Télétravail, confinement, stress : la santé mentale des salariés se dégrade

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Télétravail, confinement, stress : la santé mentale des salariés se dégrade

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Pour limiter les risques dans les TPE et PME, le ministère du Travail vient de lancer un N° vert de soutien, vanté comme anonyme, gratuit et qui fonctionne 24h/24, 7j/7 : le 0800 13 00 00.
Pour limiter les risques dans les TPE et PME, le ministère du Travail vient de lancer un N° vert de soutien, vanté comme anonyme, gratuit et qui fonctionne 24h/24, 7j/7 : le 0800 13 00 00.
© Getty - saulgranda

Près d'un salarié sur deux est désormais en détresse psychologique. C'est le résultat à la hausse d'une étude réalisée juste avant le deuxième confinement. Alors qu'une autre étude révèle une forte augmentation des arrêts maladie de longue durée et de ceux liés à des troubles psychosociaux.

La peur du Covid-19, d'un avenir incertain et des conditions de vie professionnelles bouleversées ont des conséquences sur la santé mentale des salariés. Deux études très récentes l'affirment, réalisées avant et après le deuxième confinement. Cet été déjà, l'Institut ADP Research, spécialisé dans les tendances de l’emploi et des ressources humaines soulignait que "les inquiétudes des salariés concernant la sécurité de leur emploi s'accroissent, et certains d’entre eux souffrent d'une surcharge de travail et d'un manque de moyens".

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Le télétravail porteur de nouveaux risques psychosociaux

Près d’un salarié sur deux est en détresse psychologique, soit une hausse de 7 points par rapport au mois de mai dernier, estime Empreinte Humaine. Cet épuisement est mesuré sur la base d’enquêtes scientifiques, affirme ce "cabinet indépendant spécialisé dans la promotion de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et la prévention des Risques Psychosociaux (RPS)". Il s'agit de la 4ème vague d'un "Baromètre de la santé psychologique des salariés français en période de crise" réalisé par OpinionWay et initié pendant le premier confinement.

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Un tiers des salariés est même en état d’épuisement émotionnel sévère et 5 % en burn out, une maladie qui touche d’ailleurs deux fois plus les managers. 

Les personnes en télétravail sont nombreuses par ailleurs à souligner des incivilités numériques. Des comportements observés d’abord chez les clients, suivis des collègues et dans une moindre mesure des managers. Cela peut être de la petite incivilité : pendant les réunions, 7 personnes en télétravail sur 10 ont bien à l’esprit que plusieurs personnes n’écoutent pas ou font autre chose. Mais il y a aussi des ressentis plus forts : 6 sur 10 estiment que les outils numériques sont utilisés pour surveiller s’ils se connectent au bon horaire. Par ailleurs, plus de 5 salariés en télétravail sur 10 trouvent qu’il y a davantage de mails envoyés avec copie à la hiérarchie pour mettre la pression. Quand un tiers de ceux interrogés remarquent recevoir plus de courriels rédigés en lettres majuscules, en gras ou avec des points d’exclamation.

Des incivilités numériques vécues comme des agressions ou comme des attitudes qui nuisent à l'implication dans le travail. Précisions d'Anne-Laure Jumet

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Anxiété, stress, perte de sens expliquent ces statistiques. La crise a été pour certains été un déclencheur : mon travail est inutile, disent 35 % des sondés. Le rapport au travail et l’engagement des salariés apparaît en nette baisse. Et le télétravail est porteur de nouveaux risques psychosociaux : isolement, surcharge, sentiment d’être surveillé en permanence. Là où la moitié des salariés interrogés disent rester dans leur entreprise faute de trouver mieux, le taux s’élève à 60% pour ceux en télétravail complet.

