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Loujain Al-Hathloul, la féministe qui embarrasse le pouvoir saoudien

Loujain Al-Hathloul
La militante saoudienne Loujain Al-Hathloul prend la pose pour une photo postée sur son compte Facebook.
AFP PHOTO / COMPTE FACEBOOK DE L'ACTIVISTE SAOUDITE LOUJAIN AL-HATHLOUL

Du droit des femmes à conduire à l'abolition de la tutelle masculine, Loujain Al-Hathloul est devenue une des piliers du féminisme en Arabie Saoudite. Des voix s'élèvent pour demander la libération de la jeune femme de 31 ans, condamnée ce lundi 28 décembre à presque six ans de prison.

"C'est moi et ma sœur en décembre 2017. Au moment où l'Arabie Saoudite accueillera le sommet du G20, elle passera son 920e jour en prison. Est-ce que quelqu'un demandera de ses nouvelles ? Cela fait 16 jours qu'elle fait une grève de la faim. Nous n'avons plus de nouvelles depuis", écrivait Lina Al-Hathloul sur Twitter le 11 novembre dernier. Détenue depuis mai 2018 dans une prison située à 25 km de Ryad, sa sœur Loujain avait entamé une nouvelle grève de la faim depuis le 28 octobre afin de pouvoir avoir un contact régulier avec sa famille. En août, l'activiste avait déjà cessé de s'alimenter pendant près d'une semaine après avoir été privée de contacts avec sa famille pendant plusieurs mois, peut-on lire sur le site de Human Rights Watch. Transférée au mois de novembre par un juge de la Cour pénale de Ryad, à une cour spécialisée dans les affaires de terrorisme, elle vient d'être condamnée à cinq ans et huit mois de prison.

Selon la famille de Loujain Al-Hathloul, cette dernière pourrait néanmoins être libérée dans quelques mois. La peine dont elle écope prend en compte le temps que la militante, incarcérée depuis mai 2018, a déjà passé derrière les barreaux. De plus, la sentence est assortie d'un sursis de deux ans et dix mois. Loujain Al-Hathloul pourrait donc sortir au mois de mars.

Une première arrestation en 2013

À 31 ans, Loujain al-Hathloul a déjà un long parcours de militante féministe. Fille d'un officier dans la Marine, elle née à Djeddah le 31 juillet 1989 avant de passer une partie de sa vie à Toulon, en France. Étudiante en littérature française à l'Université de Colombie-Britannique à Vancouver, la jeune fille de 23 ans se démarque en postant des vidéos facétieuses, dans lesquelles elle dénonce les restrictions imposées aux femmes en Arabie Saoudite. Ce qui lui vaut de faire l'objet de critiques, d'insultes, d'intimidations ou encore de menaces. Et c'est une vidéo filmée par son père, la montrant au volant d'une voiture, qui lui coûte sa première arrestation en 2013. Et pour cause : à l'époque, les femmes n'ont pas encore le droit de conduire. "Son activisme a commencé avec l'interdiction de conduire [pour les femmes] puis ça a progressé car elle savait que ce n'était que la partie émergée de l'iceberg", observait un proche de Loujain al-Hathloul dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour en mars. "C'est quelqu'un qui se préoccupe plus des autres que d'elle-même. Elle vivait bien et librement, elle ne menait pas ces actions pour son propre intérêt."

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Libérée après 73 jours de détention, Loujain al-Hathloul est plus déterminée que jamais à faire évoluer les droits des femmes dans son pays. En 2015, alors que les femmes viennent d'être autorisées à voter et à se présenter en tant que candidates, l'activiste se présente aux élections municipales. Les autorités saoudiennes refusent sa candidature dans un premier temps avant de finir par l'accepter. Néanmoins, son nom ne figurera pas sur les bulletins électoraux. L'année suivante, la jeune femme se joint à 14.000 autres personnes en signant une pétition adressée au roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Leur requête ? L'abolition du système de tutelle masculine. Une nouvelle fois, Loujain al-Hathloul est arrêtée puis relâchée.

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Voir le nom de Loujain dans la presse française, ça nous aide

En mai 2018, un mois avant l'annonce de la levée de l'interdiction de conduire faite aux Saoudiennes, la jeune femme est arrêtée avec d'autres militantes pour "tentative de déstabilisation du royaume". Le motif du délit : avoir rencontré le Comité de l'ONU en février 2018 pour partager ses observations sur la situation des droits des femmes en Arabie Saoudite. Alors qu'elle est en détention, la jeune femme s'est vu décerner le 2 octobre le prix Liberté. "Ce prix là, c'est très, très important. Quand on lui a annoncé, on a immédiatement senti que ça lui donnait des ailes pour son combat (...) Voir le nom de Loujain dans la presse française, ça nous aide (...), ça influence indirectement vos représentants", a déclaré Alia Al-Hathloul, sœur aînée de la militante venu recevoir le prix en son nom.

Victime de harcèlement sexuel et de torture

Selon sa famille, Loujain a été victime de harcèlement sexuel et de torture. La détenue aurait également raconté à ses proches que l'ancien conseiller royal, Saud al-Qahtani, aurait menacé de la violer et de la tuer, ce que nient vigoureusement les autorités saoudiennes. Malgré la pression exercée par la communauté internationale sur le royaume wahhabite, le prince héritier et vice-premier ministre Mohammed ben Salmane a bel et bien présidé le G20, les 21 et 22 novembre dernier. Le 19 octobre, soixante-cinq députés européens ont appelé l'Union européenne à revoir sa participation à ce sommet virtuel, accusant le royaume de violer les droits humains. Une position suivie par quarante-cinq députés américains qui ont exhorté le gouvernement américain à boycotter le sommet du G20.

Appels au boycott du G20

Fin septembre, la maire de Paris Anne Hidalgo, avait déjà indiqué qu'elle ne participerait pas au sommet des grandes villes du G20, afin de marquer son soutien à Loujain Al-Hathloul, devenue citoyenne d'honneur de la Ville de Paris en 2019. Le maire de New York, Bill de Blasio a lui aussi choisi de boycotter ces rencontres. De leur côté, l'ONU et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ont appelé le pouvoir saoudien à libérer la militante. Mais Mohammed ben Salmane, l'homme fort du pays, "emprisonne ceux dont il craint la force et la popularité", rappelle Alia Al-Hathloul qui avec Lina mène le combat pour faire libérer leur sœur, et dont on peut lire le portrait dans Libération. Admirative de Loujain, elle ajoute à son sujet : "elle refuse de subir le système et croit pouvoir le changer. Elle ne comprend pas qu'on puisse avoir peur." Sur les réseaux sociaux, Alia et Lina organisent la campagne de libération de leur sœur autour du slogan "Ne tuez pas Loujain !". Un combat qui, elles sont convaincues, protège Loujain et "des milliers d'autres prisonniers politiques qui croupissent dans les geôles saoudiennes incognito", explique Alia à Libération.

Publié le 17 novembre, cet article a fait l'objet d'une mise à jour.

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24 commentaires
  • Cagassou

    le

    Nos politiques, ils préfèrent s'occuper des droits de l'homme en Perse...

  • Cagassou

    le

    Macron fait du realpolitic il ne va pas boycotter.
    Et plutôt se recueillir à Mecque au G20 avant sa conversion.

  • Cagassou

    le

    MBS ou Ma B... de Saoudien