A Naples submergée par le Covid, un patient meurt dans les toilettes des urgences

Des proches parlent à un patient atteint de COVID-19 alors qu’il arrive sur une civière d’urgence au service des urgences des maladies infectieuses de l’hôpital de Cotugno à Naples le 12 novembre 2020

Des proches parlent à un patient atteint de COVID-19 alors qu’il arrive sur une civière d’urgence au service des urgences des maladies infectieuses de l’hôpital de Cotugno à Naples le 12 novembre 2020 FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Une vidéo montrant la découverte du corps d’un octogénaire dans les toilettes de l’hôpital Cardarelli de Naples a provoqué une onde de choc.

« Voir Naples et mourir » affirme un dicton célèbre. Giuseppe Cantalupo, 84 ans, l’a illustré à la perfection. Naples, non seulement il l’a vue, mais il y était né, il y vivait et il y est mort, l’après-midi du 11 novembre, dans des toilettes de l’hôpital Caldarelli. Malade du Covid et en attente d’être pris en charge, il ne pouvait pas savoir qu’il susciterait un des plus grands scandales sanitaires de la Péninsule, qui a fait la une des journaux et des télévisions, envahi les réseaux sociaux. La vidéo de son cadavre allongé sur le carrelage des toilettes a fait le tour de l’Italie.

C’est un patient de 30 ans, lui-aussi en attente depuis 24 heures d’une hospitalisation qui l’a filmée et postée sur les réseaux sociaux. La scène est vite devenue le symbole tragique de la situation sanitaire à Naples et dans la Campanie, d’abord classifiée en « zone jaune » (presque normale), désormais sur le point de passer en « zone rouge ». Pour compléter le tableau, on a aussi vu des films montrant les corridors de l’hôpital bondés de patients en attente de soins, certains étendus par terre sur des civières improvisées. L’annonce le 13 novembre après-midi par les pharmacies locales d’un manque préoccupant de bombes à oxygène a été l’ultime mauvaise nouvelle. Naples est devenue le point d’orgue d’une situation pandémique italienne de plus en plus dégradée.

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Giuseppe Cantalupo avait une santé plus que précaire, il souffrait de diabète, d’hypertension et avait eu un anévrisme abdominal. L’autopsie dira bientôt ce qui a provoqué l’arrêt cardiaque qui l’a emporté dans les toilettes de l’hôpital Caldarelli. Sa fille Annamaria penche pour un infarctus. Le directeur du Caldarelli Giuseppe Longo, exclut, lui, toute responsabilité de ses services dans le décès. L’enquête du Parquet de Naples tranchera.

Un million de cas

La guerre ouverte, partiellement liée au Covid, entre le maire Luigi De Magistris, populiste de gauche en fin de mandat, et le gouverneur de la Campanie, Vincenzo De Luca, à peine réélu sous l’étiquette du Parti démocrate, focalise aussi tous les médias italiens sur Naples. Surnommé «le shérif» ce dernier refuse catégoriquement d’assumer la responsabilité des 927 morts depuis le début de la pandémie et des 4 000 nouveaux cas quotidiens de la région. Pour lui, les membres du gouvernent sont des «chacals». Face à sa requête de «600 médecins et 800 infirmiers» supplémentaires, ils ont envoyé…7 anesthésistes. La presse péninsulaire aura été concentrée une fois de plus sur ce Sud, appelé « Meridione », qui ne semble, à ses yeux, guère capable d’affronter ses désastres.

L’Italie, premier pays d’Europe frappé par la pandémie du nouveau coronavirus au printemps dernier, a dépassé le million de cas depuis le début de l’épidémie, selon les chiffres publiés mercredi dernier par le ministère de la Santé. Le pays a enregistré 32 961 nouveaux cas et 623 décès au cours des dernières 24 heures, portant le total depuis février à 1 028 424 cas et 42 953 morts.

L’Italie a été un des pays européens les plus durement touchés, en particulier les régions du Nord qui ont recensé plus des deux tiers des cas, tandis que les régions du Sud ont été relativement épargnées jusqu’ici.

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Hôpitaux menacés de saturation

Après le répit estival, la propagation de Covid-19 est repartie à la hausse depuis septembre et régions et gouvernement ont dû prendre des mesures de restrictions limitant la mobilité et le travail.

Devant la croissance rapide du nombre de nouveaux cas et d’hospitalisations qui menacent les services de réanimation de saturation, des médecins et experts réclament un reconfinement généralisé.

Le Premier ministre Giuseppe Conte a fait savoir mercredi que le gouvernement ne s’y résignait pas encore. L’exécutif, a-t-il souligné dans un entretien au quotidien « La Stampa », veut « éviter la fermeture de tout le territoire national ».

« C’est vraiment de la folie »

Retour devant les urgences de l’hôpital Antonio Caldarelli de Naples, où Marianna, 65 ans, interrogée par Franceinfo attend depuis trois heures les résultats d’un test Covid. « Ça, c’est l’hôpital le plus important du sud de l’Italie. Mais regardez, c’est un vrai cauchemar. Regardez comme ils sont organisés, c’est effrayant. C’est vraiment de la folie », martèle Marianna.

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« Cette vidéo met en lumière les innombrables mensonges proférés et répétés au sujet de la santé en Campanie. Nous avons peur, nous appelons à l’aide », a lancé le prêtre Don Maurizio Patriciello, connu pour son engagement en faveur de l’amélioration du maillage médical dans sa région.

Une autre vidéo. Et la scène est impressionnante, raconte « le Parisien ». Elle illustre le manque de moyens des hôpitaux italien face à l’augmentation du nombre de cas de Covid-19. À l’hôpital Cotugno de Naples, des patients qui attendent une place à l’hôpital sont traités avant même leur entrée dans les lieux.

« Nous faisons l’impossible en aidant les malades à l’intérieur des voitures et des ambulances », précise Maurizio Di Mauro, directeur général de l’hôpital, au journal italien « Il Fatto Quotidiano ». « Le personnel fait des efforts surhumains, mais nous sommes à la limite. »

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« La Campanie est à genoux »

Hôpitaux débordés, patients traités dans leur voiture ou agonisant dans les ambulances : Naples et sa région, la Campanie, durement frappées par la nouvelle vague de Covid-19, pourraient passer vendredi en « zone rouge » et se retrouver sous cloche.

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« La Campanie est à genoux », s’est alarmé Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères originaire de la région, dans une interview vendredi au quotidien « La Stampa ».

La Campanie compte pour environ 10 % des 30 000 à 40 000 nouveaux cas recensés actuellement chaque jour dans la Péninsule, ce qui correspond peu ou prou à son poids dans la démographie nationale.

Mais son système de santé est notoirement, chroniquement, défaillant, et la situation est aujourd’hui dramatique à Naples, sa bouillante capitale dominant la Méditerranée, avec des files de voitures devant les urgences et des infirmières distribuant de l’oxygène sur un parking…

« Nous n’avons presque plus de lits disponibles », constate Rodolfo Punzi, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Cotugno, rencontré en ses murs par l’AFPTV.

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« Malheureusement, la maladie nécessite des hospitalisations longues et c’est pourquoi il y a un faible taux de rotation. Les urgences souffrent de cette faible rotation et se remplissent de personnes qui doivent être hospitalisées mais aussi de personnes qui pourraient être soignées à leur domicile », ajoute Rodolfo Punzi.

Selon une étude publiée par le ministère de la Santé en début d’année, juste avant l’émergence de l’épidémie, la Campanie est l’avant-dernière région italienne en termes de qualité des soins offerts, devant la Calabre.

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