Châteaurenard : commerçants et artisans à poil pour protester

Mélissa photographie ici coiffeur, prothésiste et esthéticienne dans le plus simple appareil.

Mélissa photographie ici coiffeur, prothésiste et esthéticienne dans le plus simple appareil.

Photo N.C.-B.

Châteaurenard

"Le but est la solidarité entre commerçants et artisans, sans exclusion! Les temps sont durs"

"Le but est la solidarité entre commerçants et artisans, sans exclusion! Les temps sont durs. On n'est pas là pour râler mais juste pour alerter l'opinion sur le fait qu'un commerçant ou artisan qui ne travaille pas, est à poil. Même si le gouvernement fait beaucoup pour nous aider ! Entre nous le soutien est primordial". Alors, pour alerter, Mélissa Fabri Dufourcq, jeune photographe de Châteaurenard, a choisi ses armes, son appareil photo et son talent. Et elle a mis au défi tous ces professionnels de la cité des tours.

Elle leur a proposé de participer à des séances où elle réaliserait des clichés décalés, comiques, esthétiques ou sexy, et à leur guise, qui les mettraient en valeur et en situation dans leur boutique. Seul impératif, poser dévêtu, avec un panneau pour camoufler ce que la décence interdit de dévoiler au grand public. Et sur ce panneau, un slogan explicite "Quitte à être mis à poil par le Gouvernement, je préfère le faire moi-même."

Attirer l'attention sur l'impact des décisions

Cette idée lui est venue lors d'une formation professionnelle en octobre dans le Sud-Ouest. "Lors de notre soirée de clôture, nous avons entendu l'annonce du confinement. À notre retour, les photographes Pro qui ont participé à ce stage avaient à réaliser un défi. L'un d'eux a eu cette idée, qui a fait fureur, d'attirer l'attention sur l'impact de ces décisions sanitaires pour lutter contre l'épidémie. À notre tour nous avons fait un autoportrait avec ce panneau" explique l'artiste, qui elle-même a subi de plein fouet les restrictions, entre annulations de mariages et autres événements.

"J'ai le droit de travailler avec des pros. Pas avec des particuliers. Sauf que les pros ne peuvent pas non plus travailler dans ce contexte. Julien, mon mari, a lancé le projet dimanche sur les réseaux sociaux. Le soir-même j'ai eu deux rendez-vous pour lundi." Et cela a plu puisque, dès la proposition lancée sur les réseaux sociaux, Mélissa a reçu de nombreuses réponses positives. Elle en est à vingt. Toutes ces photos sont, au fur et à mesure, diffusées sur les réseaux sociaux dans le cadre de cette campagne. Et tout cela, gracieusement. Seule contrainte, le respect des droits d'auteur en rappelant sur toute diffusion son nom.

Dès lors, les séances se sont enchaînées. La première à oser relever le défi, a été Caroline, au milieu de ses bijoux fantaisie sur-mesure. A suivi l'équipe du bar le Regina, véritable institution locale pour les 3e mi-temps du RCC ou la fiesta pendant les fêtes.

Puis Lucie du Cellier Du Castel, qui peut accueillir dans sa boutique de vins et spiritueux, mais qui s'est mise à poil, par solidarité avec ceux qui n'ont pas le droit de travailler. Tout comme Sébastien et Kenza d'Inter Caves, qui restent ouverts pour conseiller sur les bons vins, bières, whisky et Rhum.

À son tour, Jean-Louis Aubert, traiteur organisateur d'événements, qui s'est reconverti dans le métier de conseiller immobilier, est entré dans la ronde. L'a suivi Michelle Tanguy (Madame Toucan), dans son joli atelier de la rue Henri-Brisson, où elle confectionne et brode moult textiles. Et aussi Fanny (prothésiste capillaire), Charlène (esthéticienne), Manu (coiffeur créateur barbier) et Jakob, le chien, l'équipe de The Room. Et quelques autres. Avec, à chaque fois, des moments de franche rigolade.

Cet engouement immédiat et l'enthousiasme qui en découle a fait des émules. Au point que la municipalité a décidé d'être partenaire de l'opération "Châto à Poil" en finançant la réalisation d'un calendrier. Il sera distribué dans les commerces et offert aux Châteaurenardais à partir d'un montant acheté dans leurs boutiques. Et pour que le produit soit 100 % local, l'Imprimerie des tours réalisera l'impression à Edifac le façonnage.

Les réactions des modèles d'un jour

- Julien Garcia (carrosserie des Lonnes) : "Je me suis inscrit afin de soutenir les commerçants de Châto. L'idée est super-originale pour montrer nos difficultés face à la crise sanitaire. Cela peut permettre de mettre un visage sur le personnel de chaque entreprise et pourquoi pas de bénéficier de retombées publicitaires. L'expérience avec Mélissa a été très positive. Elle a su me mettre à l'aise pour le shooting photo grâce à son professionnalisme."

- Jean-Louis Aubert (JLA Immobilier). "Entreprendre c'est prendre des risques, une mise à nue, encore plus aujourd'hui... L'idée de Melissa est géniale. Nous sommes le poumon de l'économie française de nos villes. Nous sommes également le lien social de cette France qui souffre. Alors me dénuder devant Melissa s'est fait naturellement. Nous avons bien rigolé. Bien que celui soit fait bénévolement, le professionnalisme est bien là".

- Michelle Tanguy (Mme Toucan). "La situation fait que nous avons besoin de nous faire remarquer. Beaucoup de gens n'imaginent même pas les situations dans lesquelles nous nous trouvons, à être empêchés de travailler a fortiori à cette période de l'année. Quand on est seul à faire bouillir la marmite, c'est nous survie en tant qu'être qui est en jeu ! Un super moment de rire".

- Fanny Durannot (the Room) : "Une façon d'exprimer notre désespoir. Et aussi l'espoir d'être entendus par le Gouvernement... Les mesures ne prennent pas en compte toutes les situations. Un bon moyen pour faire entendre notre colère d'être mis à poil."