Certains pensaient qu’ils bluffaient ; d’autres les prenaient au sérieux. Ce sont ces derniers qui avaient raison. Budapest et Varsovie ont finalement mis leur menace à exécution. Lundi 16 novembre, la Hongrie et la Pologne ont bloqué le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, ainsi que le budget pluriannuel (2021-2027) de 1 074 milliards d’euros qu’il doit venir abonder. « C’est une crise grave qui s’ouvre », commente un diplomate, alors que, après la première vague du Covid-19, la pandémie a repris sa progression, et que, partout en Europe, les économies se reconfinent et sombrent de nouveau.
Non que les deux démocraties qui revendiquent leur illibéralisme soient hostiles à ce que Bruxelles les aide à faire face aux ravages de la crise. Mais elles refusent que le versement des fonds communautaires soit désormais conditionné au respect de l’Etat de droit, comme cela est théoriquement prévu à compter de l’an prochain.
Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, et dans une moindre mesure Mateusz Morawiecki, son homologue polonais, avaient prévenu dès le printemps, quand les négociations entre les Vingt-Sept ont commencé, qu’ils ne soutiendraient pas un tel mécanisme de conditionnalité.
A l’inverse, plusieurs Etats membres de l’Union européenne (UE), au premier rang desquels les « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark), qui n’étaient pas favorables à la philosophie d’un plan de relance assis sur un endettement commun et le versement de subventions aux pays les plus affectés par le virus, en avaient fait une condition sine qua non. Tout comme le Parlement européen, qui est appelé à se prononcer sur le budget communautaire.
Une formulation entretenant le flou
Dans ce contexte, après quatre nuits et quatre jours de négociations, les Vingt-Sept étaient parvenus à un accord, le 21 juillet, sur le budget et le plan de relance qui prévoyait un lien entre aides communautaires et Etat de droit, dans une formulation suffisamment alambiquée pour entretenir le flou. Le 5 novembre, le Conseil (qui représente les Etats membres) et les eurodéputés, après deux mois de discussions, avaient fini par préciser les contours de ce dispositif. « Nous n’avons pas créé l’UE pour avoir une deuxième Union soviétique », a réagi Viktor Orban, vendredi 13 novembre. « Combien vaut la souveraineté ? Un milliard, plusieurs douzaines de milliards, plusieurs centaines de milliards d’euros ? Pour nous, cela n’a pas de prix », a pour sa part lancé le vice-ministre polonais de la justice, Michal Wojcik.
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