie qui permet, alors, de remonte vers la lumière. (Annie Le Brun)

Victor Hugo était peut-être, avant tout, un peintre du clair-obscur, clair-obscur le plus tranché, le plus violent qui soit. Un artiste qui, tels auraient été ses derniers mots avant de mourir, voyait « de la lumière noire. »

La fin de notre émission sera animée par la traditionnelle chronique. Rémi Baille, co-fondateur de la revue littéraire L'Allume-feu nous en présente le quatrième numéro, consacré à la classe

https://revue-allumefeu.com/ 

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)

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