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L'Europe appelle à la fin des stages non rémunérés

Aujourd'hui, c'est la journée internationale des stagiaires. L'occasion de revenir sur une proposition européenne qui prévoit la fin des stages non rémunérés.

Bientôt la fin des stages non rémunérés ?
Bientôt la fin des stages non rémunérés ? (iStock)

Par Fabiola Dor

Publié le 9 nov. 2020 à 20:57

Avec la crise sanitaire, les stages ont été massivement annulés ou décalés. La journée internationale du stagiaire, à l'initiative de l'International Coalition for Fair Internships (ICFI), ce mardi 10 novembre est l'occasion d'attirer l'attention sur leurs conditions de travail et de dénoncer les dérives de certaines entreprises.

Pour les protéger de cette crise économique propice aux abus, le 8 octobre, le parlement a adopté une nouvelle résolution sur la garantie pour la jeunesse , un programme européen, lancé en 2013 pour lutter contre le chômage des jeunes. L'ensemble des pays de l'Union Européenne s'engagent à ce que tous les jeunes âgés de moins de 25 ans puissent bénéficier d'une offre de qualité pour un emploi, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou de leurs études.

Dans cette nouvelle résolution, les législateurs européens demandent « des offres d'emploi, de formation, d'apprentissage ou de stage de bonne qualité, variées et adaptées, y compris une rémunération équitable », peut-on lire. Le texte condamne également la pratique des stages non rémunérés qu'il définit comme « une forme d'exploitation du travail des jeunes et une violation de leurs droits ». Pour rappel, en France, les entreprises ne sont pas tenues de rémunérer les stages de moins de deux mois. À partir de deux mois, la gratification minimum est de 600 euros mensuels.

Les stages ne remplacent pas un emploi

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Dans cette résolution portée par Lucia Ďuriš Nicholsonová, membre de la commission de l'emploi et des affaires sociales, la députée slovaque invite la Commission européenne à réexaminer les instruments existants et les critères de qualité dans les offres d'emploi à destination de la jeunesse. « Les contrats de stage devraient prendre la forme d'accords écrits et juridiquement contraignants, précisant les tâches du stagiaire et prévoyant une rémunération décente », argumente-t-elle. La députée rappelle que l'objectif de la garantie pour la jeunesse doit être de déboucher sur un emploi, de lutter contre la précarité et que les stages ne doivent jamais conduire à remplacer des emplois.

« Le stage est une période de formation censée avoir un impact sur la carrière des jeunes diplômés », acquiesce Helno Eyriey, le vice-président de l'Union nationale des étudiants de France. Pour lui, tout travail mérite salaire et la Commission européenne va dans le bon sens. « Mais au-delà de rémunération, les politiques publiques doivent surtout cadrer le contenu des stages. La frontière entre les missions d'un stagiaire et celles d'un salarié est encore ténue », dénonce-t-il. Il y voit aussi un moyen de lutter contre le stage café photocopie.

Les entreprises jouent-elles le jeu ? Quoi qu'il en soit, le Commissaire européen à l'Emploi et aux Droits sociaux, Nicolas Schmit, avait exprimé ses doutes quant à la possibilité d'imposer des stages rémunérés au niveau européen , lors d'une intervention sur la Garantie jeunesse, lundi 5 octobre. Son inquiétude rejoint celle d'Adrien Ducluzeau, fondateur de La Relève, un cabinet de recrutement qui s'adresse aux étudiants, jeunes diplômés et juniors. « C'est une bonne idée de revaloriser les stages, mais il paraît difficile de convaincre les entreprises de rémunérer un stagiaire de moins de deux mois surtout que pour un stage de six mois, il faut en moyenne un mois et demi de formation », analyse-t-il.

Pour accompagner les 1,6 million de stagiaires en France, il propose par exemple une gratification symbolique pour les stages de moins de deux mois et une augmentation de la gratification minimum pour les stages de deux à six mois. « 600 euros, ce n'est pas assez, mais c'est mieux que dans les autres pays européens où les stages sont souvent non rémunérés à l'exception de quelques pays, comme la Suisse et le Luxembourg », compare Adrien Ducluzeau.

Une baisse dans la gratification des stagiaires

Selon la dernière étude du cabinet spécialisé La Relève , dont les Echos START sont les premiers à dévoiler les résultats, la gratification moyenne d'un stagiaire rémunéré atteint 935 euros en 2020, tous secteurs confondus. Au total, 5.000 jeunes ont été interrogés. Sans surprise les secteurs de la finance (1.626 euros) et du droit des affaires (1.578 euros) tirent la moyenne fortement vers le haut. En revanche, les profils en communication et en événementiel sont les moins favorisés avec une gratification plus faible autour de 703 euros. « Ce sont aussi les secteurs les plus touchés par le virus, indique Adrien Ducluzeau. La crise sanitaire a eu de lourdes conséquences sur le marché de l'emploi. Et les stagiaires ont également été impactés ». Au global, le cabinet relève une moyenne des gratifications en baisse de 9 % par rapport à l'année précédente.

Avec la pandémie, les stages sont plus difficiles à décrocher, et ils se convertissent aussi moins en opportunités. Amaury Montmoreau, fondateur d'AjStage , un cabinet de recrutement spécialisé dans les stages observe une augmentation du niveau d'exigence des recruteurs. « Même pour les stages, les entreprises veulent s'assurer d'avoir le bon profil qui sera opérationnel rapidement », conclut-il.

Fabiola Dor

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