« C'est votre premier Vendée Globe, quel est votre objectif ?
Je n'ai pas autant d'expérience que d'autres et je vais découvrir pas mal de choses pendant ce tour du monde. Si je prends Kévin (Escoffier, PRB), par exemple, qui est bizuth, comme moi, les mers du Sud, il connaît. J'y vais avant tout avec l'objectif de terminer et d'apprendre. Concernant l'aspect compétition, je vais essayer de faire de belles trajectoires et de me tirer la bourre avec les bateaux qui sont proches de moi en termes de performance.
Partez-vous avec de l'appréhension, craignez-vous pour votre vie ?
Le seule véritable angoisse, c'est de ne pas revenir, mais ce n'est pas une obsession et j'y pense plus souvent à terre qu'en mer. C'est le seul truc grave qui peut arriver. Le reste, ce sont des très mauvais moments à passer. Abandonner, avoir des problèmes techniques, ça fait partie d'une vie de marin. Si in fine, tu reviens sur la terre ferme avec les gens que tu aimes, ce n'est pas grave.
« Comme dans tous les grands projets, quand on se lance dans quelque chose qu'on ne maitrise pas, il y a forcément une part de lâcher prise et d'insouciance »
Avez-vous hésité à relever le défi quand le team Banque-Populaire vous a proposé le projet fin 2018 ?
Un Vendée Globe, tu peux en rêver tout une vie de marin et ne jamais avoir l'opportunité de le faire. Personnellement, ça me faisait rêver, mais ce n'était pas un objectif en soi car je ne me projetais pas dans l'idée que ce soit possible. Ronan Lucas (directeur du team) m'a fait cette proposition à l'automne 2018 : c'est arrivé comme ça, sur un plateau.
Je n'ai pas dit oui tout de suite, j'étais super émue. J'avais besoin de faire une petite balance dans ma tête. Comme dans tous les grands projets, quand on se lance dans quelque chose qu'on ne maitrise pas, il y a forcément une part de lâcher prise et d'insouciance. Je suis pourtant quelqu'un d'hyper cartésienne qui essaie de tout mesurer. De l'autre côté, j'avais la chance d'intégrer une énorme équipe.
« En voile, trouver un sponsor au bon moment, ça fait partie de l'histoire »
Vous avez connu une ascension très rapide qui a fait parler dans le milieu à l'époque, comment avez-vous vécu cette situation ?
Tout a été très rapide, c'est sûr. J'ai fait la Mini en 2017 (2e catégorie série), un peu de Figaro, la Jacques-Vabre 2019 avec Armel (Le Cléac'h, 6e ), puis la Vendée Arctique en juillet dernier (12e). J'ai un mari marin (Tanguy le Turquais) qui rêve de Vendée et qui ne sait pas si un jour, il aura la chance d'y participer. Je sais bien que ça peut créer des jalousies, de la frustration et que j'ai une chance extraordinaire. J'accepte ces regards.
Mais ce n'est pas parce qu'ils existent que je ne vais pas y aller. En voile, trouver un sponsor au bon moment, ça fait partie de l'histoire. Ce n'est pas comme dans d'autres sports dans lesquels il y a des classements internationaux et où on choisit dans les trois premiers. Mais dans le même temps, je bosse et je ne prends pas ça à la légère.
Trois décennies après la première édition (1989), le Vendée Globe conserve-t-il à vos yeux toute sa part d'aventure ?
Je pense qu'on est plus en sécurité qu'à l'époque. Ils avaient beaucoup moins d'information au niveau de la météo et subissaient plus. Maintenant, si tu tombes à l'eau, la flotte est la même. De la même façon, on a beau penser être technologiquement un peu les maitres de l'univers, on sait que face à la mer, on n'est pas grand-chose. Dans le Grand Sud, rien n'arrête la houle et les dépressions et tu te retrouves loin de tout. C'est aussi ça, qui fait la magie du Vendée Globe !
Comment envisagez-vous l'avenir ?
Je ne fais de la course au large que depuis quatre ans. En peu de temps, j'ai déjà dû engranger et assimiler beaucoup de nouveautés. J'ai donc du mal à me projeter sur l'après. »