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"Nous sommes pour" : une plateforme sans risque ni contrôle pour soutenir Jean-Luc Mélenchon

"Nous sommes pour" : une plateforme sans risque ni contrôle pour soutenir Jean-Luc Mélenchon

Présidentielle 2022

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En conditionnant sa candidature à une “investiture populaire” de 150.000 citoyens, Jean-Luc Mélenchon entend démontrer sa force et défendre sa vision de la démocratie française. Mais il ne prend pas de grands risques, tant la plate-forme numérique “Nous sommes pour” est permissive.

Jean-Luc Mélenchon entend certes mettre fin à la « monarchie présidentielle » s'il l'emporte en 2022, mais sa maîtrise des codes gaulliens de l'élection suprême n'est plus à démontrer. Ce dimanche 9 novembre, comme en février 2016, l'Insoumis s'est lancé très tôt dans la course à l'Elysée, seul, dans un rapport direct avec le peuple, hors de tout système de partis ou de primaires. Comme il y a quatre ans, il a également pris la précaution de « proposer » sa candidature, en assortissant une condition claire à son engagement, l'obtention d'une « investiture populaire » : « Je serai candidat définitivement si et seulement si j'ai recueilli 150.000 signatures de parrainage. A ce moment-là, je me sentirai investi par le peuple ».

La manoeuvre est habile : elle démontre la volonté de Jean-Luc Mélenchon d'injecter davantage de démocratie directe dans le système politique français, en cohérence avec sa défense du référendum d'initiative citoyenne (RIC), mais également avec sa volonté de convoquer une Assemblée constituante afin de fonder une VIe République plus respectueuse de la souveraineté populaire. Le seuil choisi de 150.000 est faible, et devrait être atteint rapidement par l'insoumis : mais il symbolise en fait la volonté de Mélenchon de faire voter une loi permettant à 150.000 citoyens français d'investir le candidat de leur choix, remplaçant le système en vigueur exigeant 500 parrainages d'élus pour se présenter. « Je commence à populariser et entretenir cette idée que non seulement les citoyens peuvent désigner leur chef de l'Etat, mais en plus ils peuvent l'investir », a déclaré le député de Marseille. Qui, il faut le préciser, sera tout de même contraint de trouver 500 élus prêts à soutenir sa candidature s'il veut bel et bien être sur la ligne de départ en 2022, lui qui est à la tête d'un mouvement, la France insoumise, qui ne dispose pas d'implantation politique locale.

Une plateforme peu rigoureuse

Par ailleurs, malgré ses déboires des dernières années, Mélenchon demeure d'après les études d'opinion la personnalité la plus fédératrice à gauche, lui qui avait réuni plus de 7 millions de voix lors de l'élection présidentielle en 2017 et se présente aujourd'hui comme un « pôle de stabilité ». Peu d'autres ténors de gauche peuvent prétendre réunir en un tournemain 150.000 signatures sur leur nom. Pour Jean-Luc Mélenchon, qui en a déjà recueilli plus d'un tiers au moment où ces lignes sont écrites, tout se passera sur une plateforme numérique créée ad hoc : « Nous sommes pour », dont le peu de rigueur relativise fatalement la portée de l'investiture populaire reçue par l'insoumis.

Parrainer la candidature de Jean-Luc Mélenchon est en effet aussi peu contraignant qu'adhérer à la France insoumise : il suffit d'inscrire un prénom, un nom, une adresse mail et un code postal. Pour les personnes déjà inscrites à LFI, l'opération est automatique, les autres devront simplement cliquer sur un courriel de confirmation pour ajouter leur voix. Nul besoin d'envoyer une signature par courrier, ni même de fournir le moindre justificatif d'identité. En théorie, on peut donc apporter son soutien à Mélenchon sans être un citoyen français…Mais on peut surtout voter plusieurs fois en utilisant de multiples identités.

Message reçu sur la plateforme “Nous sommes pour” après l'enregistrement de notre investiture avec l'identité “Maximilien Robespierre”.
© Capture d'écran

Pour les besoins de cet article, nous avons ainsi parrainé Jean-Luc Mélenchon avec trois adresses mail différentes, inscrivant notamment les noms de Jean Jaurès et Maximilien Robespierre parmi les soutiens du candidat insoumis, sans que cela ne pose aucune difficulté sur la plateforme. Une vérification qui a déclenché la colère du député européen LFI Manuel Bompard, lequel a répondu : « Ces faux soutiens ont déjà été supprimés et le fichier global sera validé par un huissier. » Reste toutefois à déterminer comment l'autorité indépendante en question sera en mesure de démêler les vrais des faux noms, en l'absence totale de contrôle d'identité, ou s'il est vraiment possible d'empêcher une seule personne d'envoyer plusieurs soutiens avec de multiples adresses mail. On l'aura compris, l'intérêt de « Nous sommes pour » est avant tout symbolique.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne