Coronavirus : "Non, nous n'avons pas atteint le pic épidémique", répond l'épidémiologiste Catherine Hill à Olivier Véran

  • Selon l'épidémiologiste Catherine Hill, il faut tester massivement la population pour identifier efficacement les sujets contagieux.
    Selon l'épidémiologiste Catherine Hill, il faut tester massivement la population pour identifier efficacement les sujets contagieux. AFP - NATALIA KOLESNIKOVA
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Capucine Moulas

l'essentiel Le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré dimanche 15 novembre que le pic de la deuxième vague de coronavirus avait été atteint. Pour Catherine Hill, épidémiologiste et biostaticienne qui surveille les indicateurs de l'épidémie depuis ses débuts, il est encore trop tôt pour l'affirmer.

"Tout porte à croire que nous avons passé un pic épidémique." Pour le ministre de la Santé Olivier Véran, interrogé dans le Journal du Dimanche le 15 novembre, la deuxième vague de coronavirus devrait commencer sa décrue. L'épidémiologiste et biostaticienne Catherine Hill scrute et analyse chaque jour les indicateurs de la pandémie. Pour elle, les données en France ne sont pas suffisamment fiables pour affirmer que ce pic a été atteint. Interview.

La Dépêche du Midi : Peut-on considérer que le pic épidémique est dépassé, comme l'affirme le ministre ?

Catherine Hill : Non, je ne dirais pas ça. On voit un plateau sur les courbes mais pour être certain qu'on a atteint le pic de l'épidémie, il faudrait être certain que tous les indicateurs aient diminué nettement, disons d'au moins 20 %. Et les indicateurs les plus fiables ne sont pas à la baisse.

Sur quels indicateurs faut-il se baser pour surveiller l'évolution de la situation ?

Il n'est pas prudent de surveiller l'évolution de l'épidémie à travers le nombre de cas positifs, car il dépend de la population qui est testée. Cette population a changé en France. Aujourd’hui les personnes symptomatiques et leurs contacts ont priorité pour les tests, il y a donc une proportion plus grande de positifs parmi les personnes testées, mais ça n’est pas représentatif.

Il y a trois indicateurs à surveiller : combien de gens arrivent à l'hôpital tous les jours, combien de gens sont admis en réanimation tous les jours et combien de personnes meurent tous les jours. Et il faut faire une moyenne glissante de ces chiffres sur sept jours, puisque l'on ne compte les décès dans les Ehpad que les mardi et vendredi, qu'il y a toujours un creux le samedi et surtout le dimanche, et un pic le mardi ou le mercredi. Si on étudie l'évolution de ces indicateurs, on voit que la deuxième vague n'est pas aussi haute que la première pour les admissions à l'hôpital et en réanimation mais qu'elle est plus meurtrière. Les baisses récentes des admissions à l’hôpital et en réanimation nécessitent confirmation, on voit que fin septembre, ces admissions avaient commencé à se stabiliser avant de réaugmenter. Il faut donc être très prudent et surtout ne pas déconfiner maintenant.

En faisant une  moyenne glissante des nouvelles hospitalisations et admissions en réanimation, on observe un léger infléchissement des courbes.
En faisant une moyenne glissante des nouvelles hospitalisations et admissions en réanimation, on observe un léger infléchissement des courbes. Catherine Hill

Peut-on dire justement que cette stabilisation des chiffres prouve le succès du confinement ?

L'image que j'utilise pour expliquer le confinement, c'est un aliment en train de pourrir dans un frigo. Si vous le mettez au congélateur, il ne bouge pas, mais quand vous le sortez du congélateur, il recommence à pourrir. Quand on déconfinera, les contaminations vont repartir, c'est évident. Les mêmes causes vont produire les mêmes effets, sachant que nous n'avons jamais contrôlé l'épidémie.

Comment faire, donc, pour enrayer efficacement la circulation du virus ?

C'est très simple, en face d'une maladie contagieuse, il faut trouver rapidement les personnes contagieuses pour les isoler. La moitié des contaminations sont le fait de porteurs asymptomatiques. Si on ne les cherche pas, l’épidémie continue. Les pays qui ont testé largement autour des cas au début de l’épidémie ont eu peu de morts. Il ne faut pas seulement chercher les porteurs asymptomatiques et les trouver, il faut aussi les isoler rapidement car la plupart des infections ne durent pas plus d’une dizaine de jours.

Il y a donc urgence à tester massivement la population pour isoler au maximum les personnes contagieuses. Et il faut changer complètement le système de dépistage. À l’heure actuelle, on attend que les personnes soient symptomatiques, ce qui arrive en moyenne le cinquième jour après la contamination, puis on met en moyenne trois jours à les tester et encore un jour pour leur donner le résultat. On annonce ainsi à une personne qu’elle est contagieuse alors qu’elle contamine autour d’elle depuis neuf jours. La plupart des gens étant contagieux entre 10 et 12 jours, on ne peut éviter qu’une fraction infime des contaminations. Si les laboratoires ne sont pas capables de donner un résultat sous 24h, il ne faut pas faire le test.

Un vaccin permettra-t-il de résoudre l'épidémie ?

Bien sûr, la vaccination c'est LA solution. Pour qu'il soit efficace, il faudra que les deux tiers de la population au moins soient vaccinés. Mais on n'a pas encore ce vaccin et on ne peut pas savoir quand on l'aura. Pour le moment, ce n'est pas la question. La question, c'est de savoir quand les autorités comprendront qu'il faut dépister massivement.

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Les commentaires (68)
Watson Il y a 3 années Le 25/11/2020 à 13:49

Donc le virus a toujours l avantage temporel et nos mesures une longueur de retard

petsiguer05 Il y a 3 années Le 18/11/2020 à 10:49

on ne peut comparer ce confinement à un congélateur vu le monde dans les rues et lieux de travail. A t elle peur de parler d'immunité? Lorsque le virus à terminer de contaminé la population, il s'éteint de lui-même. peut être que nous en sommes à ce stade là? pour y réponde il faudrait connaître le nombre d'asymptomatique : c'est la clé à toutes les interrogations sur la suite de l'épidémie. Par l'observation des chiffre du grand est, de bordeaux, de la mayenne, je pense que les asymptomatiques sont suffisamment nombreux pour constituer une immunité collective et qu'il n'y aura pas de 3ème vague, un petit rebond tout au plus. je suis optimiste avec raison.

jvouldi Il y a 3 années Le 18/11/2020 à 13:33

Pour atteindre l’immunité collective, il faut que 70% da la population ait été contaminée. On en est loin et les nouvelles vagues que l’on observe un peu partout dans le monde le prouvent.

Descartes.A Il y a 3 années Le 18/11/2020 à 09:38

Encore une neuneu qui veut se faire de la pub