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Accusations contre Blanquer : "Les syndicats lycéens ne servent à rien, les lycéens le savent pertinemment"
© Ludovic MARIN / POOL / AFP

Accusations contre Blanquer : "Les syndicats lycéens ne servent à rien, les lycéens le savent pertinemment"

Humeur

Par Nicolas Perrin de Flers

Publié le

Nicolas Perrin de Flers, ancien Responsable National de l’UNI-Lycée, revient sur les révélations portant sur le syndicat Avenir lycéen qui aurait touché 65 000 euros d'argent public et sur la crise traversée par le syndicalisme lycéen.

Le 8 novembre dernier, les jeunes d’Avenir lycéen, syndicat lycéen macroniste, ont été accusés de détournement de fonds publics par Mediapart. Ces révélations n’ont en fait surpris personne dans le milieu lycéen. Nous savions, nous, engagés dans la démocratie lycéenne qu’Avenir lycéen n’était pas un vrai syndicat. Pas d’actions, pas de matériel militant (drapeaux, tee-shirts, tracts, affiches…), pas d’événement, mais des réseaux sociaux et de l’argent, beaucoup d’argent ! C’est d’ailleurs grâce à cela qu’Avenir lycéen s’est développé et a acquis ce monopole dans les instances lycéennes. Or, aujourd’hui, Avenir lycéen est mort et tout le monde veut en profiter, les syndicats de gauche comme les anciens membres de l’association.

Des syndicats décrédibilisés

Il faut d’emblée rappeler quelques vérités afin de comprendre la situation actuelle. Dans le premier article sorti le 8 novembre dernier, nous apprenions que l’UNL, syndicat de gauche, était en état de mort cérébrale après avoir vu ses subventions passer de 80 000€ en 2018 à 20 000€ pour 2020. Son représentant estime que cette baisse de financement a rendu le fonctionnement du syndicat "très précaire". De même, le MNL (Mouvement National Lycéen), autre syndicat de gauche, estime quant à lui, ne presque rien dépenser et faire du "bricolage" pour survivre.

Lorsque j’étais à la tête de l’UNI-Lycée, je n’ai pas reçu un centime de la part de l’UNI et les cotisations des lycéens arrivaient directement dans la poche des sections étudiantes. Nous faisions tout, seuls, sans nous plaindre auprès des journalistes ou de la direction du mouvement et pourtant nous avons réussi à créer une véritable structure pour défendre l’ensemble des lycéens, le mérite ainsi que la valeur de notre baccalauréat. Nous avions l’engagement chevillé au corps et la volonté de faire bouger les lignes dans un milieu très ancré à gauche. Il n’y a pas besoin d’argent dans le monde lycéen pour faire de grandes choses. En outre, la baisse des subventions de l’UNL et du MNL est parfaitement logique. Ces syndicats n’ont presque plus d’élus dans les différentes instances (notamment la plus importante de toutes, le Conseil Supérieur de l’Éducation, présidé par le ministre, où siègent uniquement Avenir lycéen et des élus indépendants). Les syndicats ne représentent plus rien nationalement à part eux-mêmes. Aujourd’hui, nous les voyons partout dans les médias, notamment sur tous les plateaux de télévision. Ils profitent du "Blanquer Gate", alors qu’ils ne sont plus rien !

"La vérité est la suivante: l’UNL ne pèse rien"

Que leur trouvent les médias ? Quelle légitimité supplémentaire ont-ils de plus pour s’exprimer par rapport à un élu lycéen indépendant ? L’UNL prétend avoir 7000 militants, mais personne ne peut les croire ! Ils doivent avoir tout au plus dans leurs rangs une cinquantaine de membres actifs. Quant à Avenir lycéen, qui, je le rappelle, était, il y a quelques semaines encore, le mouvement le plus important dans le monde démocratique lycéen, ne revendiquait que 300 adhérents. Or, nous savions tous qu’Avenir lycéen ne comptait qu’une trentaine de membres actifs et c’est d'ailleurs l’un de leurs dirigeants qui me l’a révélé en juin dernier au cours d’une rencontre à Paris. À cette époque, l’UNI-Lycée grimpait en puissance et commençait à empiéter sur l’aile droite d’Avenir lycéen. Ainsi, la première formation lycéenne a cherché dès le mois de mars une alliance avec nous pour les élections du Conseil Supérieur de l’Éducation en janvier 2021. Pourquoi une association comme Avenir lycéen, ayant le monopole de la parole lycéenne au sein du ministère, a-t-elle cherché à s’allier avec un tout jeune mouvement comme celui que j’ai pu conduire ? Tout simplement parce que le premier syndicat de France était en fait très fragile. La vérité est la suivante: l’UNL ne pèse rien, comme Avenir lycéen ne pèse rien et comme tous les autres syndicats lycéens, ils n’ont qu’une obsession, l’argent.

