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La polarisation extrême, poison mortel pour la démocratie
L’extrême polarisation, son prisme déformant, est à l’origine de cette spirale infernale.

La polarisation extrême, poison mortel pour la démocratie

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"Le risque existe de voir Joe Biden assassiné, comme JFK, l’autre président catholique avant lui. Emmanuel Macron est en danger à cause de menaces jihadistes. Joe Biden l’est à cause de ses adversaires politiques ! Se rend-on bien compte de la gravité de ce climat en démocratie ? Comment a-t-on pu en arriver là en si peu d’années ?", se demande Caroline Fourest.

La polarisation extrême est un poison mortel pour la démocratie. Au bord du précipice, les États-Unis ont voté Biden pour ne pas y succomber. Mais ce choix électoral reste menacé par le chaos que la défiance peut semer.

On ne sait toujours pas si l’actuel occupant de la Maison-Blanche quittera les lieux de son plein gré. Avant l’élection, il a refusé de s’engager à accepter le résultat et demandé à ses « proud boys » de « se tenir prêts ». Pendant le scrutin, il a tenté d’empêcher le décompte de toutes les voix. Lorsque la défaite est devenue évidente, il a continué à tweeter qu’il « avait gagné, et de loin » pour inciter ses troupes, surarmées, à contester l’élection. L’un de ses sympathisants planifiait d’attaquer un centre de dépouillement. Un projet déjoué juste à temps.

Le risque existe de voir Joe Biden assassiné, comme JFK, l’autre président catholique avant lui. Emmanuel Macron est en danger à cause de menaces jihadistes. Joe Biden l’est à cause de ses adversaires politiques ! Se rend-on bien compte de la gravité de ce climat en démocratie ? Comment a-t-on pu en arriver là en si peu d’années ?

Extrême polarisation

L’extrême polarisation, son prisme déformant, est à l’origine de cette spirale infernale. Elle déverse un poison toxique qui transforme les adversaires en ennemis, les vérités en « fake news » et les élections en « fraudes ». Ce n’est pas qu’une maladie américaine, mais un virus sans frontières.

La polarisation monte ici aussi. Entre la droite CNews qui ne croit pas à la défaite de Trump et relaie de fausses informations sur les plateaux. Et la gauche Télérama autruche, qui classe volontiers comme « trumpistes » toute personne osant noter un résultat serré ou espérer que la gauche américaine regagne l’électorat populaire en s’adressant à la fois aux minorités et aux déclassés.

Deux cécités militantes, deux propagandes à l’ancienne. La nouveauté réside dans l’ampleur des cercles qu’elles peuvent toucher grâce aux réseaux sociaux.

Far West 2.0

Derrière nos écrans de fumée l’excellent documentaire de Jeff Orlowski sur Netflix, nous aide à comprendre ce qui nous arrive. D’anciens cadres de la Silicon Valley s’avouent affolés par le monstre technologique qu’ils ont créé. Un Frankenstein où la crédibilité s’évalue en like, où le débat contradictoire meurt sous les injures et les menaces, où l’on chasse en meute, où l’on pense en boucle, par des biais de confirmation. Quand des armées de trolls et de robots payés ne renversent pas la moindre conversation. Pourquoi pas une élection ?

La révolution technologique n’est pas en cause. L’urgence est de réguler cette nouvelle ère, de bâtir des contre-pouvoirs et une philosophie critique permettant de contrer ses effets toxiques. Avant que le Far West 2.0 ne dévore la démocratie pour de vrai.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne