La vidéo publiée par Mediapart de l'interpellation au Bois de Boulogne le 30 avril 2019

La vidéo publiée par Mediapart de l'interpellation au Bois de Boulogne le 30 avril 2019

Pascale Pascariello, Armel Baudet/Mediapart

L'affaire date d'avril 2019, mais sa révélation intervient dans un contexte de mise en cause croissante des méthodes de la police française. Mediapart a dévoilé dimanche une vidéo datée de la nuit du 30 avril 2019 provenant des caméras de surveillance du bois de Boulogne, à Paris.

Publicité

À un feu rouge, six jeunes âgés de 16 à 22 ans rentrent de soirée en voiture. Ils sont alors encerclés par trois véhicules qui bloquent le leur. Huit hommes, dont certains armés, en sortent. Pensant avoir affaire à des braqueurs, le conducteur recule mais sa voiture est immobilisée par un véhicule à l'arrière. L'un des hommes tire à deux reprises, brisant la vitre côté conducteur, l'une des balles passant à quelques centimètres du visage de Paul, qui tient le volant.

LIRE AUSSI >> Producteur tabassé : les quatre policiers mis en examen, deux d'entre eux écroués

Les huit hommes armés sont en fait des policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC), qui ont voulu interpellé les six jeunes pour vol de sac à main, sans preuve. Les agents n'affichent aucun des signes réglementaires, brassard, gyrophare, et les tirs ont été effectués sans sommation préalable.

Une enquête a été ouverte contre ces policiers dès mai 2019, pour "violences par personne dépositaire de l'autorité publique". Alors que les investigations sont toujours en cours, la préfecture de police a pourtant indiqué à Mediapart que "le parquet a conclu à la légitime défense", et qu'"aucune procédure administrative n'a été diligentée à l'encontre du policier ayant fait usage de son arme de service".

Les agents ont justifié leur action par des faits de violence de la part du conducteur. Les poursuites pour vol contre les six jeunes ont été rapidement abandonnées, mais la garde à vue du conducteur a été prolongée pour "violences volontaires sur personnes dépositaires de l'autorité publique, avec arme par destination sans incapacité totale de travail", suite à la marche arrière de son véhicule, venant heurter celui de policiers. La relaxe n'est intervenue que le 4 novembre 2020, avec un dédommagement de 1000 euros.

Un tir de riposte selon un policier

"J'ai été poursuivi pour ça et relaxé seulement en novembre dernier, explique le conducteur, Paul, au média en ligne. Par contre, le policier qui a tiré en me visant continue de se balader avec son arme. J'ai porté plainte, mais l'enquête est plus longue le concernant", alors que la vidéo en question n'a été transmise à l'avocat du jeune homme de 22 ans qu'en juin 2020, après de multiples demandes.

À la suite de cette interpellation, le conducteur, sous le choc, a subi quarante jours d'ITT, et a dû interrompre ses études, à cause d''explosions impulsives", de "crises de pleurs" et de "ruminations centrées sur la peur qu'il a eue de mourir", a indiqué l'expertise psychiatrique au cours de l'enquête. Auprès de Mediapart, il explique que "la balle s'est logée dans la carrosserie à quelques centimètres à côté de ma tête", et qu'il "a cru mourir".

LIRE AUSSI >> Violences policières : en quoi va consister l'audition de Darmanin à l'Assemblée ?

Dans les procès-verbaux rédigés à la suite de cette nuit du 30 avril 2019, le major chargé d l'interpellation indique "que nous n'avions ni gyrophare ni brassard de police. L'action a pris le dessus sur le réflexe de sortir son brassard". Le policier auteur des deux coups de feu explique que "le conducteur a effectué une marche arrière et nous a percutés, je sors et je saisis mon arme et la dirige en direction du véhicule et je fais feu", et justifie le second tir par "la détermination du conducteur, pensant qu'il allait faire une marche avant", ce qui ne s'est pas produit, vidéo à l'appui. "Je pointe en direction du danger pour protéger les collègues, donc un tir de riposte", explique pourtant l'agent. Selon l'avocat du conducteur, Raphaël Kempf, les poursuites pour violences "décidées par le procureur à l'encontre de Paul visaient à couvrir les violences policières".

Publicité