
Tribune. Avec, au-devant d’eux, Maurice Genevoix, porte-plume mieux que porte-étendard, les combattants de la Grande Guerre entrent au Panthéon. Tous prennent ainsi le chemin du grand mausolée. Très peu ont su raconter ce qu’ils avaient vécu. Le talentueux normalien, alors qu’il n’avait que 24 ans, l’a fait mieux que tous. Sans fard ni pathos, avec précision, exactitude, avec une maturité insolente, il rédigea Sous Verdun. Ce fut le premier volume de Ceux de 14, un témoignage autant qu’une œuvre d’art.
Avec sa discrétion usuelle, Genevoix se fond aujourd’hui dans une foule d’anonymes et d’oubliés, vouée à rejoindre le grand caveau. Alors, si l’on n’y prend garde, lorsque se sera dissipé le fracas des hautes portes se refermant derrière lui, sa figure se confondra avec celle du fringant lieutenant des Eparges [la crête des Eparges, près de Verdun, fut le théâtre d’une série de combats de février à avril 2015 opposant les infanteries française et allemande].
Il ne restera de lui que cette photo iconique prise à Verdun en février 1915, sur laquelle il pose avec fierté et élégance, mains dans les poches, bel homme en uniforme, mine martiale. Une photo datée d’un temps sur lequel nous nous apprêtons collectivement, symboliquement, à tourner désormais la page. Dans Un jour, Genevoix écrivait : « Je peux mourir tranquille, j’aurai mon Paradis dans le cœur de ceux qui se souviendront. » Mais de cet homme que l’on enterre ici une nouvelle fois, de quoi nos cœurs se souviendront-ils ?
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