L'émouvant hommage d'Elie Semoun à son père mort d'Alzheimer

Publié le 30 novembre 2020 à 17h08
L'émouvant hommage d'Elie Semoun à son père mort d'Alzheimer

TÉMOIGNAGE - Elie Semoun a récemment perdu son père, emporté par Alzheimer. L'humoriste s'est confié ce dimanche face aux caméras de Sept à Huit, livrant le récit poignant de la lente dégradation à laquelle cette maladie, "une vraie saloperie", l'a contraint à assister.

Un humoriste parfois grinçant, doublé d'un comédien caméléon, ça c'est ce que l'on connaît de lui. Mais aujourd'hui, Elie Semoun est avant tout un fils bouleversé qui vient de perdre son père adoré, emporté par la maladie d'Alzheimer. Depuis deux mois, il n'arrive d'ailleurs toujours pas à réaliser qu'il n'est plus là, alors qu'il l'a soutenu jusqu'à la fin. 

Pour mieux raconter ce combat qu'ils ont mené à deux, Elie Semoun a donc décidé de mettre en images cette lente dégradation dans un documentaire bouleversant, qui sera bientôt diffusé et dont Sept à Huit dévoile ce dimanche29 novembre de larges extraits. Comment son père a commencé à perdre ses repères, perdre la tête, puis ne plus le reconnaître, détaillant par la même occasion l'insupportable souffrance de voir peu à peu l'être cher disparaître.

C'était il y a quatre ans. Les premiers symptômes de la maladie commencent à apparaître. Paul Semoun a 84 ans. "Ça a commencé d'une façon presque rigolote. Il était à la campagne et il s'imaginait que quelqu'un venait chez lui pour lui emprunter sa voiture, roulait avec la nuit et venait la remettre le matin. Alors on lui disait : 'papa, c'est pas possible, ça n'existe pas'. Au début on en rit, et j'en riais beaucoup avec mon père parce qu'il avait beaucoup d'humour", raconte l'artiste face aux caméras de Sept à Huit

"Mais plus ça avance et moins c'est drôle", poursuit-il, alors que la colère prend peu à peu la place sur l'humour. "Je n'arrêtais pas de recevoir des appels de lui me disant qu'il y avait quelqu'un chez lui. Il fallait aussi que je me déplace en urgence à la maison parce qu'il avait perdu ses clés et que soi-disant on les lui avait volées", dit-il. Face à lui, son père, imperturbable, joue aussi l'agacement en lui répétant : "Vous me prenez pour un fou, puisque je vous dis que c'est arrivé. Enfin je ne suis pas fou quand même !"

C'est vrai que c'est désespérant, c'est triste, il n'y a pas d'autres mots. C'est une petite mort qui s'annonce, c'est ça qui est triste en fait.
Elie Semoun

Difficile en effet d'admettre la maladie. Elie Semoun décide donc de ramener son père là où il est né, au Maroc. "On a envie de se dire : 'tiens si je fais ça, peut-être que ça va faire un déclic dans son cerveau, et peut être qu'il va revenir à la raison", espère-t-il alors. Malheureusement, l'effet escompté n'est pas au rendez-vous. "J'aurais pu lui en parler deux mois après, je crois qu'il ne s'en serait pas souvenu, donc on s'est dit avec ma sœur qu'il y avait vraiment un problème", admet-il.

Et cette épreuve va totalement bouleverser le quotidien de l'artiste, qui décide de le prendre avec lui à la maison. Mais plus les jours passent, plus la cohabitation devient difficile. Son père s'énervant, et renouvelant inlassablement les mêmes questions, se demandant où il est et ce qu'il fait là. "C'est vrai que c'est désespérant, c'est triste, il n'y a pas d'autres mots. C'est une petite mort qui s'annonce, c'est ça qui est triste en fait", se désole Elie, insistant aussi sur l'énorme impuissance qui en découle. 

Mais dans ces instants difficiles que père et fils traversent, il y a aussi des moments de grâce : "Des moments que je n'oublierai jamais où on va faire un feu de bois au fond du jardin, où on se marre tous les deux, où il me fait sa salade marocaine, ça il sait le faire", se remémore-t-il. Elie Semoun assure aussi avoir été relativement préservé : son père ne l'a pas oublié. "C'est arrivé une fois, il a ouvert un œil, il m'a regardé et m'a dit : 'vous êtes qui ?'. Et là, ça m'a fait un coup, je me suis dit 'oh non c'est pas vrai, pourvu que je ne vive pas ça', reconnaît-il. 

"Il y a deux morts, sa mort physique et puis la mort de sa mémoire, donc petit à petit on s'efface dans son esprit. C'est terrible de se dire que j'ai vécu cinquante ans auprès de lui, je l'ai embrassé, je lui ai dit que je l'aimais, et maintenant je suis un étranger pour lui, c'est terrible", ajoute-t-il.

Le placement en Ehpad, un choix cornélien

Les mois défilent, et la maladie prend de plus en plus le dessus. L'heure n'est plus à la légèreté. Elie Semoun se rappelle des mots prononcés par son père à ce moment-là : "J'ai honte", ou encore "il vaut mieux que je meure parce que je vous embête". Des mots qui déchirent le cœur. "C'est vraiment une saloperie cette maladie, c'est pas possible. Quand ça touche au cerveau, ça touche à tout, à son intégrité intellectuelle, physique. C'est vraiment un sacré naufrage", analyse-t-il, reconnaissant qu'il a été parfois injuste avec son père, l'engueulant un peu, s'exaspérant vite de ses incompréhensions. "Je lui en voulais d'être comme ça, comme on en veut à quelqu'un qui est malade, mais comment peut-on lui en vouloir ? ", s'interroge-t-il.

La maladie avançant, Elie Semoun doit se résoudre à placer son père dans un Ehpad, mais ce dernier a beaucoup de mal à l'admettre. "A ce moment-là, je me suis dit que ça n'allait pas être facile. D'ailleurs une des premières choses qu'il a dites quand il est allé dans cet Ehpad c'est : 'il y a que des vieux là-dedans ?'", confesse-t-il. Un choix cornélien, mais qui est le seul possible quand on a un parent atteint de cette maladie.

La chute inéluctable interviendra le 12 septembre mais pour Elie, une chose est sûre, c'est le confinement qui a accéléré la mort de son père. "Quelqu'un qui a Alzheimer, qui ne sait pas où il est, et qui en plus ne reçoit pas de visites de sa famille, pour lui on l'a abandonné. C'est d'ailleurs ce qu'il disait aux infirmières malgré le fait qu'on pouvait le voir en visio, et qu'on l'appelait en Facetime. Je ne dis pas que mon père serait encore vivant maintenant mais en tout cas, on n'aurait pas perdu un mois d'amour à s'échanger, et ça a été déterminant dans son état. C'est sûr et certain", déplore-t-il, amer. 

Elie ira une dernière fois au chevet de son père avant qu'il ne disparaisse. "Au moins on s'est dit qu'on s'aimait, ça c'est le plus important, vraiment. On a été jusqu'au bout", conclut-il. Aujourd'hui il reste ce film-hommage, témoignage impudique certes, mais essentiel, car ce qu'a vécu Elie Semoun, plus d'un million de familles accompagnant un malade d'Alzheimer le vit aujourd'hui en France. Le nombre de cas devrait doubler d'ici 2040. 


Virginie FAUROUX

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