"Tu vas mourir comme Samuel Paty": un jeune homme incarcéré après avoir menacé un prof à Nice

Ilheb, 19 ans, a été condamné à de la prison ferme hier soir pour avoir menacé de mort un enseignant du lycée Apollinaire. Depuis quinze jours, le jeune professeur vivait dans la peur

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Christophe Perrin Publié le 28/11/2020 à 07:47, mis à jour le 28/11/2020 à 07:48
La fanfaronnade d'un jeune inconséquent a bouleversé la vie d'un enseignant du lycée Apollinaire de Nice. Photo Sébastien Botella

Charles craque. "Je vis l’horreur depuis deux semaines", confie-t-il, la voix brisée par l’émotion. Jeune professeur de sciences au lycée Guillaume-Apollinaire à Nice, passionné par son métier, il a été contraint d’abandonner ses 150 élèves, d’enlever son nom sur sa boîte aux lettres et de ne plus sortir de chez lui.

Consignes des policiers de la brigade criminelle qui enquêtaient depuis quinze jours sur un mystérieux "Prince Rebeu".

Sous ce pseudonyme, un individu était parvenu à envoyer le 15 novembre, sur la messagerie privée de l’enseignant, des menaces de mort explicites: "Pd, tu vas mourir comme Samuel Paty." Référence au professeur égorgé à Conflans-Sainte-Honorine. Autre extrait: "T’es mort balance. Moi et mes potes, on va venir t’arracher la tête."

Deux messages de cette teneur ont été envoyés le même soir. Le recteur encourage dès le lendemain Charles à déposer plainte.

Le parquet de Nice et la police judiciaire prennent l’affaire très au sérieux. La police judiciaire aussi. Le contexte n’a pourtant rien à voir avec un cours sur la laïcité et la liberté d’expression.

Remontrance après une triche

Charles venait d’envoyer des messages de remontrance à six de ses élèves qui avaient triché lors d’un bac blanc. L’une des jeunes filles s’en était fait l’écho sur Snapchat. Ilhed, qui n’a jamais été élève de ce lycée, qui ne connaît ni l’adolescente, ni l’enseignant, s’est immiscé dans le débat avec un déchaînement de haine incompréhensible.

Il a fallu plusieurs jours d’enquête pour démasquer l’individu qui, finalement, cherchait à se faire valoir, semble-t-il, vis-à-vis de la jeune fille. Au bout de 48 heures de garde à vue, le suspect a fini par reconnaître les menaces du bout des lèvres, prétextant ne pas connaître Samuel Paty.

Il était jugé hier soir en comparution immédiate. L’inconséquence de ce garçon laisse sans voix le tribunal: "Je suis désolé, répète-t-il. je ne connais pas ce monsieur, je n’ai aucun lien avec lui. De base c’était pour rigoler. Tout ce que j’ai dit n’était pas réel."

"Comment la personne qui reçoit de tels messages fait-elle pour savoir si c’est sérieux ou non?", interroge le président Levrault.

"En aucun cas je suis un méchant, j’ai déconné. Je me suis laissé aller. Je voulais provoquer."

Une fanfaronnade en somme qui a bouleversé la vie d’un enseignant et de ses élèves. Charles avoue culpabiliser d’avoir été contraint de cesser son métier.

"Une infraction pénale, pas une blague"

Me Julien Darras, son avocat, est agacé par le comportement du jeune prévenu: "Les profs, il faut les honorer. Vous, vous les menacez de mort. On ne peut banaliser, on ne peut pardonner".

Iheb, qui est incapable de citer les cinq piliers de l’islam, comme le rappelle son avocat Me Antoine Dalbera, parle de "blague". Me Darras réagit: "Certes, vous êtes jeune, mais vous êtes un homme, faire référence à Samuel Paty, ce n’est pas une blague, mais une infraction pénale."

Le procureur Jean-Philippe Navarre, inflexible, requiert dix-huit mois de prison à exécuter sur-le-champ.

"Dès le 16 novembre, le prévenu savait l’émoi qu’il avait causé. Pourquoi ne va-t-il pas se dénoncer et libérer le professeur du poids des menaces?"

En défense, Me Dalbera tente de "faire rempart devant une avalanche émotionnelle": "Ce n’est qu’un jeune, sans casier judiciaire, qui a cherché à faire peur."

Difficile pour le tribunal, notamment vis-à-vis de la communauté enseignante, de faire abstraction du contexte.

Reconnu coupable d’apologie publique en ligne d’un acte de terrorisme et de menace de mort, Ilheb a été condamné à la peine requise, soit 18 mois de prison ferme assortis d’un mandat de dépôt.

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Nice-Matin

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