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Cultes ! 10 enluminures médiévales complètement allumées

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Publié le , mis à jour le
Avez-vous déjà vu un sanglier chevaucher un dromadaire ? Un escargot se faire attaquer par des chevaliers ? Une bataille de cochons et d’éléphants ? Créatures fantastiques, figures mythiques, détails allégoriques… Les manuscrits médiévaux regorgent d’enluminures colorées, parfois complètement déjantées ! Beaux Arts a sélectionné 10 bonnes feuilles.
Loyset Liédet, Exécution de Hugues le Despenser, miniature extraite des “Chroniques de Jehan Froissart” (manuscrits Gruuthuse)
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Loyset Liédet, Exécution de Hugues le Despenser, miniature extraite des “Chroniques de Jehan Froissart” (manuscrits Gruuthuse), vers 1400

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La plus gore

Rédigées au XIVe siècle, les Chroniques de Jehan Froissart forment un récit de la première moitié de la guerre de Cent Ans qui a opposé, de 1337 à 1453, les royaumes d’Angleterre et de France. Parmi les nombreuses copies de ce manuscrit (on en compte une centaine !), celui réalisé pour le compte du bibliophile flamand Louis de Gruuthuse contient de savoureuses miniatures. Batailles, révoltes, exécutions… celui-ci ne nous épargne pas les détails les plus infâmes de la guerre, comme ici la mise à mort de Hugues le Despenser, selon la sordide coutume intitulée « hang, drawn and quartered » (en français : pendu, traîné sur une claie jusqu’à la potence et mis en quart). Ce terrible supplice, réservé aux crimes de haute trahison, fut pratiqué au Royaume-Uni jusqu’au XIXe siècle !

Manuscrit enluminé • Coll. BnF

Maître de Luçon, Miniature extraite des “Cas des nobles hommes et femmes” de Jean Boccace
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Maître de Luçon, Miniature extraite des “Cas des nobles hommes et femmes” de Jean Boccace, vers 1410

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La plus maladroite

Une image vaut mille mots : voilà une maxime taillée sur mesure pour les miniatures qui au Moyen Âge ornent les manuscrits les plus précieux. Preuve en est avec celle-ci, extraite de De casibus virorum illustrium, qui figure la fin pathétique du tyran de l’Empire perse Cambyse II : celui-ci mourut après avoir malencontreusement fait tomber son épée et transpercé sa cuisse… Ce recueil de l’écrivain florentin Boccace, traduit sous le titre Les Cas de nobles hommes et femmes par le bien nommé Laurent de Premierfait, rassemble 50 biographies de personnages réels ou imaginaires. Le manuscrit dont est extraite cette miniature, attribuée au Maître de Luçon, a appartenu au fameux bibliophile duc de Berry (qui fut aussi le commanditaire des Très Riches Heures, illustrées par les Frères de Limbourg), et porte son ex-libris.

Manuscrit enluminé • Coll. bibliothèque de Genève

Miniature extraite de Fortuna Giovanni Boccaccio, Des cas des nobles hommes et femmes
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Miniature extraite de Fortuna Giovanni Boccaccio, Des cas des nobles hommes et femmes, vers 1410

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La plus psychédélique

Autre extrait des Cas de nobles hommes et femmes, cette miniature montre un homme à l’air tourmenté assis sur une chaise dont la tablette est relevée. Piégé, il ne peut s’enfuir et fait face à une dame aux yeux bandés, dont les bras se démultiplient jusqu’à former une auréole autour d’elle. Quelle est donc cette étrange vision ? Thème récurrent au Moyen Âge, la Roue de la Fortune symbolise les aléas du destin, tantôt heureux, tantôt malheureux. Ici, la déesse relève sa robe, laissant apparaître un tissu rouge comme le sang très certainement annonciateur d’un tragique dénouement.

Bibliothèque de Genève • © Bibliothèque de Genève

Artiste inconnu, Miniature extraite des “Homélies de Saint Grégoire”
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Artiste inconnu, Miniature extraite des “Homélies de Saint Grégoire”, vers 1470

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La plus macabre

Voilà une scène bien étrange… Réfugié dans les branches frêles d’un arbre, un malheureux tente coûte que coûte d’échapper aux coups de hache d’un terrifiant squelette, et par là même à son triste sort : la mort ! Le message de cette enluminure, extraite des Dialogues de Saint Grégoire (must have de tout bon catholique du XVe siècle), est clair. Memento mori ! Rien ne sert de fuir, nul n’échappe à son destin…

Manuscrit enluminé • Coll. The British Library

Attribué au Maître de l'Alexandre de Wauquelin, Miniature extraite de “Le Livre et le vraye hystoire du bon roy Alixandre”
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Attribué au Maître de l'Alexandre de Wauquelin, Miniature extraite de “Le Livre et le vraye hystoire du bon roy Alixandre”, vers 1420

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La plus héroïque

Nous sommes en 331 av. J.-C. La plaine de Gaugamèles est le théâtre de l’une des batailles les plus emblématiques de l’Antiquité. Sous le soleil de l’actuel Irak, les armées d’Alexandre le Grand et de Darius III s’affrontent sans pitié. Pour le mener à la victoire, Darius peut compter sur des alliés de taille : des éléphants ! Mais c’est sans compter la tactique redoutable d’Alexandre, qui envoie en représailles une horde de cochons préalablement badigeonnés d’huile d’olive, puis mis à feu. C’est cet épisode, comme tout droit sorti d’un péplum hollywoodien, que relate cette miniature, extraite du Livre et la vraye hystoire du bon roy Alixandre. Elle témoigne aussi de l’imagination débridée des enlumineurs du Moyen Âge lorsqu’il s’agissait de représenter des animaux de contrées lointaines !

Manuscrit enluminé • Coll. The British Library

Guido da Vigevano, Anathomia Designata per Figuras
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Guido da Vigevano, Anathomia Designata per Figuras, 1345

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La plus scientifique

C’est un petit bijou conservé très précieusement au château de Chantilly… Amateur d’art éclairé, le duc d’Aumale était également un bibliophile averti, comme en témoigne sa somptueuse bibliothèque tapissée du sol au plafond d’ouvrages rares, à l’image de ce traité d’anatomie illustré, le premier du genre ! Réalisé par Guido da Vigevano, le médecin de la reine de France Jeanne de Bourgogne, qui pratiquait la dissection, il présente différentes coupes du corps humain, viscères à l’air. Corps disproportionné mi-homme mi-squelette, absence totale de perspective, organes schématisés… Si cela fait aujourd’hui sourire, c’était à l’époque médiévale le nec plus ultra de la médecine !

Manuscrit • Coll. musée de Condé

Maître de Talbot, Nectanebus et Olympias, extrait du “Livre de Talbot-Shrewsbury”, “Le livre de la conqueste du roy Alixandre”
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Maître de Talbot, Nectanebus et Olympias, extrait du “Livre de Talbot-Shrewsbury”, “Le livre de la conqueste du roy Alixandre”, vers 1445

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La plus impudique

Frappez avant d’entrer… ou pas ! La scène est plutôt cocasse : un couple s’adonne aux plaisirs de la chair dans un lit douillet à baldaquin (aux tentures richement décorées d’éléments végétaux dorés) et ne semble pas remarquer la présence d’un invité surprise… un dragon ! Il ne s’agit pas de la représentation d’un fantasme à tendance zoophile, mais d’un épisode tiré là encore du Roman d’Alexandre en prose, en l’occurrence l’adultère de la belle reine Olympias avec Nectanebus, magicien et roi d’Égypte qui a, pour l’occasion, emprunté les traits d’un dragon. Une union de laquelle serait né, dit la légende, le célèbre conquérant.

Manuscrit enluminé • Coll. British Library

Maître de Catherine de Clèves, Miniature extraite du Livre d’Heures de Catherine de Clèves
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Maître de Catherine de Clèves, Miniature extraite du Livre d’Heures de Catherine de Clèves, vers 1440

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La plus monstrueuse

Au Moyen Âge, le livre d’heures est un indispensable pour tout noble catholique. Généralement composé d’un calendrier mais aussi de psaumes et de passages de l’Évangile, il permettait aux croyants de suivre la liturgie tout au long de l’année. Richement illuminés, certains sont devenus une source d’iconographie inépuisable de la période médiévale. Tel celui de Catherine de Clèves par exemple, dont voici un extrait comme tout droit sorti des ténèbres… Il s’agit de la porte des Enfers, représentée sous la forme d’un inquiétant château à l’architecture anthropomorphe en proie aux flammes. Un monstre, certainement inspiré d’un chat (animal autrefois associé à Satan) – au vu de ses moustaches et de ses quenottes acérées, ainsi que de multiples dragons font office de comité d’accueil. Les damnés arrivent quant à eux en brouette, lorsqu’ils n’ont pas déjà subi au préalable quelques supplices de bienvenue, à l’image du pauvre homme en haut à droite, qui se fait écarteler par deux diablotins !

Détail du livre d’Heures, Provence
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Détail du livre d’Heures, Provence, vers 1440-1450

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La plus parodique

Il n’est pas rare de trouver, en marge des livres d’heures, quelques curiosités aussi farfelues qu’amusantes. Celles-ci ont d’ailleurs un nom on ne peut plus parlant : les drôleries ! Si nombre d’entre elles représentent plutôt des scènes de chasse ou d’amour courtois, d’autres, à l’image de ce sanglier à califourchon sur un dromadaire, parodient des rites religieux… allant parfois jusqu’au blasphème !

Pierpont Morgan Library, New York • © Pierpont Morgan Library

Guy Marchant, Miniature extraite du “Kalendrier des bergers”
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Guy Marchant, Miniature extraite du “Kalendrier des bergers”, 1491

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La plus comique

Cet autre exemple de marginalia – l’autre nom désignant les annotations et autres enluminures en marge des manuscrits médiévaux – fait sourire à plus d’un titre. Voyez ces deux preux chevaliers, l’un armé d’une lance et l’autre d’une gigantesque épée, ainsi que cette gente dame s’attaquer tous trois à un pauvre escargot ! Ce dernier, d’une taille absolument disproportionnée, ne semble pas prêt à rentrer dans sa coquille. Au contraire, il défie ses adversaires du bout de ses antennes. Irrésistible, cette scène est extraite du Compost et Kalendrier des bergers, un recueil encyclopédique de connaissances d’ordre religieux mais aussi pratique.

Manuscrit enluminé • Coll. BnF

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