Cécile Duflot : "Les réseaux sociaux pourrissent nos sociétés, ils ont augmenté les capacités de harcèlement"

Cécile Duflot défend l'idée que c'est le pouvoir citoyen qui doit faire face aux décideurs en matière d'écologie ©Radio France - capture écran
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Cécile Duflot défend l'idée que c'est le pouvoir citoyen qui doit faire face aux décideurs en matière d'écologie ©Radio France - capture écran
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Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France et ancienne ministre de l'Écologie, est l'invitée de 7h50. Elle témoigne sur le cyber-harcèlement dont elle fait l'objet, qui l'a poussé à quitter les réseaux sociaux.

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La semaine dernière, Cécile Duflot, ancienne ministre et directrice générale d'Oxfam France, a annoncé quitter provisoirement les réseaux sociaux, en raison d'un cyber-harcèlement dont elle est victime depuis trois ans : "J’ai fait un message parce que je n’y arrivais plus, j’étais fragilisée, explique-t-elle. C’est la première chose que je veux dire : vu mon expérience et mon parcours, j’ai plutôt les nerfs froids, je suis résistante, et pourtant ça m’atteint. Il ne faut pas minimiser les choses, dire que ce n’est pas grave, parce que ça touche. Et j’ai mis du temps à comprendre à quel point c’était violent."

Elle explique avoir reçu de très nombreux messages de soutien, et notamment venant d'autres femmes : "J’en parle avec vous parce que j’ai reçu beaucoup de messages de femmes qui m’ont dit que j’allais le faire pour toutes celles qui ne peuvent pas parler. 60% des filles de moins de 25 ans disent avoir déjà été harcelées, notamment par les réseaux sociaux. (...) Ça pourrit nos sociétés, et surtout les réseaux sociaux, ça a augmenté les capacités de harcèlement. Il faut prendre cela au sérieux. Si en en parlant, ça peut aider à ce qu’on prenne au sérieux ce qui arrive à d’autres femmes..."

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Ce n’est pas un petit phénomène, mais ce n’est pas non plus une fatalité

Cécile Duflot raconte que lorsque le cyber-harcèlement, perpétré par un jeune homme de 22 ans, a commencé, elle a d'abord essayé de ne pas y prêter attention, mais que rapidement la menace s'est accentuée : "Quand on est une personnalité publique, c’est facile de trouver certains éléments. Il a trouvé mon adresse parce que quand j’ai déposé plainte, j’ai donné mon adresse et mon numéro de téléphone. Je ne sais pas comment, mais il a eu en main ma plainte avec mon adresse. Des choses doivent être mises en œuvre pour prendre des précautions. J’ai aussi été très écoutée par les policiers qui ont travaillé : la dernière fois, ils m’ont appelée en me disant “il vous cherche, cachez-vous”." 

"Son argumentaire est rationnel, précise-t-elle, dans un discours qui est de dire, les féministes vous nous fatiguez, on a le droit de faire ce qu’on veut".

Chez les femmes victimes de violence, il y a souvent une période de harcèlement

Alors que l'homme en question a déjà été condamné trois fois, et a récidivé moins d'un mois après sa dernière sortie de prison, Cécile Duflot pointe un problème de moyens : "Des gens font bien leur travail, mais il faut qu’ils en aient les moyens (...). Il y a un vrai sujet sur les moyens de la justice. Ce n’est pas normal, on va avoir un quatrième procès en trois ans. Il faut des moyens pour un suivi judiciaire, des moyens donnés aux services d’insertion et de probation, des services psychiatriques."

Interrogée également sur la lutte pour le climat, Cécile Duflot détaille les résultats d'un sondage commandé par Oxfam qui indique que le climat est encore un climat important pour 95% des Français : "Ça dit la même chose que ce qu’il s’est passé lors de la convention citoyenne. On voulait vérifier un discours qui commence à s’installer, y compris dans la bouche de certains politiques, qui dit que la priorité après la crise sanitaire, c’est de repartir comme avant (...). La crise sanitaire, paradoxalement, a fait comprendre qu’on pouvait être au devant d’une crise qui était déjà là, la crise climatique. C’est important de se rendre compte que cette priorité reste là."

Alors que les propositions de la convention citoyenne pour le climat doivent être transposées dans un projet de loi, Cécile Duflot rappelle que les paroles ne suffisent pas : "Parfois, la parole publique est performative par rapport à d’autres. Avec le climat, la seule chose qui marche, c’est faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, la France ne respecte pas sa trajectoire (...). Le sujet c’est de savoir concrètement si oui ou non les politiques menées permettent de tenir cet objectif. En 2020, c’est le 5 mars que nous avons émis l’intégralité de ce qu’on aurait dû émettre en CO2 si on veut être neutre. Quand vous faites du vert et du marron en même temps, au final, vous ne faites rien."

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