Avenir lycéen, les syndicats et les partis

Aujourd’hui, d’anciens membres d’Avenir lycéen veulent se venger et régler leurs comptes. La volonté de ces derniers est très simple à comprendre. Lorsque l’ancienne présidente d’Avenir lycéen a été élue à son poste, c’était à l’issue d’une querelle interne entre deux branches de l’association qui s’affrontaient. L’une a gagné, l’autre a été purgée du mouvement. Et c’est cette dernière que l’on retrouve dans les colonnes de Libération en train d’expliquer comment elle a été dupée par les dirigeants d’Avenir lycéen. Ces apprentis syndicalistes cherchent simplement un peu de lumière et le moyen de régler leurs comptes avec leurs anciens amis. Ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient chez Avenir lycéen. Car contrairement à ce qui est dit dans Libération, ce n’est pas le ministère qui a créé l’association, ce sont les Jeunes Avec Macron (JAM). Tous ses fondateurs étaient responsables ou membres des JAM. Aucune preuve d’ailleurs n’incrimine la responsabilité du ministre dans la création du mouvement. Ce n’est qu’après, aidé par des fonds publics provenant du ministère, qu’Avenir lycéen a pu se développer.

"La démocratie lycéenne n’a pas besoin des syndicats pour vivre"

Le seul objectif d’Avenir lycéen n’était pas de représenter les lycéens et de défendre leurs droits, mais de soutenir Jean-Michel Blanquer et le ministère au Conseil Supérieur de l'Éducation et sur les réseaux sociaux. Avenir lycéen ne se voyait pas comme un syndicat, mais comme un porte-voix. On a pu s’en rendre compte à différentes occasions. Par exemple, alors que l’UNI-Lycée et d’autres syndicats jouaient leur rôle en attaquant la préparation du Bac 2020 lors du premier confinement, en proposant et en défendant les droits et les lycéens, Avenir lycéen jouait au professeur en expliquant les projets du ministère. Quand l’UNI-Lycée organisait de grandes consultations sur Internet et publiait de très nombreux communiqués de presse, Avenir lycéen diffusait ses publications explicatives pro-gouvernementales sur les réseaux sociaux en les finançant avec des fonds publics. Voilà comment notre argent a servi à financer les organes de propagande du gouvernement. Avenir lycéen n’est pas un syndicat, c’est une association inutile comme tous les autres syndicats lycéens, l’UNI-Lycée compris.

La démocratie lycéenne n’a pas besoin des syndicats pour vivre. Ces derniers servent avant tout leurs intérêts et se moquent des lycéens et de ce qu’ils pourraient faire pour eux. Évidemment, je ne parle pas ici des centaines d’élus engagés qui remplissent leurs charges représentatives avec honnêteté et courage et qui pensent peut-être trop naïvement que s’engager dans un syndicat sert à quelque chose.

L’UNL n’est que la branche lycéenne de l’UNEF, Avenir lycéen n’existe que pour soutenir le ministère de l’Éducation nationale et l’UNI-Lycée n’existe que comme organe de recrutement afin de récupérer des futurs étudiants pour l’UNI. Je l’ai compris bien trop tard et c’est pour cela que j’ai quitté UNI-lycée en juin dernier. Les syndicats exploitent des jeunes qui s’engagent pour leurs idées.

"Tous les jeunes aujourd’hui mis en cause dans cette affaire sont une honte pour la démocratie lycéenne et ses acteurs"

Aujourd’hui, tout le monde profite du "Blanquer Gate" pour se faire connaître et reconnaître. C’est ainsi que des adolescents règlent leurs comptes en une de Libé. Mais ceux dont personne ne parle, ce sont tous ces élus lycéens, qui sont de plus en plus nombreux et qui portent un intérêt croissant pour la démocratie lycéenne. Ceux qui, comme moi, ont l’engagement dans leurs tripes ne doivent pas se taire et regarder de loin cette comédie pathétique. Ils doivent agir, continuer à s’engager car ils valent plus que tous ces apprentis syndicalistes, déjà empêtrés dans des affaires alors qu’ils ne sont pas encore majeurs.

Comment peut-on expliquer que des mouvements d’une cinquantaine de militants que personne ne connaît puissent avoir accès à des centaines de milliers d’euros de subventions publiques pour ne mener aucune action ? Comment est-ce possible que des gamins de 16 ans aient pu se payer des nuits d’hôtel avec l’argent public ? Tous les jeunes aujourd’hui mis en cause dans cette affaire sont une honte pour la démocratie lycéenne et ses acteurs.

Les syndicats lycéens ne servent à rien, les lycéens le savent pertinemment et aux prochaines élections, ils ne voteront pas pour eux. Le "Blanquer Gate" n’est pas la chute d’Avenir lycéen mais de l’ensemble des syndicats.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne