Migrantes, damnées de la mer puis de la terre

Une migrante en Espagne, le 11 septembre 2020 ©Getty - SOPA Images / Contributeur
Une migrante en Espagne, le 11 septembre 2020 ©Getty - SOPA Images / Contributeur
Une migrante en Espagne, le 11 septembre 2020 ©Getty - SOPA Images / Contributeur
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Dans le cadre de cette journée dédiée aux violences faites aux femmes, on se penche sur la situation particulière des femmes dans la migration. Avec la géographe Camille Schmoll, l'agriculteur et militant Cédric Herrou et la cinéaste Claire Denis.

Avec
  • Camille Schmoll Géographe, enseignante à l'Université de Paris et membre du laboratoire Géographie-cités et IC Migrations
  • Cédric Herrou Agriculteur, militant pour l'aide et la défense des migrants

Après l'évacuation d'un camp de migrants lundi 23 novembre place de la République à Paris, retour sur la situation des exilés et en particulier, dans le cadre de cette journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, sur la situation des femmes migrantes.

Dans le jargon, on parle de «migratologue». Spécialiste des questions de migration, Camille Schmoll est géographe, enseignante à l’Université de Paris. Membre de l’ Institut universitaire de France et de l’Institut convergences migrations et du laboratoire Géographie-cités. Elle a fondé, avec Hélène Thiollet et Virginie Guiraudon, le Groupe international d’experts sur les migrations (GIEM).

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Ces femmes sont comme tout migrant, elles ont des parcours complexes. Elles ne sont ni victimes, ni particulièrement héroïne ou émancipées par la migration. Ce sont simplement des migrantes, tout comme les migrants; c'est-à-dire, des personnes qui choisissent à un moment donné de continuer leur chemin, de prendre leur trajectoire en main dans les contextes difficiles dont ils proviennent.               
(Camille Schmoll)

Elle publie Les damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée (La Découverte, 05/11/2020), un ouvrage qui reprend de façon modifiée une thèse d’habilitation soutenue en 2017 à l’université de Poitiers. Le résultat d'une enquête de terrain qu'elle mène depuis 2010, en Italie et à Malte, auprès de femmes ayant traversé la Méditerranée. Et qui lui font le récit de leur parcours.  

Souvent invisibles aux yeux de la discipline et même des médias, qui parlent davantage des hommes migrants, elles semblent plus vulnérables à la traversée. En même temps, elles ressortent transformées de cette expérience et de sa suite – car il faut encore rester au centre de tri, obtenir les papiers, tenir bon.  

Surtout, les raisons qui les poussent à partir sont multiples. L'autrice nous invite ainsi, comme elle l'écrit elle-même, à repenser les oppositions simplistes « entre migrations volontaires et forcées, migrations précipitées et migrations préméditées ».

Notre deuxième invité a sa propre expérience des frontières. Agriculteur, éleveur de poulets et producteur d'olives français dans la vallée de la Roya, qui relie la France à l’Italie, Cédric Herrou s’est fait connaître en tant qu’activiste dans l'aide aux étrangers en situation irrégulière. En 2016, il est ainsi arrêté pour avoir aidé plus de 150 migrants au passage à la frontière franco-italienne.

Avec Change ton monde (Les Liens qui Libèrent, 2020), un livre qui retrace ces quatre années d’engagement, il raconte sa « guerre ». Car, comme l’écrit JMG Le Clézio, qui préface le livre, « C’est bien d’une guerre qu’il s’agit : guerre contre l’indifférence, contre les mensonges de la classe politique qui utilise la peur de l’étranger et la menace terroriste, guerre contre la brutalité d’une partie des forces de l’ordre, contre les arrestations abusives, les gardes à vue humiliantes».

Je me suis posé cette question - « Est-ce que j'agis ou pas ?» - au moment où j'ai commencé à avoir peur des migrants. (…) Je me suis retrouvé à avoir des doutes quand je voyais des personnes de couleur, et je trouvais ça bizarre, « Pourquoi je le mets à avoir peur des gens de couleur ? »; (…) j'ai été intoxiqué par ce qu'on entend à la télévision, à la radio, dans les messages politiques. (Cédric Herrou)

Invitée en première partie, la cinéaste Claire Denis est également des nôtres. Elle s'exprime notamment sur le droit de filmer les policiers dans le cadre de la loi "Sécurité globale", dont la controverse a résurgi lors du camp de migrants place de la République ce 23 novembre au soir.

Le droit à l'image, c'est le droit à la vérité, quelque chose qui doit être vu, entendu, reconnu.              
(Claire Denis)

La Grande table culture
28 min

Extraits sonores : 

  • OPENARMS FUNDATION, une mère perd son bébé en mer (13 novembre 2020 )
  • Evacuation du camp de migrants Place de la République (FRANCE 2, 24 novembre 2020)

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