L'Allemagne ne tolérera plus un comité exécutif des grosses entreprises cotées 100 % masculin. Le gouvernement a décidé d'imposer la présence d'une femme dans ses hautes instances à partir de trois membres. Une "percée historique" qui rappelle que la France, une des pionnières de la politique des quotas, voulait, elle aussi, prendre ce chemin. Mais le gouvernement semble avoir abandonné cette idée. 

C’est un signal fort que vient d’envoyer l’Allemagne aux entreprises cotées en Bourse. Le gouvernement de coalition a accepté, après moultes négociations, d’imposer un quota obligatoire dans les comités exécutifs des sociétés cotées en Bourse. Désormais, les directoires devront obligatoirement compter une femme à partir du moment où ils sont composés de trois membres. C’est un vrai tournant pour la première puissance économique d’Europe, particulièrement à la traîne sur le sujet. 
D’après un rapport de l’ONG Allbright, la part des femmes dirigeantes en Allemagne est seulement de 12,8 % contre 28, 6 % pour les États-Unis, 24,9 % pour la Suède ou encore 24,5 % pour la Grande Bretagne. Pire, selon l’ONG, dans le Dax 30, l’équivalent du CAC40 Outre-rhin, la féminisation dans les comités de directions est même en recul. En septembre 2020, onze des 30 sociétés du Dax ne comptaient aucune femme dans ses hauts postes. C’est deux fois plus qu’en 2019. 
Une "percée historique"
Ces quotas "ont une percée historique", a réagi Franziska Giffey, ministre des femmes, de la famille, des personnes âgées et de la jeunesse. "Nous mettons un terme aux comités exécutifs sans femmes dans les grandes entreprises. Nous montrons l’exemple d’une société moderne et tournée l’avenir. Nous exploitons tout le potentiel de notre pays (…)", a-t-elle déclaré.
L’Allemagne prend les devants sur la France, pourtant un des pays pionniers de la politique des quotas. Depuis 2017, les entreprises cotées de plus de 500 salariés, et depuis 2020, celles de plus de 250 employés, doivent en effet compter dans leur conseil d’administration un minimum de 40 % de femme ou d’homme. Une loi bien appliquée puisqu’en mars 2019 par exemple, les groupes du SBF 120 comptaient en moyenne 43,6 % de femmes. Une dynamique qui n’a pourtant été enclenchée dans les comités de direction.
L’Allemagne devance la France
Emmanuel Macron et l’ancienne ministre chargée des droits des femmes, Marlène Schiappa, s’étaient engagés, en 2019, a imposé un quota dans ces hautes sphères. En mars, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) avait d’ailleurs remis un rapport sur le sujet au ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Il préconisait d’imposer 20 % de dirigeantes dans les Comex de plus de huit personnes en 2022 et 40 % en 2024. Mais depuis, le gouvernement a changé de braquet. Il semble préférer l’élargissement de "l’index Pénicaud", cet outil qui mesure les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. La ministre du Travail Élisabeth Borne souhaiterait y ajouter le critère de "la part des femmes dans les cadres dirigeants".
Cette solution est considérée par beaucoup d’associations comme moins audacieuse qu’une obligation de quotas, contre laquelle les organisations patronales se battent. En Allemagne d’ailleurs, les représentants des entreprises ont dénoncé une ingérence de l’État dans leurs affaires internes. Alors que la crainte d’une stigmatisation des femmes dans les Comex après l’application des quotas monte, plusieurs personnalités féminines allemandes célèbres ont posé pour le magazine Stern avec ce mot d’ordre : "Ich bien eine Quotenfrau", "Je suis une femme (issue, NDR) des quotas". 


Marina Fabre, @fabre_marina 


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