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Candidat à l'élection présidentielle de 2022, Mélenchon veut recueillir 150.000 parrainages citoyens

Jean-Luc Mélenchon, candidat à l'élection présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon, candidat à l'élection présidentielle. - François Guillot - AFP

Le chef de file de La France insoumise, conscient du contexte difficile que traverse la gauche et de l'affaiblissement de sa position personnelle par rapport à 2017, brigue l'Elysée une troisième fois.

Sous la Ve République, beaucoup ont tendance à croire que la troisième tentative est la bonne. C'est visiblement le cas de Jean-Luc Mélenchon, qui a annoncé ce dimanchesoir sur TF1 sa candidature à l'élection présidentielle de 2022. Conscient de la difficulté du contexte politique et de l'affaiblissement de sa position depuis 2017, le chef de file de La France insoumise se veut pourtant prêt à affronter Emmanuel Macron.

Initialement prévue fin octobre avant d'être reportée en raison des contextes sanitaire et terroriste, l'annonce n'est pas une surprise. Cela fait plusieurs mois que les proches du député des Bouches-du-Rhône répètent qu'il était toujours, à leurs yeux, le meilleur candidat possible pour leur camp.

"Il faut allumer une lumière pour qu'on se dise qu'il y a un bout au tunnel", a-t-il affirmé, pour "aider à déconfiner les esprits". "Oui je suis prêt et je propose ma candidature. Mais je demande une investiture populaire", a-t-il confirmé.

Parrainages citoyens

Le bretteur de la gauche radicale a toutefois conditionné sa candidature à l'obtention de 150.000 "parrainages citoyens". Il s'agit là d'une proposition qu'il avait portée avec son groupe parlementaire le 27 octobre afin de changer le mode de scrutin, conformément à l'une des préconisations de la Commission Jospin en 2012. "Je me sentirai investi par le peuple", a-t-il justifié.

Cette commission pointait les failles de notre système actuel, qui exige que les candidats à l'élection présidentielle recueillent 500 parrainages d'élus. Le but, pour Jean-Luc Mélenchon, est clair: démontrer, avant de concourir à la présidentielle, que sa démarche s'appuie sur un fort soutien populaire. Le député des Bouches-du-Rhône en dira davantage lorsqu'il sera l'invité exclusif de Face à BFM sur BFMTV jeudi prochain.

"Campagne longue"

Fidèle à la communication numérique innovante qu'il avait déjà déployée à l'époque puis développée les années suivantes, le patron de LFI va s'appuyer à nouveau sur les réseaux sociaux, a précisé son entourage en amont auprès de l'Agence France-Presse (AFP).

"Le paysage n'est pas celui auquel on avait pensé, avec l'angoisse des attentats et du confinement", reconnaît son disciple et ami le député Alexis Corbière. "Mais il y a aussi plus que jamais l'idée qu'il ne faut pas trop tarder afin de faire une campagne longue".

À 69 ans, l'ancien sénateur socialiste rejoint donc Xavier Bertrand, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, personnalités déjà en lice pour 2022. Tribun hors pair, Jean-Luc Mélenchon avait réussi à siphonner l'électorat de Benoît Hamon ainsi qu'attirer des abstentionnistes, atteignant le score de 19,58% au premier tour. Se situant au coude-à-coude avec François Fillon, il a dû se contenter de la quatrième place et concéder son élimination.

Hésitations

"Jean-Luc Mélenchon, c'est un peu le candidat permanent", a raillé ce dimanche le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, dénonçant le choix du leader insoumis de se déclarer en pleine crise sanitaire. L'intéressé lui-même affirmait le 26 octobre, sur France Inter, qu'il devait encore "consulter" ses proches. "Moi-même j'ai beaucoup hésité et j'hésite encore", disait-il.

Avant de se lancer, l'ex-ministre de Lionel Jospin a réuni une dernière fois, samedi, l'aréopage des parlementaires Insoumis. C'était l'occasion de caler les derniers détails du dispositif de campagne, dont le cadre sera inédit et ne se limitera donc pas à LFI.

"C'est la théorie de la poupée russe: il construit chaque fois une couche supplémentaire sur son socle", analyse un membre du Parti de gauche, que Jean-Luc Mélenchon avait créé en 2008. "Ça a d'abord été le PG, puis le Front de gauche avec les communistes en 2012, puis LFI en 2016 pour sa campagne de 2017. Chaque étape lui a permis de gagner des voix".

"Page blanche"

Le tribun au tempérament éruptif sait qu'il part affaibli par rapport à 2017, alors même qu'il devra faire progresser ce score pour se qualifier au second tour. Son image a été lourdement écornée par sa réaction colérique à la perquisition au siège de LFI en 2018. Il est régulièrement accusé par la droite et La République en marche d'entretenir un rapport mouvant à la laïcité. Ses contempteurs évoquent, sur ce sujet, sa décision de participer à la controversée manifestation contre l'islamophobie de novembre 2019.

Il y a par ailleurs la question de l'embouteillage à gauche, où contrairement à 2017, les écologistes sont déterminés à se créer un espace qu'ils avaient alors cédé au profit des socialistes. Pour l'heure, les sondages le placent très loin derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

"Je ne crois pas que ce soit sur cette ligne-là que la gauche puisse remporter l'élection présidentielle", a taclé ce dimanche son vieil adversaire François Hollande sur France 3.

"Nous allons quasiment devoir vider la mer avec nos mains, la mer du scepticisme, de la résignation, de l'incompréhension", expliquait Jean-Luc Mélenchon la semaine dernière lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale.

"Il faut construire une majorité positive, et il y a un trou de souris pour nous. Mais ça ne fonctionne que si on convainc, on a besoin de délais, on a toujours fait des campagnes longues", ajoutait-il.

Doubler les Verts

Se déclarer dès ce dimanche, à 18 mois du scrutin, soit encore plus tôt que pour l'élection de 2017, a aussi pour but de couper l'herbe sous le pied des Verts, qui n'auront de candidat officiel que l'été prochain. Car ce sont eux qui occupent désormais une position centrale à gauche après la réussite de leurs élections européennes (13,5%) et municipales (plusieurs grandes villes remportées) - que LFI a ratées. "La dispersion peut nous nuire, (...) mais ce qui serait pire, c'est la confusion", a pourtant déclaré Jean-Luc Mélenchon ce dimanche.

"Mélenchon a pour lui d'être identifié, d'être un repère, une vigie. Les gens qui ne s'intéressent pas à la politique connaissent cinq ou six personnalités au maximum et lui en fait partie", relève cependant l'eurodéputé Emmanuel Maurel, allié à LFI.

Reste à savoir quelle stratégie de fond adoptera l'élu des Bouches-du-Rhône. "Ils veulent faire le coup de la page blanche: à la présidentielle on repart de zéro et le talent de Mélenchon fera le reste. Mais c'est sous-estimer ce à quoi va ressembler 2022", commente, sceptique, un ancien compagnon de route.

Jules Pecnard avec AFP Journaliste BFMTV