PROCESL’ancien ambassadeur du Vatican en France jugé pour agressions sexuelles

« Ce procès sera historique… » L’ancien ambassadeur du Vatican en France jugé pour des agressions sexuelles

PROCESQuatre hommes ont déposé plainte contre Luigi Ventura, un évêque Lombard de 75 ans, qu’ils accusent d’attouchements sexuels commis en 2019
Luigi Ventura, en 2010.
Luigi Ventura, en 2010.  - REMY GABALDA / AFP
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • L’ex-ambassadeur du Vatican en France, l’Italien Luigi Ventura, sera jugé pour « agressions sexuelles » devant le tribunal correctionnel de Paris ce mardi. Cet évêque lombard âgé de 75 ans est accusé par plusieurs hommes d’attouchements sexuels.
  • Le 8 juillet 2019, son immunité diplomatique a été levée, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires.
  • Le nonce apostolique en France attend de l’audience « que la lumière soit faite et que son innocence soit reconnue ». Les avocates des plaignants se félicitent pour leur part d’un procès « historique »

Nommé par Benoît XVI en 2009, Luigi Ventura a longtemps été ambassadeur du Vatican en France. A ce titre, le Lombard aujourd’hui âgé de 75 ans était chargé des relations du Saint-Siège avec les autorités françaises d’une part et avec les évêques d’autre part. Mais ses fonctions ont pris fin en décembre 2019, après qu’il a été impliqué dans une embarrassante affaire d’agression sexuelle. Plusieurs hommes ont déposé plainte contre lui, affirmant avoir été victimes d’attouchements de la part de cet évêque. Pour ces faits, il sera jugé ce mardi devant le tribunal correctionnel de Paris.

L’affaire éclate début 2019 lorsque Mathieu de la Souchère, responsable des événements internationaux à la mairie de Paris, porte plainte pour « agression sexuelle ». Quelques jours plus tôt, le 17 janvier, le nonce apostolique en France était invité à l’hôtel de ville à l’occasion des vœux aux autorités civiles et religieuses d’Anne Hidalgo. Le jeune cadre municipal l’accuse de lui avoir touché les « parties intimes » à trois reprises ce jour-là, dont une fois devant des témoins. « Il agissait en toute impunité, de manière non cachée, de manière très sûre de lui, avec aucune retenue, aucune gêne, avait raconté à l’époque le jeune homme à BFM TV. Il le faisait les yeux dans les yeux. »

« Des plaignants extrêmement sérieux et crédibles »

« En médiatisant cette affaire, mon client a permis de faire venir à la justice d’autres plaintes et témoignages », souligne auprès de 20 Minutes Me Elise Arfi, l’avocate de Mathieu de la Souchère. Un autre employé de la mairie de Paris, toujours lors d’une cérémonie de vœux, un séminariste, lors d’une messe… Par la suite, quatre autres hommes ont rapporté des attouchements similaires de la part du prélat italien lors d’évènements publics en France, entre janvier 2018 et février 2019.

Un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay s’est également manifesté auprès des enquêteurs, mais il n’a pas souhaité se constituer partie civile. « Ce sont des gens qui ont des profils extrêmement solides, ils n’en rajoutent pas. Ce sont des plaignants très sérieux et crédibles, tous », insiste Me Arfi. Le 24 janvier 2019, le parquet de Paris ouvre une enquête.

Même si les témoignages accablants s’accumulent, Luigi Ventura n’est pas un suspect comme un autre. Six mois plus tard, le 8 juillet, au terme d’une âpre bataille, la France obtient la levée de l'immunité diplomatique. Une décision historique pour un nonce en activité. En décembre de la même année, il rentre en Italie après que le pape François a accepté sa démission pour « limite d’âge ». Ce qui n’empêche pas la justice française de poursuivre ses investigations.

« La partie émergée de l’iceberg »

Finalement, en juillet dernier, le parquet a renvoyé cet évêque entré au service diplomatique du Saint-Siège en 1978 devant le tribunal correctionnel. « On attend beaucoup de ce procès qui sera historique, relève Me Jade Dousselin, avocate de l’un des plaignants. C’est la première fois que quelqu’un du Saint-Siège va répondre de ses actes devant la justice. » Son client, qui était l’un des community manager d’ Anne Hidalgo, « sait qu’il n’obtiendra pas la vérité et des aveux de Luigi ventura donc il attend une vérité judiciaire ».

Me Dousselin estime cependant que la justice ne « va juger que la partie émergée de l’iceberg ». « Il s’agit de des faits qui se sont déroulés sur un an. Sur cette période, rien qu’en France, il y a quatre faits. Si on était allé plus loin, si on avait cherché avant ce qui avait pu se passer – même à l’étranger – ma conviction, c’est qu’on aurait découvert bien plus de victimes que ça. »

Contactée par 20 Minutes, l’avocate de Luigi Ventura indique que son client attend « que la lumière soit faite et que son innocence soit reconnue ». « Il ne reconnaît en rien aucune connotation sexuelle à aucun des gestes qu’il aurait pu avoir », ajoute Me Solange Doumic, soulignant qu’elle « espère qu’il sera relaxé ». « Il ne pourra pas être présent, même s’il le voulait vraiment, prévient-elle. Mais son médecin lui a dit que ce n’était pas raisonnable. » Le prévenu encourt une peine de 5 ans de prison et de 75.000 euros d’amende.

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