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MEXIQUE

Manifestation contre les féminicides au Mexique : "J’ai couru quand les policiers se sont mis à tirer"

Capture d’écran de l’une des vidéos ci-dessous, tournée à Cancún, au Mexique, le 9 novembre.
Capture d’écran de l’une des vidéos ci-dessous, tournée à Cancún, au Mexique, le 9 novembre.
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Plusieurs personnes ont été blessées par la police – dont certaines par balles – lors d’une manifestation contre les féminicides à Cancún, au Mexique, le 9 novembre. Cette répression a suscité de nombreuses réactions au Mexique et sur la scène internationale.

La manifestation du 9 novembre a été organisée notamment à l’appel du Réseau féministe de Quintana Roo – l’État où se trouve Cancún – qui regroupe plusieurs collectifs et associations. L’objectif : protester contre trois féminicides qui s’étaient produits au cours du week-end dans l’État de Quintana Roo, réclamer justice pour les victimes et dénoncer les violences contre les femmes en général. Durant le week-end, une femme avait ainsi été tuée dans la ville de José María Morelos, de même que deux autres à Cancún, dont les corps avaient été retrouvés avec des signes de torture.

Manifestation contre les féminicides à Cancún, le 9 novembre.

 

"J’ai vu des policiers à 20-30 mètres de moi, et j’ai alors commencé à entendre des tirs"

Nadia, membre des collectifs DAS (Droits, autonomies et sexualités) et Pride Cancún (Fierté Cancún), a participé à cette manifestation.

 

Je suis allée manifester car ces trois féminicides m’ont émue, et car le Mexique n’est pas un pays sûr pour les femmes, d’une manière générale. Depuis la grande manifestation qui a eu lieu à Cancún le 8 mars dernier [lors de la Journée internationale des femmes, NDLR], les organisations féministes ont commencé à travailler avec les autorités sur le sujet, mais malheureusement rien n’avance très vite.

Dans un premier temps, nous nous sommes rassemblés vers 17 h devant le bâtiment du Ministère public général, car c’est l’entité chargée d’enquêter sur les cas de féminicides. Il y avait des collectifs de féministes, mais aussi des membres de la famille d’Alexis [l’une des femmes assassinées ce week-end à Cancún, âgée de 20 ans, NDLR], des enseignants et des camarades à elle… Il y avait beaucoup de jeunes ayant moins de 18 ans. Je pense que nous étions environ 600 [des médias évoquent 2 000 personnes environ, NDLR]. Certains ont montré des photos des victimes, il y a eu des discours… Nous sommes restés environ deux heures à cet endroit.

Vidéo tournée par Nadia, devant le bâtiment du Ministère public général, à Cancún, le 9 novembre.

Photos prises par Nadia, lors de la manifestation contre les féminicides à Cancún, le 9 novembre.

 

Puis certains ont voulu aller au Palais municipal. Mais sur le chemin, quelques personnes ont commencé à dégrader des panneaux de signalisation notamment. Quand nous sommes arrivés là-bas, je pense que nous n’étions plus qu’une centaine. Nous avons crié "Justice pour Alexis", mais parallèlement à cela, certains ont commencé à s’en prendre au Palais municipal, en cassant les fenêtres, en tirant des pierres... Quelques personnes sont même entrées à l’intérieur du bâtiment, puis ressorties avec des choses.

Vidéo tournée par Nadia, devant le Palais municipal de Cancún, le 9 novembre. On entend des femmes crier pour réclamer justice pour Alexis, et des bris de vitres.

 

À ce moment-là, des policiers sont arrivés en bloc. Je les ai vus à 20-30 mètres de moi, et j’ai alors commencé à entendre des tirs. Je me suis donc mise à courir, comme tout le monde, pour aller me réfugier dans un parc voisin. Je ne sais pas si c’était des tirs avec de vraies balles ou des balles en caoutchouc, mais de vraies balles ont ensuite été retrouvées sur les lieux. Des personnes ont aussi été frappées et arrêtées. C’est la première fois qu’une protestation est réprimée de la sorte à Cancún : on se demande qui a donné l’ordre à la police d'agir ainsi.

Vidéo envoyée par Nadia à notre rédaction, tournée par quelqu’un qui était à ses côtés lorsque les policiers ont commencé à tirer, devant le Palais municipal de Cancún, le 9 novembre.

Dans cette vidéo, tournée devant le Palais municipal de Cancún, le 9 novembre, des policiers s’en prennent violemment à des protestataires, à partir de 0’30. L’homme qui filme crie notamment : "Je les accompagne ! Tranquilles, ce sont mes élèves !" À 2’05, il dit également à un policier : "Es-tu conscient que tu tires avec des balles dans une manifestation pacifique ?" On entend des tirs durant une grande partie de la vidéo.

Un manifestant poussé violemment par des policiers à Cancún, le 9 novembre.

 

Selon les médias mexicains, au moins quatre personnes ont été blessées, dont deux par balles : un journaliste touché à l’épaule et une journaliste touchée à la jambe.

Le directeur de la Sécurité publique de Cancún retiré de son poste

Du côté des autorités locales, personne n’a assumé jusqu'à présent la responsabilité de ce qu’il  s'est produit. Le gouverneur de Quintana Roo, Carlos Joaquín González, a dit qu’il avait pourtant donné des "instructions précises" : "Pas d’agressions et pas d’armes lors des manifestations de cette journée." Le secrétaire de la Sécurité publique de Quintana Roo, Alberto Capella, a notamment déclaré qu’il avait ordonné l’ouverture d’une "enquête interne". De son côté, la maire de Cancún, Mara Lezama, a également indiqué qu’elle avait "donné des instructions précises pour que soient réalisées des enquêtes". De plus, elle a exigé que le directeur de la Sécurité publique de la ville, Eduardo Santamaría, "soit retiré de son poste immédiatement".

De nombreux organismes de défense des droits de l’homme, tels que le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Mexique, Amnesty International ou encore Human Rights Watch, ont condamné "l’usage excessif de la force" et "d’armes létales" lors de cette manifestation.

L’an dernier, 34 608 homicides volontaires et 1 012 féminicides ont été enregistrés au Mexique, selon les autorités. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis que les féminicides ont commencé à être répertoriés dans le pays.

Article écrit par Chloé Lauvergnier.

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