La Naissance de Vénus de François Boucher : focus sur un chef-d’oeuvre

La Naissance de Vénus de François Boucher : focus sur un chef-d’oeuvre
François Boucher, La Naissance de Vénus, 1740, huile sur toile, 130 x 162 cm STOCKHOLM, NATIONALMUSEUM. ©CECILIA HEISSER.

Commencez votre journée en découvrant une oeuvre d'art ! Aujourd'hui, Cap sur un monde de sensualité avec La naissance de Vénus, chef-d'oeuvre rococo de François Boucher, né le 29 septembre 1703.

Il revint à Carl Gustav, comte Tessin (1696-1770), de commander au peintre François Boucher un véritable manifeste de la peinture rococo : La naissance de Vénus. Petit-fils de l’architecte Nicodème Tessin l’Aîné, fils de Nicodème Tessin le Jeune, surintendant des Bâtiments du roi de Suède et initiateur de la reconstruction du palais royal de Stockholm après l’incendie de 1697, Carl Gustav était prédisposé à servir son pays à travers les arts. Jeune homme, il avait découvert la France en 1714, puis en 1718, à l’occasion de son « Grand Tour » européen.
Propulsé au poste de surintendant des Bâtiments royaux à la mort de son père (1728), Carl Gustav fit ses premiers achats d’œuvres d’art durant un second séjour parisien (décembre 1728 – avril 1729). Son troisième et ultime séjour (juillet 1739-juillet 1742) fut plus glorieux encore et le plongea au cœur du monde culturel et artistique. Affilié, à la Diète, au parti pro-français dit « des Chapeaux », Tessin venait cette fois à Paris représenter son pays, quoique de façon officieuse, pour resserrer les liens avec la France en prévision d’un conflit attendu entre la Suède et la Russie. Arrivé dans la capitale avec sa chère épouse, Ulrika Lovisa (« Ulla ») de Sparre, il eut à cœur de rencontrer le peintre François Boucher (1703-1770) dès le 3 août 1739.

Fantaisies mythologiques

L’année suivante, dans une lettre du 22 juillet adressée en Suède à son ami et bras droit, Carl Harleman, Tessin s’enthousiasmait pour la toile commandée : « Boucher me fait une Naissance de Vénus : cospetto ! Que bella causa ! ». Explorant, depuis son retour de Rome (1733), tous les genres picturaux, Boucher se trouvait alors dans une phase d’ascension irrésistible. La mythologie antique, avec son cortège d’épisodes fantaisistes et sensuels, inspirait aux artistes des toiles encore inscrites dans les conventions de la peinture d’histoire mais aptes à satisfaire une société avide de dépasser les grandeurs louisquatorziennes.

Le voile de Vénus Propulsé dans les airs, le voile de naissance de Vénus s’offre en jeu aux Amours. En reprenant l’axe circulaire induit par les corps, ce voile unifie la composition dans un irrésistible tournoiement.

Le voile de Vénus Propulsé dans les airs, le voile de naissance de Vénus s’offre en jeu aux Amours. En reprenant l’axe circulaire induit par les corps, ce voile unifie la composition dans un irrésistible tournoiement.

Avec des tableaux tels que L’Enlèvement d’Europe et Bacchus confié par Mercure aux nymphes de Nysa (v. 1733-1734, Londres, Wallace Collection), Boucher avait déjà prouvé, en digne élève de François Lemoyne, qu’il pouvait rivaliser avec les scènes riches en personnages et effets lumineux des maîtres contemporains, Pierre Jacques Cazes, Jean Restout, Noël-Nicolas et Charles Antoine Coypel, Jean-François De Troy ou bien encore Charles Joseph Natoire.

François Boucher, L'Enlèvement d'Europe, vers 1732-1735, Wallace Collection

François Boucher, L’Enlèvement d’Europe, vers 1732-1735, Wallace Collection

Beautés tapageuses

Exposée avec succès au Salon de 1740, La Naissance de Vénus marquait néanmoins une étape dans la peinture de délectation privée. Sans s’appuyer sur une composition clairement définie par groupes et éléments, Boucher portait à son incandescence une peinture dynamique qui, noyant ciel, terre et mer dans un même tourbillon, ne tendait qu’à exalter la beauté féminine. Dans une atmosphère d’irréalité totale, la lumière elle-même paraissait jaillir de Vénus pour caresser les corps scintillants de ses compagnes. Boucher prétendait qu’« on ne devait pas se douter qu’un corps de femme a des os ». Il entendait bien, en revanche, le montrer sous toutes les postures désirables, à la manière des miroirs qui se répandaient alors dans les intérieurs en démultipliant les angles de vision.

Les appâts de Vénus Étourdie par son propre jaillissement de l’onde, Vénus paraît, déjà installée sur son char. « Comme Boucher est habile à donner toutes les tentations du geste abandonné, du sourire facile, du maintien engageant ! », écrivaient Jules et Edmond de Goncourt.

Les appâts de Vénus Étourdie par son propre jaillissement de l’onde, Vénus paraît, déjà installée sur son char. « Comme Boucher est habile à donner toutes les tentations du geste abandonné, du sourire facile, du maintien engageant ! », écrivaient Jules et Edmond de Goncourt.

Bien avant un Alfred Hitchcock à la recherche de blondes idéales pour son cinéma, Boucher déclina toute sa vie des visages de femmes aux cheveux clairs et des corps irradiant une jeunesse éternelle. Bien que son épouse fût brune, la beauté réputée de celle-ci, reconnaissable, peut-être déjà, dans le couple de La Marchande d’œufs (Hartford, États-Unis) brossée vers 1733, année de mariage du peintre, dut lui servir longtemps de « module » malgré les nombreux modèles féminins posant en atelier.

La pose cambrée À travers ses peintures et dessins, Boucher explora, au moins dès 1732, la pose cambrée, usitée, ici, dans cette Néréide brune. Cette posture lui inspira une série de figures d’odalisques, ses nus les plus fameux et les plus osés.

La pose cambrée À travers ses peintures et dessins, Boucher explora, au moins dès 1732, la pose cambrée, usitée, ici, dans cette Néréide brune. Cette posture lui inspira une série de figures d’odalisques, ses nus les plus fameux et les plus osés.

Jusqu’au bout, Boucher peignit des tableaux à scènes mythologiques, le plus souvent à la gloire de Vénus. À leur sujet, Denis Diderot parlera, dans ses Salons, de « tapage insupportable »… Un peu plus tard, Honoré Fragonard, l’un de ses élèves, poussera l’indiscrétion voyeuriste jusqu’aux portes de l’alcôve, tandis qu’un Jacques Louis David, reconnaissant, malgré tout, que « n’est pas Boucher qui veut », se chargerait de rappeler que le Beau devait aussi susciter le Bien.

Gueule de dauphin Dans cette nature faussement agitée évoquant une « scène primitive », le dauphin se rend utile en portant Néréides et naïades. Sa gueule expressive restera un poncif de tous les sujets marins illustrés par Boucher.

Gueule de dauphin Dans cette nature faussement agitée évoquant une « scène primitive », le dauphin se rend utile en portant Néréides et naïades. Sa gueule expressive restera un poncif de tous les sujets marins illustrés par Boucher.

Au-delà de ces jeux habituels de balancier, Tessin, en compagnie de son ami Boucher et d’autres artistes et amateurs, vibra au rythme de son temps. « La marque la plus infaillible de la splendeur d’un royaume, c’est lorsque les arts fleurissent », écrivit-il en 1751 à son élève, futur Gustave III de Suède. Toute sa vie, il y contribua.


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