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"On peut être refusé à l'embauche en raison de son accent": faut-il punir la glottophobie, le "racisme des accents"?

Député de l'Hérault, Christophe Euzet veut pénaliser la glottophobie, déplorant que les accents français soient moqués et parfois discriminés à l'embauche.

Lucille se souvient du début chaotique de ses études il y a 3 ans lorsqu’elle arrive à Toulouse en BTS tourisme avec sa bonne humeur et son accent des Ardennes.

Dès les premiers jours ses camarades se moquent d’elle: "Il répétaient la phrase que je venais de dire en répétant l’accent fois 10. On me faisait vite comprendre que j’étais étrangère. J’ai même fait des phobies scolaires".

Résultat: elle termine ses études à distance et décide de gommer son accent.

"Au bout d’un moment je me suis mis à réfléchir à ce que j’allais dire, comme si je parlais une autre langue en me concentrant sur ce que j’allais dire sauf que là c’est ma langue natale. J’aimerais qu’on perçoive mes capacités avant de juste entendre et remarquer mon accent".

Pour lutter contre ces discriminations, une proposition de loi visant "à promouvoir la France des accents", doit être examinée ce mercredi à l’Assemblée nationale, en commission des lois. L’auteur de cette proposition de loi, le député LREM de l’Hérault Christophe Euzet entend lutter contre la "glottophobie" et la faire condamner alors que 30 millions de Français disent avoir un accent, 17 millions affirment être moqués et 11 millions être discriminés selon l’élu.

Journalistes, avocats, présentateurs TV : les accents ont disparu selon l'élu. Il y a un Français standard. On est, soit obligé de cacher son accent, soit de se voir fermer des portes. "Le phrasé 'neutre' est celui des élites parisiennes", déplore le linguiste Philippe Blanchet. "En France, le choix - arbitraire - de la "bonne prononciation" n'est pas seulement géographique même si, bien sûr, l'intonation "légitime" est issue de l'Île-de-France. Ce n'est pas la façon de parler des jeunes de banlieue qui a été choisie comme normes, mais bien celle de la bourgeoisie intellectuelle de la capitale.

"Il faut poser un interdit pour que les mentalités changent"

"On a une pratique du Français qui est monolithique. Toutes les aspérités de notre pays, ses différences géographiques et territoriales ne sont pas représentées. Il y a un besoin de promouvoir les accents", renchérit Christophe Euzet. Grâce à sa proposition de loi, il entend faire prendre conscience que la glottophobie est bien une discrimination comme une autre.

"Dans les études concernant une discrimination à l’accent, on remarque que cette discrimination n’est pas pratiquée avec le sentiment de commettre quelque chose de négatif. Il faut commencer par poser un jalon, poser un interdit pour que les mentalités changent sur ce point", explique Christophe Euzet.

Car la discrimination peut se faire à l’embauche et fermer des portes:

"On a une multitude d’exemples qui montre qu’on peut être refusé à l’embauche en raison de son accent. On a l’archétype de la vendeuse qui est refusée à un poste dans une boutique place Vendôme en raison de son accent du Sud-Ouest", assure l'élu.

Et cette discrimination qui peut même se ressentir dans les sphères les plus hautes de l'Etat: "On voit bien que la nomination du Premier ministre Jean Castex a mené lieu à des railleries injustifiées et illégitimes", illustre Christophe Euzet.

Martin Cadoret et Guillaume Dussourt