"C'est éminemment contradictoire", détaille la psychologue du travail Sylvaine Perragin :

"Ce n'est pas juste le télétravail, c'est aussi le télétravail lié à un contexte extrêmement anxiogène." Analyse de la psychologue du travail Sylvaine Perragin, interrogée par Catherine Petillon

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Les gens sont contents d'être en télétravail dans la mesure où ils se sentent protégés, ils sont chez eux, ils n'ont plus les transports. En tout cas, pour l'Île-de-France, c'est plutôt positif. Et il y a tout un tas de facteurs liés à l'évolution de la société qui font que les gens sont très très angoissés. Tout leur système de références est en train de bouger et ils ont l'impression d'une remise en question assez existentielle. Tout cela renvoie à des facteurs d'instabilité psychologique très profonds.

Et les entreprises n’ont pas suffisamment pris la mesure de ce mal être, estime Christophe Nguyen, président de ce cabinet et psychologue du travail :

"On fait comme si cette crise était passée, et la charge de travail, les exigences, augmentent de façon significative, sans prendre en compte le passif, l'historique, et l'état psychologique des personnes."

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Lueur d'espoir, toutefois, selon le baromètre Empreinte humaine-OpinionWay, le soutien perçu par les salariés dans l’entreprise augmente. Les salariés analysés estiment ainsi être soutenus en premier lieu par leur collègue, à 83% (+4), puis leur N+1, à 77% (-5), avant leur direction, à 70% (+5), et leur DRH, à 67% (+11), et la médecine du travail à 58% (+14).

Le Temps du débat
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Un numéro vert pour les télétravailleurs

Cette ligne téléphonique baptisé par le ministère du Travail « écoute, soutien et conseil aux télétravailleurs » vient d'être lancée pour "accompagner les salariés des TPE et PME qui se sentent particulièrement isolés ou vivent difficilement l’exercice de leur activité en télétravail". Le numéro, 0 800 13 00 00, est un service anonyme, gratuit et ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.​ Avec jusqu’à 70 psychologues qui seraient mobilisés.

Il ne suffit pas de mettre en place un numéro vert pour régler tous les problèmes, explique Christophe Nguyen. L’entreprise doit former ses managers.

Il y aura à l’avenir, prédit il, une demande des salariés de réorganiser leurs vies, dans le sens d’un équilibre plus marqué entre vie professionnelle et vie privée. Ils attendront aussi de leur entreprise davantage de bienveillance. 

Les arrêts maladie de longue durée (plus de trente jours) ont augmenté de 30 % en 2020, selon le groupe de protection sociale Malakoff Humanis. Avec une durée moyenne de 94 jours.
Les arrêts maladie de longue durée (plus de trente jours) ont augmenté de 30 % en 2020, selon le groupe de protection sociale Malakoff Humanis. Avec une durée moyenne de 94 jours.
© Getty - elenaleonova
La Question du jour
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Des arrêts maladie de longue durée qui s'envolent

Les arrêts longs, de plus de trente jours, représentent 12 % des arrêts maladie en 2020, contre 9 % en 2019. Cette augmentation de trois points représente une augmentation de 33 %, souligne Malakoff Humanis. C'est le baromètre Absentéisme annuel du groupe de protection sociale qui sert en effet ici d'indicateur, basé sur un panel de 2008 salariés et 405 dirigeants du secteur privé. 

Et Anne-Sophie Godon, directrice de l'innovation au sein du groupe a précisé au Parisien que "Seuls 6 % des arrêts courts (moins d'une semaine), ont pour motif déclaré le Covid. C'est peu et c'est loin d'être la première cause d'absentéisme sur les douze derniers mois".

L’étude montre également que la durée moyenne des arrêts longs est de 94 jours. Quand près de la moitié des arrêts de plus d’un mois concernent des salariés de 50 ans et plus (contre un quart pour les 18-34 ans et un tiers pour les 35-49 ans).

Toutes durées confondues, les trois premiers motifs des arrêts maladie prescrits sont : la maladie ordinaire (29 %), les troubles musculosquelettiques (17 %) et les troubles psychologiques (15 %). Et la montée des risques psychosociaux est devenue le deuxième motif d’arrêts maladie en mai, après la Covid, apprend on par ce biais.

Le Journal de l'éco
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