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À Montpellier, le maire Michaël Delafosse défend sa charte de la laïcité contre une opposition de gauche
Michaël Delafosse, maire de Montpellier

À Montpellier, le maire Michaël Delafosse défend sa charte de la laïcité contre une opposition de gauche

Séparatisme

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En septembre, la ville de Montpellier, aux mains du PS, a été la première à mettre en place une charte de la laïcité, dont la signature conditionne l'attribution de subventions aux associations.

Quelques jours après la présentation du projet de loi contre les séparatismes, Montpellier a pris l'initiative d'appliquer l'une de ses mesures en avant-première. Le 15 octobre, la Ville a convié la Société des membres de la Légion d'honneur 34 à signer la toute première Charte de la laïcité, conditionnant désormais toute subvention aux associations. Voilà des mois que le nouveau maire PS et président de la Métropole Michaël Delafosse avait promis que la capitale héraultaise en aurait la primeur. Mais l’édile doit se heurter à une opposition venue de la gauche.

Depuis la fin de l'été, un appel unitaire rassemblant plusieurs collectifs (La Ligue des Droits de l'Homme notamment) et des militants issus de LFI, du PS, d'EELV… a totalisé 230 signatures sur le site lemouvement.info. « La laïcité ne doit pas être dévoyée pour nous diviser », arguent-ils. Pour eux, « la loi 1905 est parfaite ». « Mon sentiment, c'est que c'est une opération politique pour montrer du doigt les musulmans soupçonnés de détourner fonds, alors que n'avons aucun exemple de ce type à Montpellier », s'indigne Alban Desoutter, président de la Libre-pensée 34, qui milite depuis près de cinq ans pour que la Ville arrête de financer les fêtes de la Saint-Roch, messe et procession comprises. « Michaël Delafosse était dans l'opposition, mais la plupart des subventions ont été votées à l'unanimité », souligne-t-il.

En réalité, la ville de Montpellier a repris la charte que Marlène Schiappa, ex-secrétaire d’État à l'égalité femme-homme, a présentée en octobre 2019 aux associations bénéficiant du soutien de son ministère. Au fil des sept articles, le document rappelle que la République ne tolère « aucune discrimination, notamment entre les femmes et les hommes ». Elle affirme également que la laïcité est un « bien commun » et ne doit pas être « source de divisions ». Celle-ci garantit enfin une « liberté de conscience » ou encore un accès égalitaire « aux services et équipements publics », et demande aux associatifs de « participer à la promotion de la laïcité ».

Pour Marianne, Michaël Delafosse répond aux critiques.

Marianne :Dans la mesure où le strict respect de la loi 1905 interdit déjà de financer une association cultuelle avec des deniers publics, que répondez-vous aux critiques taxant votre charte de « coquille vide » ?

Michaël Delafosse : En 1905, quand on pose la question de la neutralité de l'espace public par rapport aux religions, on n’évoque pas la question de la place des femmes ou des homosexuels, qui sont parfois considérés comme des blasphémateurs. Or je considère qu'on ne peut pas interdire aux femmes l'accès à certaines réunions, ni faire du prosélytisme religieux ou homophobe avec des deniers publics. La loi de 1905 a posé plein de choses, mais pas ça. Donc avec la charte, je vais plus loin. Tout cela relève aussi, pour moi, du combat laïque.

Comment pourrez-vous vous assurer que les signataires de la charte respectent vraiment ses principes fondateurs ?

On visite les associations, et beaucoup de gens sont en contact avec elles… Si quelqu'un observe un manquement, on agira. Mais l'essentiel du monde associatif montpelliérain se comporte bien. En fait cette charte permet d'assumer les choses, et de réaffirmer

Vos opposants estiment qu'il y a un risque de stigmatisation.

Je suis professeur d'histoire géographie, j'enseigne Charlie, j'enseigne le droit aux caricatures et je n'ai aucune leçon à recevoir sur ce sujet ! Je ne me suis jamais posé la question des origines des enfants qui me sont confiés. Et quand Robert Ménard a voulu mettre une crèche dans sa mairie, je me suis aussi positionné contre. La laïcité ce n'est pas privilégier telle ou telle religion, c'est la concorde.

Les associations réfractaires vous ont fait ce reproche, parce que les exemples que vous avez cités dans la presse ont tous un lien avec l'islam.

Oui, dernièrement il m'est arrivé de rappeler à une association montpelliéraine que lorsqu'on la Ville lui prête une salle, elle ne peut pas la transformer en salle de prière ; mais demain je le ferai aussi avec les évangéliques si ça se pose, et je leur expliquerai en quoi nier la laïcité est un problème. C'est peut-être parce que la gauche a fermé les yeux qu'on en est là aujourd'hui…

En ce moment, il y a un sujet avec l'islam politique en France ; il faut être aveugle pour le nier. Notre pays est confronté à un fanatisme religieux islamique, et c'est un défi, pour notre société, d'arriver à protéger la liberté de conscience, y compris celle de nos concitoyens de confession musulmane qui ne veulent pas entendre parler de ces dingues.

Lorsque vous étiez dans l'opposition, vous avez voté le financement des fêtes de la Saint Roch. Il y a quelques semaines, vous avez aussi voté une subvention de 8500 euros pour financer l'action caritative de la Pastorale évangélique CNEF Montpellier qui est une association à vocation cultuelle. Est-ce que ce n'est pas paradoxal ?

Je ne financerai pas la procession de la St-Roch, mais concernant les rencontres autour de l'histoire de la ville, pas de problème. Cette année, j'ai été le premier maire à m'y rendre sans l'écharpe, car j'estime que cela participe à la neutralité des élus. Dans cette fête, il y a une partie qui est religieuse et une partie qui est d'ordre culturel. L'histoire du monde n'a pas commencé en 1789. On a le droit de converser sur tout cela quand même ! C'est seulement quand ça devient prosélyte que ça pose problème. Mais certains ont une conception de la laïcité qui relève du sectarisme…

La LDH s'interroge aussi sur la légitimité d'imposer une telle charte sans en avoir discuté en conseil municipal. Est-ce que vous auriez pu la soumettre au vote ?

Je viens d'être élu maire et je suis le seul candidat à avoir affirmé mes convictions sur la laïcité tout au long de la campagne. J'ai dit que la laïcité fera partie de mes actions, tout comme la transparence de l'utilisation de l'argent public et le fait que les associations devront rendre des comptes. Alors si quelqu'un le souhaite, il peut aller au tribunal administratif pour contester la signature de ce document…

Début octobre, François Baroin m'a contacté pour que j'anime la commission Laïcité au sein de l'Association des maires de France (AMF), parce que c'est un vrai enjeu. Dans le monde, plein de gens rêveraient que la laïcité s'impose. Je pense que si les femmes marchent en Pologne (contre l'interdiction quasi totale de l'IVG N.D.L.R.), c'est aussi pour ça.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne